Bouteflika : «Je ne peux pas passer sous silence les scandales de Sonatrach !»

Bouteflika : «Je ne peux pas passer sous silence les scandales de Sonatrach !»

Sonatrach n’en finit pas avec les scandales. Dès que l’un est étouffé, d’une manière ou d’une autre, un autre, plus important encore, surgit. D’anciens hauts dirigeants de la  compagnie nationale des hydrocarbures, comme Hocine Malti qui en fut son vice-président, l’association algérienne de lutte contre la corruption (AACC), notamment son courageux dirigeant, Djilali Hadjadj, et la presse, n’ont cessé d’alerter les pouvoirs publics et de dénoncer les malversations dans cette entreprise qui procure à l’Algérie l’essentiel de ses ressources financières.

Cette affaire que le président de la République a, pour la première fois évoquée, disant, dans un communiqué, ne pas pouvoir « passer sous silence les scandales concernant la gestion de Sonatrach, récemment relevés par la presse », touche ses proches, notamment l’ancien ministre de l’énergie, Chakib Khelil, déjà impliqué dans d’autres affaires de versement de commissions, et Farid Bedjaoui, un neveu de l’ancien ministre des Affaires étrangères et ancien président de la Cour internationale de justice de la Haye [1994-1997], ami personnel, comme Chakib Khellil, de Abdelaziz Bouteflika, originaires tous les trois de la ville de Tlemcen.
Les commissions distribuées à des intermédiaires algériens et étrangers, à l’exemple de Pierre Falcone condamné à maintes reprises par la justice française, sont colossales, elles s’élèvent à plus de 250 millions de dollars. Jusqu’ici, les auteurs de ces détournements, sans doute couverts par de hautes personnalités, échappaient à toute poursuite judiciaire.
Aucune plainte n’était déposée et aucune enquête n’était ouverte.
Faut-il croire que l’intervention du chef de l’Etat qui semble dire dans son message au secrétaire général de l’UGTA, à l’occasion de la fondation de cette dernière le 24 février 1956 et la nationalisation des hydrocarbures le 24 février 1971, qu’il ne protège pas ses proches coupables de corruption et de détournement de fonds publics, les livrant ainsi à l’investigation de la justice qui a, il faut le dire, tardé à ouvrir ne serait-ce qu’une enquête préliminaire sur ces affaires connues depuis 2010.
Raison pour laquelle, l’ancien vice-président de Sonatrach, Hocine Malti, s’est adressé directement, par une lettre ouverte, au chef du Département Renseignement et Sécurité (DRS) pour lui demander d’aider la justice à aller jusqu’au bout et de n’épargner aucune personnalité, quel que soit son niveau, ayant tiré, d’une manière ou d’une autre, bénéfice de cette affaire.
En tout cas, le chef de l’Etat semble avoir, par cette intervention, lâché ses amis, notamment Chakib Khelil et Mohamed Bedjaoui dont les noms sont le plus souvent cités, sans présumer de leur culpabilité, c’est à la justice devant laquelle les renvoie Abdelaziz Bouteflika de déterminer le niveau de leur responsabilité.
«Ces pratiques, a-t-il dit dans son communiqué, soulèvent [sa] révolte et [sa] réprobation» tout en soulignant qu’il faisait « confiance à la justice […] pour tirer au clair l’écheveau [des] information [rapportées par la presse], pour situer les responsabilités et appliquer avec rigueur les sanctions prévues par notre législation. »
Si, comme semble le laisser accroire le président de la République que cette nouvelle affaire de corruption ne pourrait qu’affaiblir, concernant essentiellement ses proches qui ont profité et abusé de sa proximité pour se livrer au crime, cette affaire aboutissait à la traduction de personnalités de premier plan devant la justice, ce serait la première fois dans l’histoire de l’Algérie indépendante que des ministres voire des généraux seraient jugés.
Brahim Younessi