Contribution. Pour les algériens dans leur ensemble, l’image a été terrible. Dans un pays au deux tiers de la population à moins de trente ans, cette image de leur chef de l’état, vieillissant, malade, forcé à l’épreuve de venir leur lire un discours, est presque insupportable.
Il faisait de la peine à voir, le plus haut magistrat du pays qui déchiffrait son discours avec beaucoup de difficultés .Une fois passé le temps de l’émotion engendrée par cette image, de la mansuétude et pour certains de la pitié, ne reste alors que la symbolique, celle d’un pouvoir affaibli, d’un régime à bout de souffle, qu’il suffirait de presque rien pour qu’il soit emporté. Mais au delà de l’image, revenons au contenu du discours.
Il faut d’abord, le replacer dans son contexte. Bouteflika qui a fait faire un saut en arrière de vingt ans au pays et qui a paralysé les institutions par son immobilisme a agit, quoique qu’il en dise, sous de multiples contraintes. Les contraintes internes avec un pays en ébullition sociale et politique dont le point de mire et de conjonction a été la manifestation des étudiants le mardi 12 avril et la contrainte électorale que constitue l’échéance législative de 2012.
A l’externe, il y a la contrainte que fait peser les révolutions en cours dans les pays voisins. Sous peine d’une explosion à l’issue incertaine pour tout le monde, le régime se devait de « bouger ».
Cette initiative, à travers Bouteflika, est celle du régime politique en place dans toute la complexité de ses composantes, et donc celle d’un acteur très important de l’équation algérienne.
Au delà des reformes envisagées, et du flou volontaire qui les entourent, l’obstination à maintenir l’audiovisuel sous strict contrôle de l’état est, de ce point de vue, sans équivoque. Elle permet d’éviter tout débat public à grande échelle, d’éviter l’émergence de nouveaux discours, de nouvelles propositions, de nouvelles têtes qui pourrait lui donner un contenu réellement démocratique.
Cet entêtement contre l’ouverture de l’audiovisuel, qui tourne à l’obsession démontre que ce régime refuse toujours de comprendre et d’admettre que l’on ne gouverne pas cette génération, la génération numérique, celle de l’internet et des télévisions satellitaires avec une vision archaïques de la société et de la place de l’information et de la communication. En tous cas, cela laisse clairement entrevoir comment ceux qui détiennent le véritable pouvoir veulent jouer la partie pour préserver l’essentiel tout en faisant mine de faire des concessions.
Il appartient donc à ceux d’en face, l’opposition mais surtout les nouvelles générations de « lire » ces signaux, de les évaluer et surtout d’y réagir. De toute évidence, pour pousser le régime à un changement, qu’il sait inéluctable mais qu’il veut retarder autant que possible, la pression doit se maintenir et la rue doit pousser de plus en plus fort. Seule la jeunesse est susceptible de faire bouger les choses.
Pour cela, elle doit devenir un acteur important de cette équation, tout en conservant son « décalage » avec les discours des « vieilles élites ». C’est de cette connexion entre « vieux acteurs » et « nouveaux acteurs », comme cela fut le cas en Tunisie et en Egypte que surgira la lame de fond qui aboutira au changement radical souhaité.
Yahia Bounouar