Le chef de l’Etat et le Premier ministre se maintenant en retrait des feux de la rampe pendant que le pays gronde de partout, c’est Dahou Ould Kablia, ministre de l’intérieur et des collectivités locales, qui prend sur lui de distiller le commentaire officiel.
Dans un entretien accordé à notre confrère Liberté ( dimanche 30 janvier ), Dahou Ould Kablia affirme, de nouveau, que les marches et les manifestations restent interdites dans la capitale. Il affirme également que la levée de l’état d’urgence relève de la compétence du gouvernement et non de celle de son ministère. Dahou Ould Kablia, dit aussi ne pas craindre un effet contagion en Algérie des révoltes tunisiennes et égyptiennes. DNA reproduit l’essentiel de l’entretien.
L’interdiction des marches dans la capitale a été instaurée par le 18 juin 2001, sous le gouvernement de Ali Benflis. Elle a fait suite à la marche historique du mouvement citoyen de Kabylie qui a vu plus d’un million de personnes déferlées sur Alger. La marche a été violemment réprimé. Depuis, les autorités ne tolèrent aucune manifestation publique à Alger. La marche à laquelle avait appelé samedi 22 janvier le Rassemblement pour la Culture et la démocratie (RCD) de Said Sadi a été empêchée par le gouvernement :
« Les Marches sont interdites à Alger, non pas parce que c’est le RCD ou la coordination qui ont appelé à des marches. Nous n’avons pas interdit la marche du RCD mais toutes les marches au niveau d’Alger. Le refus n’est pas seulement signifié à l’opposition. Si un parti de l’Alliance (FLN-RND-MSP, ndlr) envisage demain d’organiser une marche à Alger, je peux vous dire en tant que ministre de l’intérieur, qu’elle sera interdite »
L’impératif sécuritaire est, de nouveau mis de l’avant pour justifier l’interdiction des marches dans la capitale
« Aucun parti, aucune association ne peuvent maîtriser une marche, garantir qu’elle se déroule de manière pacifique (…) si nous mobilisons les moyens de sécurité pour encadrer une marche ou une manifestation quelconque, nous le ferons au détriment de la lutte contre le terrorisme. Les terroristes peuvent profiter de cette occasion pour pénétrer dans Alger. »
Dahou ould Kablia invoque ainsi la menace terroriste pour justifier l’interdiction des marches dans Alger mais, quelques phrases plus loin, il s’oublie à émettre une possibilité de les autoriser :
« Les marches et rassemblements ne sont pas interdits ailleurs. A Alger, des rassemblements et des meetings se sont déjà déroulés dans des lieux clos qui peuvent être suffisamment sécurisés. Les marches à Alger non. Sauf si les choses changent. Si l’on se retrouve en face de personnes, des partis ou des associations qui pourraient offrir toutes les garanties que les choses se passeraient pacifiquement et normalement. »
La levée de l’état d’urgence instauré le 09 février 1992 comme mesure aidant à la lutte contre le terrorisme est une revendication qui tend à faire consensus parmi la classe politique et au sein de la société. Son maintien, alors que la réconciliation nationale est censée avoir ramené la paix, apparaît anachronique. D’aucuns estiment que le pouvoir s’en sert pour bâillonner les libertés :
« C’est une question (la levée de l’état d’urgence, ndlr) qui relève des prérogatives du gouvernement et non du ministère de l’intérieur. C’est au gouvernement qu’il revient d’estimer si l’état d’urgence est toujours nécessaire ou pas. L’état d’urgence ne gêne nullement un certain nombre d’activités. L’état d’urgence a été mis en place pour lutter contre le terrorisme. Ce fléau n’est pas tout a fait éradiqué. Mais je ne veux pas me prononcer sur l’état d’urgence, si ce n’est pour dire que le gouvernement aura peut-être à examiner ce dossier pour voir si le fait qu’il soit toujours en vigueur peut apparaître positif ou si l’on peut s’en passer. »
La révolte en Tunisie a contraint le président Benali et son entourage à la fuite. L’Egypte vit un climat d’insurrection généralisé qui pourrait pousser au départ du président Moubarak. L’effet contagion est craint dans la région. Pas en Algérie, tranche le ministre :
« En Algérie, nous n’avons pas ressenti de revendications politiques. A aucun moment et je ne parle pas seulement des événements de ce mois-ci, mais de tous les événements récents. Nous n’avons pas décelé une empreinte politique, des noms cités. Ce qui prouve, à mon avis, que l’Etat, malgré tout, jouit d’une certaine crédibilité. Au niveau de la population du moins. Je sais que certains partis ne voient pas les choses de la même manière. »
Le chef de l’Etat ne s’est pas adressé à la Nation, malgré le climat le climat d’émeutes qui a marqué le pays en début d’année. Certains le disent malade, d’autres lisent son silence comme une attitude de mépris ou d’impuissance. La rumeur a même fait le tour des chaumières quant au départ du Premier ministre, Ahmed Ouyahia :
« Ce que je peux vous dire, c’est que le président a donné des instructions et des orientations aux responsables en charge de ses problèmes. Le premier ministre le ministre de l’intérieur, le ministre du commerce. Donc sa position était connue (..) je vous confirme que Monsieur le président de la république suit la situation du pays et l’action du gouvernement au quotidien et qu’il fait part à tout moment de ses instructions, de ses observations ou de ses critiques. »