Bouira: Un Ramadhan avec une ambiance morose

Bouira: Un Ramadhan avec une ambiance morose

Après dix jours de jeûne, l’heure est à un premier bilan. Le constat unanime reste que «le mois sacré perd chaque année de son charme et de sa verve».

Les valeurs et les enseignements à tirer de ce mois de piété ont laissé place à une course au gain, à l’escroquerie, au profit…parce que c’est le mois de la surconsommation, les commerçants de Bouira n’ont pas attendu le début du Ramadhan pour, une nouvelle fois, saigner les consommateurs. Le mois sacré qui reste celui de la consommation excessive est celui où surtout les augmentations sont légion. A la surprise générale, les légumes ont été épargnés par la révision à la hausse des prix qui a touché à tout. Les fruits, les viandes, les habits, les confiseries, l’électroménager, la maroquinerie…ont connu l’addition de quelques chiffres sur l’étiquetage.

Si pour les fruits et légumes, le mois sacré reste l’unique raison de la révision à la hausse, pour les

autres produits, ce sont les amendements légiférés sur la dernière loi de finances, mais aussi la venue en masse de nos ressortissants installés outre-mer qui restent l’élément à l’origine de la tendance ascendante des prix. La situation en Tunisie a poussé pas mal d’Algériens à rentrer au pays. Quand on connaît les taux de reconversion de l’euro sur le marché parallèle on devine facilement pourquoi nos émigrés n’hésitent pas à débourser, à faire les emplettes avant le retour. Les produits les plus prisés restent l’outillage électronique, les produits traditionnels, les bijoux… Ces augmentations cycliques sont un réel imbroglio pour le consommateur qui reste le seul à subir le diktat d’un marché incontrôlable et d’une anarchie privilégiée par l’absence de l’Etat. Les produits prisés et hautement demandés en ce mois de jeûne comme le raisin sec, les pruneaux, les amandes, l’abricot sec… ont aussi subi un lifting.

Le kilo de raisin sec cédé à 350 DA, il y a deux mois coûte désormais entre 500 et 600 DA selon la qualité. Le prix des viandes aussi a connu une nette augmentation. Qu’elle soit ovine, bovine ou blanche, la matière a vu les étiquettes prendre des allures vertigineuses. Le kilo d’agneau est à plus de 1 200 DA quand la viande bovine coûte plus de 800 DA. Le poulet est passé de 240 DA au chiffre arrondi de 300 DA/kg. Depuis le début de la première semaine de Ramadhan et jusqu’au début de la seconde semaine, les étals ont connu une légère accalmie. Parce que les gens n’achètent plus ou sont très prudents quant à la quantité, les prix ont connu une baisse, notamment les fruits et légumes difficiles à préserver en cette canicule et ces fortes chaleurs qui arrivent. Le mois de Ramadhan est aussi une occasion pour voir des commerces se reconvertir. Comme chaque année de nombreux restaurateurs ont déjà loué leurs locaux aux fabricants de la zlabia.

La menace brandie par les pouvoirs publics ne semble point persuader. Les jeunes posent leurs petits étals pour vendre les herbes et les diouls. Certains qui viennent des régions aux alentours proposent par exemple des figues précoces, des framboises sauvages du miel de forêt… La mendicité aussi se voit pousser des ailes en ce mois. Les techniques les plus ingénieuses sont utilisées pour soustraire quelques dinars aux passants. Le recours aux petits enfants, la technique du voyageur resté en panne, du malade qui n’a pas de quoi payer son traitement, de celui qui vous connaît ou croit vous connaître et qui a grand besoin de 200 DA pour acheter sa pompe d’asthme…la nouveauté dans ces pratiques est celle utilisée par certaines personnes.

La technique consiste à poser un petit CV sur chaque table d’un café, sans mot dire puis revenir quelques minutes après pour reprendre les bouts de papier avec les pièces posées dessus. Quémander en silence peut servir de titre à cette manière de faire la manche. En plus de ces spécialistes qui viennent chaque année depuis la wilaya de Relizane, si on se fiait aux immatriculations de leurs belles voitures, ils dressent des tentes sur les bords de l’oued Hous. En plus de ces spécialistes il y a les Subsahariens, les réfugiés syriens. Les rues antiques comme la rue de France, la rue Chararak, Ben Abdallah… grouillent quotidiennement de monde Les lieux ressemblent à ces marchés à la criée d’antan. L’ambiance est parfois «chauffée» puisque de temps à autre les gens séparent des jeunes qui recourent aux poings pour une histoire d’espace.