Bouteflika au dernier conseil des ministres :«Mais où sont les propositions des partis ?»

Bouteflika au dernier conseil des ministres :«Mais où sont les propositions des partis ?»

«Mais où est la disposition sur la candidature des membres du gouvernement ? Où sont les propositions des partis ?».

C’est sur ce ton ferme que Bouteflika interpella Daho Ould Kablia qui finissait la lecture de l’avant-projet de loi sur les élections lors du dernier Conseil des ministres, dimanche 28 août dernier. «J’ai pourtant particulièrement insisté sur ce point» !

Selon des confidences faites par une source informée, «cette sortie présidentielle plongera la salle des réunions dans un silence de cathédrale : ni le ministre de l’Intérieur, ni Ouyahia ni Belkhadem, également concernés par cette remarque, n’ont réagi». Ce sera d’ailleurs Bouteflika qui revient à la charge. «Lisez-moi ce que les partis ont demandé sur cette question», demandera-t-il à Ould Kablia. Il faut préciser ici que, selon notre source, le rapport de la commission Bensalah sur les réformes politiques a fait l’objet «de résumés bien précis pour chacune des lois, comportant chacun les points de vue de chacune des parties reçues par la commission. Ces brochures servent de documents de travail lors des réunions du gouvernement et celles du Conseil des ministres».

Le ministre de l’Intérieur ayant lu cette partie du rapport, Bouteflika enchaîne : «Vous voyez bien que les partis ont demandé à ce que les membres du gouvernement qui veulent se porter candidat aux élections démissionnent au préalable, non ? Alors, mettez-la dans le texte !» Une disposition qui obligera dorénavant chaque ministre qui voudrait se porter candidat aux élections de démissionner trois mois avant l’échéance électorale. Un vrai coup de massue pour les trois partis de l’Alliance, le FLN, le RND et le MSP. «Franchement, qui pouvait battre un ministre en exercice dans une élection ?» commente notre source.

«Dès qu’il s’agit d’un ministre candidat, c’est toute l’administration qui se mobilise pour lui». Mais désormais, tous les calculs sont faussés. Pour Belkhadem et Ouyahia essentiellement. «Avoir des ministres têtes de listes permettait à ces partis d’écraser leurs adversaires avant même le début des élections.» C’est du reste Belkhadem qui était derrière les propositions les plus importantes, lors des réunions du gouvernement. «A chaque fois soutenu par Ouyahia comme lorsque il s’est agi d’annuler cet article de loi interdisant aux ministres candidats de demeurer à leurs postes.» Il faut dire qu’avec ses quatorze ministres, c’est le FLN qui est le plus grand perdant dans l’affaire.

Belkhadem qui, dit-on, voulait confier la conduite de la liste d’Alger au ministre de l’Enseignement supérieur, supérieur, Rachid Harraoubia, dans la perspective d’en faire le futur président de l’Assemblée, maintiendra-t-il son choix ? «A coup sûr, ils ne seront pas des foules de ministres à se bousculer pour des candidatures à l’avenir», ironise notre source. «Ecoutez ! dira encore Bouteflika au cours de la même réunion, j’ai engagé ma crédibilité dans cette histoire. Tout ce que j’avais annoncé sera appliqué !» Il interpellera aussitôt un autre ministre, celui de la Justice, Tayeb Belaïz : «Lisez-moi ce que les partis ont demandé concernant la surveillance des élections.» A sa lecture du rapport Bensalah, Belaïz confirmera qu’à l’unanimité, l’implication des magistrats est souhaitée. «Eh bien, mettez-la !» ordonnait fermement Bouteflika tranchant ainsi en défaveur de Belaïz qui était opposé à l’implication de la justice dans les joutes électorales. «Et puis, franchement, pourquoi 75 000 signatures pour les candidats à la présidentielle ? Dites-moi ce que les partis ont demandé sur ce sujet», demandera Bouteflika à Ould Kablia. «50 000 signatures», répondra ce dernier.

«Eh bien, mettez 60 000. En tout cas, cela n’a vraiment aucune importance !» dira encore le locataire d’El Mouradia. «Il n’avait rien oublié, y compris l’interdiction du nomadisme politique, que Belkhadem avait réussi à bloquer au niveau du gouvernement», nous confie encore notre source. «Le président avait axé toute sa concentration autour de la loi sur les élections. En revanche, il n’a fait aucun commentaire au sujet de la loi sur les quotas des femmes et celle sur l’incompatibilité des mandats parlementaires. D’ailleurs, la réunion a pris fin, inhabituellement, aux environs de 16h00.»

«Pas un seul mot sur la Libye !»

La réunion du Conseil des ministres en question était l’occasion pour les membres du gouvernement de connaître l’opinion de Bouteflika sur les derniers développements qu’a connus la Libye. Mais contre toute attente, «le président ne souffla mot sur l’affaire libyenne ! Contrairement à ses habitudes, il ne fera aucun commentaire sur la situation internationale ni même interne.

Il s’en est tenu strictement au seul ordre du jour de la réunion», nous apprend notre source. Ce ne sera pas le cas du gouvernement dont la réunion du lendemain lundi 29 sera tout simplement interrompue. «Le gouvernement venait d’entamer sa réunion consacrée à l’examen de la loi sur les partis politiques lorsqu’on fera parvenir un message pour le ministre de l’Intérieur. Ould Kablia le lira avec Ouyahia. Ce dernier se lèvera aussitôt et s’éclipsera pour quelques minutes. Il revient, consultera Ould Kabia pour ressortir de nouveau. Il s’agit d’une affaire touchant à la sécurité extérieure, dira Ould Kablia à ses collègues interloqués par ce manège.»

Il s’agissait en fait de la nouvelle de l’entrée sur le territoire algérien des membres de la famille Kadhafi. «Ouyahia revient à la salle des réunions pour annoncer, cette fois, la levée de la réunion.» Une réunion reprise aujourd’hui même lundi avec le même ordre du jour. «Une soixantaine de personnes s’étaient présentées au niveau du poste frontalier à Djanet, dont la fille de Kadhafi, enceinte. Il s’est avéré qu’ils y sont parvenus après quatre jours de marche. Après vérification des identités des uns et des autres, ce sera l’argument humanitaire qui déterminera la décision des plus hautes autorités», nous confie une source au fait du dossier. S’agissant toujours de l’affaire libyenne, l’on a appris que c’est Abdelkader Hadjar, en convalescence à Alger, qui était destinataire d’un message de son homologue libyen au Caire.

«Nous (les membres du CNT, Ndlr) prêts à vous rencontrer même au niveau de l’ambassade d’Algérie au Caire pour vous mettre à l’aise», disait ce message que Hadjar transmettra à Medelci. «Pas question ! aurait répliqué Bouteflika, ni chez nous, ni chez eux. Si rencontre il y a, il n’y aura comme lieu que le siège de la Ligue arabe.» C’est ce qui a été fait du reste.

K. A.