Bourse d’Alger: Les entreprises publiques boudent le marchĂ© boursier

Bourse d’Alger: Les entreprises publiques boudent le marchĂ© boursier

La Bourse d’Alger, mise en place en 1997, est toujours boudĂ©e par les PME algĂ©riennes, mais surtout par les grandes entreprises publiques, en particulier les groupes Sonatrach et Sonelgaz.

Les raisons de cette Ă©nigme sont brièvement Ă©numĂ©rĂ©es par le directeur gĂ©nĂ©ral de la Bourse d’Alger, M. Yazid Benmouhoub. Il a expliquĂ© hier Ă  la radio nationale que «les conditions d’Ă©mergence de l’Ă©poque n’Ă©taient pas propices pour avoir un marchĂ© de capitaux, mais aujourd’hui, avec le stress financier depuis 2014, cela a montrĂ© d’abord les limites du système de financement classique basĂ© Ă  97% sur le financement bancaire. Et l’idĂ©e donc est d’aller vers d’autres sources de financement, et parmi lesquelles la Bourse, le marchĂ© des capitaux, qui pourrait jouer un rĂ´le important dans le financement des entreprises». Pour lui, il y a «plusieurs facteurs» qui expliquent pourquoi les entreprises tournent le dos au marchĂ© des capitaux, dont «l’absence de culture boursière», car «des chefs d’entreprises ne savent pas que la Bourse peut les financer, il y a aussi les crĂ©dits bancaires bonifiĂ©s qui bloquent» l’entrĂ©e des entreprises en Bourse.

«Maintenant, nous pensons qu’il faut de nouvelles sources de financement, car le financement bancaire a des limites. La Banque d’AlgĂ©rie empĂŞche d’aller au-delĂ  d’un ratio de financement, et donc il y a l’Ă©ventualitĂ© des financements de la Bourse», estime M. Benmouhoub, selon lequel il y a sur le tissu Ă©conomique national près d’un million de PME qui sont loin des standards internationaux. Sans ĂŞtre vraiment critique, M. Benmouhoub pense que les conditions actuelles d’accès aux crĂ©dits bancaires, dont beaucoup sont bonifiĂ©s constituent le principal obstacle de l’entrĂ©e en Bourse de beaucoup d’entreprises, publiques ou privĂ©es. «Mais, nous pensons que la Bourse est une alternative pour le financement de ces entreprises», souligne t-il, avant de relever que «nous voulons inverser la tendance et allĂ©ger le fardeau sur le financement bancaire», soulignant qu’au second semestre 2017, «la liquiditĂ© bancaire avait chutĂ©, ce qui avait affectĂ© la disponibilitĂ© de crĂ©dits pour les entreprises».

«Pour les PME, qui rĂ©pondent aux critères selon la loi de juin 2017, il y a un peu plus de 3.000 sociĂ©tĂ©s, dont une partie peut ĂŞtre financĂ©e sur le marchĂ© boursier», estime t-il, prĂ©cisant que «le dispositif est lĂ , et mĂŞme appuyĂ© par des exonĂ©rations fiscales, des allègements de taux d’ouverture (10% pour les PME)». Pour autant, il dĂ©plore le fait que les «sociĂ©tĂ©s privĂ©es soient rĂ©fractaires Ă  l’ouverture du capital, il faut peut-ĂŞtre les faire passer par des fonds d’investissement et les aider Ă  se structurer, et le meilleur moyen de le faire est la Bourse d’Alger.» M. Benmouhoub estime en outre que «le facteur fiscal ne suffit plus pour relancer la Bourse d’Alger, car les sociĂ©tĂ©s Ă©mettrices bĂ©nĂ©ficient depuis 2015 d’une rĂ©duction de l’IBS. Il faut donc chercher d’autres solutions ailleurs, comme revoir certains aspects liĂ©s aux avantages donnĂ©s aux entreprises, avec des points aux sociĂ©tĂ©s cotĂ©es en bourse.» Le marchĂ© informel plombe t-il le marchĂ© boursier ? M. Benmouhoub est affirmatif, estimant qu’il est clair qu»’il impacte non seulement la Bourse, mais tout le secteur Ă©conomique». Mais, pour lui, «les moyens de paiement Ă©lectronique vont assĂ©cher graduellement la masse monĂ©taire, qui circule sur le marchĂ© informel, et la ramener vers le marchĂ© formel». «Il est très difficile pour nous de le concurrencer en termes de rendement», explique-t-il, rappelant qu’en 2017, «les sociĂ©tĂ©s cotĂ©es en bourse ont donnĂ© 11% de rendement, ce qui est assez Ă©levĂ© par rapport Ă  ce qui existe sur le marchĂ©. Mais cela n’a pas suffi Ă  drainer davantage d’investisseurs ou d’entreprises cotĂ©es». En 2013, par ailleurs, le ministère des Finances avait recommandĂ© aux entreprises d’entrer en bourse, mais sans grand rĂ©sultat, car les «patrons de PME se posent la question de savoir pourquoi les entreprises publiques ne sont pas cotĂ©es en bourse», mĂŞme si, «pour le secteur privĂ©, il doit aller chercher les sources de financement lĂ  oĂą elles sont, contrairement aux entreprises publiques, propriĂ©tĂ© de l’Etat et donc financĂ©es par les banques.» Pour autant, le premier responsable de la Bourse d’Alger estime que «par rapport aux besoins des entreprises nationales, cela ne doit ĂŞtre appuyĂ©e que par des financements, et cela ne peut ĂŞtre permis que par le marchĂ© des capitaux, c’est-Ă -dire la Bourse».

