Le dernier Conseil des ministres, tenu jeudi dernier, aura eu le mérite de dévoiler le grand fossé séparant les bonnes intentions affichées par le chef de l’État de la réalité du terrain.
Le gouvernement, chargé d’appliquer la politique du président de la République, a eu tout le temps pour prouver son échec.
Les ambitieux plans quinquennaux, lancés depuis l’arrivée d’Abdelaziz Bouteflika au pouvoir, ont toujours buté sur une gestion catastrophique où la corruption la dispute à la mauvaise gestion et au clientélisme. Résultat des courses : les centaines de milliards de dollars, manne inespérée, venue exclusivement de la hausse des cours du pétrole, se sont évaporées dans la nature, ou plus précisément, dans des contrats illicites et les comptes off shore.
Partout où l’on regarde, les chantiers lancés depuis l’arrivée de Bouteflika au pouvoir sont visibles, interminables ou bâclés, par des exécutants malintentionnés. Chez le peuple, une seule phrase revient : “Un pays riche et un peuple pauvre”. Comment en est-on arrivé là ? Tout simplement parce que l’annonce de projets de telle envergure devait être accompagnée de mesures strictes à même d’assurer et la réussite et la transparence de la conduite de chantiers aussi grandioses. Des secteurs ont failli lamentablement, malgré les dizaines de milliards de dollars engloutis. On pense aux travaux publics où le chantier du siècle a beaucoup fait parler de lui, en termes de scandales, de retards dans la réalisation et de contraintes liées à la mise en exploitatation de certains tronçons.
Les multiples chantiers, lancés par ce secteur, ont bénéficié d’enveloppes conséquentes et devaient, sur le papier, résoudre les problèmes de la circulation routière. Or, sur le terrain, la plupart des projets routiers réalisés ces derniers temps n’ont pas résisté aux premières pluies. Bâclés, confiés à des entreprises “amies” pas spécialement compétentes, ces projets ont posé plus de problèmes qu’ils n’en ont résolus.
Le secteur des transports a englouti des sommes colossales, mais ni le métro dont personne, à commencer par le ministre, ne sait quand il sera fonctionnel ou encore le tramway. Les différents projets ferroviaires lancés à coups de milliards de dollars ne voient toujours pas le jour et bon nombre de ceux-ci ont été bloqués pour des raisons liées au choix des entreprises de réalisation. La corruption est passée par-là. Dans le secteur hypersensible du bâtiment, les projets ambitieux de construction de millions de logements ont été freinés, par on ne sait quelle main. Même les entreprises chinoises, qui avaient pourtant commencé à travailler avec un rythme de trois équipes par jour, se sont mises à rouler au ralenti. Des blocages en tous genres ont fait que les chantiers restent à l’arrêt, ou marchent au ralenti.
La tension sur les logements sociaux, surtout depuis la suspension inexplicable de la formule AADL, a fait que le gouvernement a du mal à gérer la forte demande, surtout lorsqu’il s’agit de gérer, à la fois, les demandes qui datent depuis l’Indépendance, celles liées à l’exode rural, accentué par le terrorisme, celles liées tout simplement à la réalité qui fait que la plupart des jeunes, ayant atteint la quarantaine, attendent toujours un toit pour fonder une famille. À cela s’ajoute l’inextricable problème des bidonvilles que l’État s’est engagé à éradiquer. La gestion catastrophique de ce dossier par les collectivités locales, ajoutée à une gestion démagogique du dossier par le gouvernement a donné lieu, récemment, à des émeutes, qui ont poussé le gouvernement à surseoir à l’opération de relogement. Bouteflika vient d’ordonner la reprise de l’opération. Qui peut garantir qu’elle ne provoquera pas de nouvelles émeutes ? Personne. Le secteur du commerce a prouvé son incapacité de réguler le marché. Avec les pénuries successives des produits de première nécessité, le renchérissement cyclique de certains produits de large consommation, le ministère s’est montré incapable de gérer, attendant chaque fois des décisions d’en haut pour subventionner les produits et calmer la colère sociale. Mais aucune solution de fond n’a été proposée.
Au contraire, les rares mesures prises par le gouvernement en vue de réguler le marché se sont retournées contre lui et ont provoqué des émeutes, obligeant le gouvernement à faire des concessions de taille aux grossistes ne disposant d’aucun registre du commerce et refusant de payer la moindre taxe, mais aussi aux vendeurs ambulants et aux importateurs.
Le secteur agricole, qui devait garantir un minimum d’autosuffisance alimentaire, reste tributaire d’une pluviométrie capricieuse, d’aides de l’État et surtout d’une politique agricole incapable de stopper l’avancée du béton, encore moins d’éviter que le secteur ne soit l’otage des trabendistes. Le secteur industriel reste quasi inexistant, alors que celui devant attirer les investissements baigne dans les incohérences, au point où les IDE, tant désirés et maintes fois annoncés, ont beaucoup plus servi à entretenir des illusions qu’à autre chose. En tout cas, la gestion de ce dossier a montré toutes les limites des responsables de ce secteur, qui ont complètement discrédité l’Algérie sur la scène internationale.
Les autres secteurs ne sont pas mieux portés, malgré les sommes colossales injectées. Que ce soit la santé, dont les prestations se dégradent de jour en jour, ou l’éducation où on aura tout essayé sans jamais réussir quoi que ce soit. L’échec patent de l’Exécutif pose un sérieux dilemme : faut-il changer le gouvernement ? Et par quoi ? S’il faut se contenter juste de permuter les personnes, comme ce fut le cas par le passé, le résultat sera connu d’avance. Trois choix s’offrent au président Bouteflika : nommer un gouvernement politique, issu de l’Alliance présidentielle, une sorte de récompense à ses alliés.
Un choix qui a déjà démontré son inefficacité. Le second choix consiste à ouvrir le gouvernement à d’autres partis, d’autres organisations de la société civile. Une sorte de gouvernement d’union nationale. Mais on reste toujours dans le gouvernement politique, sachant que les personnes désignées ne seraient pas forcément spécialistes en la matière. Reste la troisième option, celle d’un gouvernement de technocrates.
Une chose est sûre : l’actuelle équipe gouvernementale a fait ses preuves et son temps.