En déclarant que le remaniement ministériel n’est pas à l’ordre du jour, le Premier ministre Abdelmalek Sellal voulait surtout envoyer trois messages politiques d’une importance réelle par les temps qui courent.
D’abord à ses détracteurs qui se recrutent au sein même du clan présidentiel, dont la campagne insidieuse cherchait à le pousser vers la sortie et à quitter le gouvernement.
Depuis des mois, on savait que le FLN de Amar Saâdani développe un discours propagandiste d’une teneur politique claire et sans ambages, revendiquant une légitimité de gouvernance, celle de prendre la chefferie du gouvernement en tant que parti majoritaire dans toutes les assemblées élues.
C’est le FLN qui le dit si haut et si fort que la conjoncture actuelle mérite un cabinet politique et non technocratique, car c’est « un cabinet de crise qui répond à un contexte fait d’austérité ». Autre message de Sellal est de répondre indirectement à tous ceux qui crient sur tous les toits médiatiques qu’il aurait un remaniement dans peu de temps ou d’ici peu.
L’imminence d’un remaniement que ne cesse de vanter Saâdani et consorts depuis des semaines tombe à l’eau et ne résiste plus à la vérité politique. Autrement dit, Sellal dit que c’est moi qui est près du pouvoir décisionnel et non les autres qui sautent sur des occasions, comme les manifs sur le gaz de schiste ou sur la révision.
Enfin, troisième message de Sellal est de conforter son équipe gouvernemental, complètement « démoralisée, dépassée par des enjeux politiques et parfois laissée sans balises et sans soutien » pour reprendre la réflexion d’un proche du Premier ministre. C’est aussi un signe, le premier qui permet de renforcer la « cohésion gouvernementale, la solidarité entre ses membres et la conviction que leurs missions sont inscrites dans la durée », selon les mêmes sources.
Or, une telle sortie du Premier ministre mérite d’autres analyses. Le fait que ce remaniement, que tout le monde réclame, n’est plus une priorité politique pour Bouteflika, cela veut dire que l’agenda du chef de l’Etat vient d’être lui-même « remanié ». Car deux paramètres entre en jeu dans ce report ou ce retard.
D’abord, le pouvoir attend la fin des cycles de consultations que mène le FFS en vue de la tenue d’une conférence nationale sur le consensus. Une conférence qui pourrait bien ne pas se tenir vers la fin de ce mois, comme prévu, en raison de la complexité des négociations et de la difficulté de rassembler toutes les sensibilités politiques et idéologiques.
Bien que l’effort soit réel et constant de la part des dirigeants du FFS, le pouvoir s’attend à des conclusions politiques importantes à l’issue de cette conférence. Selon toute vraisemblance, l’hypothèse partagée par des leaders de partis politiques est que cette conférence que Bouteflika semble soutenir la démarche et la finalité secrètement, risque d’aboutir vers non pas un remaniement partiel ou un lifting, mais vers la création d’un gouvernement d’entente nationale ou d’union nationale, ce que veut vraiment le président de la République.
Il est clair que le second paramètre à prendre en considération est celui de la révision de la Constitution, dont le chantier est de plus en plus retardé, justement à cause de l’absence d’un vrai et authentique consensus sur des postulats et des principes qui touchent directement aux équilibres du système présidentiel.
Pour beaucoup d’observateurs, si Sellal est maintenu à son poste de Premier ministre, c’est à cause justement de ces considérations et de calculs politiques. Bien qu’il soit critiqué sur ces flancs, voire directement ou sur ses ministres, bien qu’il a gaffé sur bien des dossiers, Sellal a survécu aux aléas de la politique nationale et ses méandres.
Une survivance qui pourrait bien durer encore longtemps, tant que l’entente nationale ou le consens que cherche aussi bien le FFS que Saâdani n’ait pas abouti à des résultats tangibles.