Le président a fait un discours hier pour inviter les Algériens à aller voter le 10 mai pour les élections législatives. Le reste, tout le reste est passé sous silence.
Fidèle à son cynisme, Bouteflika a récidivé jeudi encore. Au moment où des dizaines de milliers d’Algériens se débattent sous la neige, grelottent de froid, luttent contre les congères qui bloquent routes et villages, au moment où l’on enterre les 44 morts victimes des intempéries, où l’on essaye de panser ses blessures, le président, lui, préfère discourir sur les élections législatives, ignorant superbement les problèmes inextricables auxquels sont confrontés les citoyens depuis une semaine. Voire plus. Là comme ailleurs, de son palais d’El Mouradia, le président s’est montré à des années lumières de ce que vit l’Algérien lambda.
Nous tient-il à ce point en piètre estime ? Car déjà, on se rappelle du drame des inondations de Bab El Oued et ses centaines de victimes. Le président était resté de marbre, silencieux devant ce qu’avait subi ce quartier populaire. Pourtant d’El Mouradia à Bab El Oued il y a qu’une poignée de kilomètres ! L’homme est ainsi : froid.
Comment raisonnablement un président peut-il à ce point zapper, ignorer la rue, les villages de ce pays ? Ce discours ruine les espoirs de rapprochement entre les représentants de l’Etat et les citoyens. Pire, il vient même confirmer et donner quitus à des autorités locales défaillantes dans la gestion des intempéries, pour ne parler que de celles-ci. Oui, si le président n’évoque pas les problèmes dans lesquels se débattent les citoyens c’est qu’ils n’existent pas.
Au grand désespoir de ceux qui ont encore l’espoir chevillé d’un renouveau algérien, il y a comme un mur d’obstination entre le pouvoir et les demandes pressantes du peuple.
Une élection chapeautée par un gouvernement partisan
Préférant mettre la poussière sous le tapis, Bouteflika n’obéit qu’à un seul agenda : le sien. La lente sortie de scène de ce système n’est pas écrite. Bouteflika prétend donc réformer sans écouter les propositions de l’opposition ou du moins de certaines personnalités réputées intègres. Car d’opposition organisée, il n’y en a point.
Dans son discours, il a rappelé ses promesses de réformes qu’il a au demeurant plus imposées que partagées avec la classe politique. Pour le président « toutes les dispositions ont été prises pour garantir la transparence des élections. L’opération électorale et le dépouillement des résultats se dérouleront sous la surveillance directe des représentants des candidats dans tous les bureaux de vote. Les instances nationales de surveillance et de supervision auront à s’assurer du respect de la loi électorale ». Malheureusement cette déclaration n’est qu’un vœu pieux, car aucun signe probant ne préfigure la neutralité de l’administration par exemple dans ce scrutin. L’Administration a par le passé été l’instrument du pouvoir, donc elle n’est garante d’aucune transparence. L’Algérien se rappelle comment le président lui-même avait utilisé les moyens de l’Etat pour ses précédentes campagnes. Il se souvient aussi des pressions des ministres sur les autorités locales.
Pis encore, comme un gouvernement partisan peut-il mener un scrutin neutre et transparent ? On ne peut pas être arbitre et joueur. Des ministres vont se présenter à la députation, qui pourra les empêcher d’utiliser les moyens de l’Etat. Ce ne sera sûrement pas la simple déclaration du président. Les citoyens attendent des faits concrets sur le terrain, rien que des faits. Tout le reste importe peu. Jeudi soir, le président a raté l’occasion de se rapprocher de son peuple, préférant discourir sur une élection auquelle peu croit. Décidément, le changement ne viendra pas pour le printemps.
Sofiane Ayache