«Qu’ils fassent la justice sans nous»
Une troisième marche depuis le mois de janvier dernier malgré l’interdiction.
Les robes noires retrouvent le terrain de la lutte. «La défense veut faire tomber le projet», scandaient à l’unisson les robes noires. «Non-atteinte au juge mais aussi non-atteinte à l’avocat», témoignent les contestataires. «Avec ce projet de la honte, les justiciables, n’auront aucune garantie d’être défendus», disent les autres. «De quelle justice et de quel droit parle -t-on? Qu’ils fassent la justice sans nous», commentent les protestataires. Des moeurs politiques nouvelles s’installent inexorablement. Les policiers dépêchés sur les lieux ont essayé en vain, d’empêcher l’action des avocats. Il fallait compter sans la détermination des robes noires. Cependant, on a déploré quelques blessés légers parmi les protestataires.
Cela est dû aux bousculades et dépassements des policiers. Ainsi, Me Mecheri, un sexagénaire, a été victime d’une blessure au niveau de l’oeil gauche. Son arcade sourcilière portait des traces de sang. La marche de l’après-midi d’hier, était une démonstration éclatante contre «la volonté de brider la profession d’avocat», dira Me Bouabdellah, 30 ans d’exercice à son actif et ex-bâtonnier au barreau d’Alger. Après les gardes communaux, les médecins résidents, les avocats sont parvenus à forcer les cordons de sécurité ceinturant l’enceinte du tribunal de la rue Abane-Ramdane, le point de départ de la marche. Le dispositif impressionnant des services de sécurité mis en place n’a pas pu contenir les avocats en colère. Plus de 500 robes noires issues du barreau d’Alger ont battu le pavé jusqu’au siège de la chambre basse du Parlement. «C’est la première marche à caractère éminemment politique depuis le mois de janvier dernier, puisque le droit à la défense est un droit fondamental relatif à la liberté d’expression», a indiqué Me Bourayou au terme de cette action d’envergure. Il faut remonter à 1993 pour voir une aussi importante mobilisation de la corporation.
«La montée au créneau des robes noire, à cette époque, fut contre la loi antiterroriste qui donnait les pleins pouvoirs aux présidents des chambres pénales de suspendre l’avocat», selon Me Mostepha Bouchachi. S’ils ont pu à l’époque, faire reculer les instigateurs de cette loi, les avocats devront batailler davantage aujourd’hui pour imposer le retrait de l’actuel projet en cour d’examen à l’APN.
«Ce projet consacre un grand recul par rapport à ce qu’on avait comme texte à l’aune du parti unique», déplore Me Bouabdellah. «Cette tentative de fouler au pied la défense va à contre courant du message véhiculé par le Printemps arabe», ajoute-t-il.
«il est invraisemblable que le nom du ministre soit évoqué 42 fois dans ledit projet», s’indigne-t-il encore. Son collègue trouve scandaleux que «des brigades anti-émeute soient envoyées pour réprimer les avocats». Par ailleurs, il faut rappeler que le Conseil de l’ordre réuni en fin d’après-midi d’avant-hier, a opté en majorité pour le maintient de la marche. D’après le président du Barreau d’Alger, Me Sellini, «le report du projet par la commission juridique de l’APN n’apporte en rien la solution à leurs revendications inhérentes au retrait pur et simple de ce projet décrié par tous les avocats sauf le président de l’Union des barreaux. Ce dernier est accusé d’abus d’autorité par les avocats». «
Son allégeance à la tutelle est illustrée par le report sine die de la réunion d’urgence prévue pour le 2 juillet prochain», a-t-il fait savoir. Pour rappel, les avocats d’Alger, soutenus par les barreaux de Boumerdès et Tizi Ouzou, réclament le retrait du projet de loi portant organisation de la profession d’avocat. Les avocats affiliés au barreau d’Alger, dont le nombre dépasse les 5 400, ont observé une grève répondant à la décision de l’assemblée générale du syndicat des avocats d’Alger. Pour cause, le projet de statut de l’avocat, notamment dans certaines de ses dispositions, porte atteinte aux droits de la défense par le retour du délit d’audience qui a été abrogé.
L’article 24, notamment, de ce projet de statut donne des pouvoirs illimités au juge en cas d’incident quel qu’il soit, commis par un avocat.