«La balle est dans le camp des entreprises», lance t-il. Par ailleurs, il s’est interrogĂ© sur l’utilisation des fonds d’investissements, octroyĂ©s Ă  raison d’un milliard de dinars par l’Etat Ă  chacune des 48 wilayas pour relancer les PME locales. «Au 31 dĂ©cembre 2017, Ă  peine 10% de ce montant a Ă©tĂ© utilisé», dĂ©plore-t-il, avant de s’interroger sur les raisons qui empĂŞchent l’entrĂ©e en Bourse de «plusieurs entreprises en vue.» «On se demande pourquoi elles ne sont pas en Bourse, car la Bourse est un Ă©lĂ©ment pour les booster de manière considĂ©rable», a-t-il soulignĂ©, avant de citer le cas de Biopharm, dont l’entrĂ©e en Bourse lui a donnĂ© de «la visibilitĂ© Ă  l’international.»

Par ailleurs, M. Benmouhoub est revenu sur le cas des huit entreprises publiques qui devaient intĂ©grer la Bourse d’Alger, dont Mobilis, Cosider et des cimenteries, dont celle d’Ain Kebira. Pour rappel, c’est le Conseil des participations de l’Etat (CPE) qui avait donnĂ© son feu vert en 2013 Ă  huit entreprises publiques pour l‘ouverture ou l‘augmentation de leur capital social Ă  travers la Bourse. Il s‘agissait de trois cimenteries relevant du groupe public GICA (dont celle d‘AĂŻn Kebira), du CrĂ©dit populaire d‘AlgĂ©rie (CPA), de la compagnie d’assurance Caar, de Cosider Carrières (filiale du groupe Cosider), de l‘entreprise hydro-amĂ©nagement et de Mobilis. Mais, l’Etat a stoppĂ© net le processus, qui a Ă©tĂ© annoncĂ© fin 2017 par le Premier ministre Ahmed Ouyahia. Selon M. Benmouhoub, ce choix, dictĂ© par la conjoncture financière que traverse le pays, Ă  savoir un manque drastique des liquiditĂ©s bancaires, a Ă©tĂ© bĂ©nĂ©fique aux PME, car «une Ă©ventuelle introduction en Bourse des entreprises publiques aurait un effet d’Ă©viction sur les PME», qui n’ont pas le mĂŞme attrait que les entreprises publiques. D’autre part, il estime que «la Bourse peut ĂŞtre un barrage au marchĂ© parallèle, si un nombre important d’entreprises entrent en Bourse et attirent la masse thĂ©saurisĂ©e par les mĂ©nages». Et, mĂŞme si l’Etat boude la Bourse des valeurs d’Alger en ne cotant pas la dernière opĂ©ration d’emprunt obligataire de 2016, M. Benmouhoub a expliquĂ© qu’en fait, depuis 2008, l’Etat cote les obligations du TrĂ©sor (ORT), et «97% de l’activitĂ© de la Bourse provient de l’activitĂ© des ORT, soit presque 400 milliards de dinars d’encours. Entre 2016 et 2017, on est passĂ© de 14% Ă  24% d’augmentation du niveau des ORT au niveau de la Bourse d’Alger».