‘’Bsahetkoum ! Votre daïra sera prochainement wilaya !’’, se félicitait-on lors du moindre regroupement entre gens de la circonscription. ‘’Où sont les ‘’Hommes’’ capables d’arracher une telle promotion ?’’, rétorquait, illico presto et du tac au tac, l’autre partie, profondément incrédule quant à la véracité d’une telle nouvelle, faisant état d’un nouveau découpage administratif, colportée à l’époque par nombre d’organes de presse.
‘’Et puis, où sont les structures à même d’abriter la base infrastructurelle nécessaire à une wilaya ?’’, argumentait-t-on, pour consolider son avis. ‘’Ce sera plutôt le chef de la daïra, qui devrait jouir de la promotion pour ses efforts incommensurables à la tête de cette division administrative, depuis toujours oubliée !’’, ajoutait, ironiquement, une troisième partie, plus au fait du développement local de la région.
Ainsi, n’a-t-on cessé, des semaines durant, de se taquiner, à longueur de journée, aux moindres retrouvailles entre intimes.
Partagés en frange pragmatique incrédule, et en partie envieuse d’une émancipation salvatrice de leur contrée, chaque camp avait ses raisons fortes seyant à son avis.
Le poids du pouvoir des notables
Aujourd’hui, seuls ceux qui ironisaient en prédisant une promotion du chef de daïra et non de sa circonscription de l’époque, ont eu finalement raison. L’ironie s’est avérée la réalité, et le commis de l’Etat concerné a bel et bien été propulsé wali délégué.
Ceux qui ne croyaient pas en la promotion, savent pertinemment que cette division administrative n’a toujours pas ‘’enfanté’’ les élus, compétents mais surtout envieux de promouvoir le développement de leur région. Une promotion qui risque d’atténuer, voire estomper, le ‘’pouvoir local’’, celui des notables ayant présidé jusque-là, dans l’informel, aux destinées de la daïra. Un pouvoir local, conjugué à l’indifférence de celui des hautes sphères, et même de la wilaya, dont l’empreinte est visible sur le terrain. Pas le moindre projet de grand impact, à même de propulser l’économie d’une région que tout prédispose, naturellement, au développement ! Un ‘’désert’’ de projets à cause duquel le président de la République qui, du temps de sa santé éclatante, a rendu visite, à maintes reprises, à la wilaya, n’a jamais mis les pieds sur le territoire de la daïra. Bouguirat demeure la seule circonscription, parmi les dix daïrate que compte Mostaganem, à ne pas avoir eu l’honneur de voir le Président, y déposer une première pierre de réalisation, inaugurer une infrastructure nouvelle, ou simplement visiter le chantier d’un projet quelconque ! Pourtant, il a certainement du fouler les tapis de ses notables, lors de son passage au centre équestre relevant d’une autre daïra !
Les seuls projets ‘’d’envergure notable’’ que recèle Bouguirat, sont au nombre de deux, et datent de l’ère de l’économie planifié. L’un, a mis près de deux décennies pour livrer ses premiers produits de revêtement du sol, et l’autre passe plus de temps à l’arrêt, qu’à livrer du poulet, en se limitant à un seul produit de la large gamme pour laquelle il était destiné.
Des services administratifs ‘’vitaux’’ éloignés
Les derniers en date étant la Sonelgaz et Algérie-Télécom, à chaque fois qu’une entreprise, organisme, ou administration, relevant du public ou du parapublic, exprime le désir d’y ouvrir un siège ou une dépendance, c’est un sinistre et laconique ‘’pas de locaux disponibles, ni de terrains à bâtir !’’ À l’instar de la Kasma, de la vaste maternité ‘’libérée’’ par le secteur de la santé et nombre d’autres structures, ceux qui devraient être disponibles, ont été squattés, sont indument occupés, ou fermés, dans l’attente d’une privatisation en catimini.
A bien des égards, Bouguirat demeure tributaire d’autres daïrate, ou même commune avoisinante. Une partie de la population doit rallier Aïn Tedlès, en passant bien entendu, par le chef-lieu de la wilaya, puisqu’il n’y a pas de lignes de transport direct, pour régler un banal problème d’électricité, alors que l’autre partie, et pour le même besoin, doit se déplacer à Aïn Sidi Chérif si ce n’est à Hassi-Mamèche, au cas où la préoccupation relève de la compétence de la tutelle.
Le point de garde formel, ouvert localement est dépassé. Pour les urgences médicales, pas trop préoccupantes, c’est à Mesra qu’il faut se rendre. C’est là, également que les abonnés au téléphone doivent s’y rendre, en cas de besoin.
Concernant les dispositifs de l’emploi ou du soutien à l’emploi, ni l’ANSEJ, ni l’ANEM, ni la CNAC, ou l’ANEM, ne disposent de point d’attache locale. Sans prérogative de décision, le délégué ‘’volant’’ de certains organismes ne répond pas toujours aux préoccupations des usagers qui doivent se déplacer à Aïn Tedles ou Mostaganem pour régler le moindre problème, fut-il aussi banal.
Comble du contre-sens, alors que le plus grand massif forestier, celui de Agboub, est implanté dans cette daïra, c’est toujours la subdivision de Aïn Tedles qui y ‘’télé-gère’’ le domaine forestier, avec toutes les conséquences négatives inhérentes à l’éloignement.
Le potentiel énorme … sans l’initiative locale
Traversée par la RN 23, à équidistance des trois importantes villes que sont Mostaganem, Relizane et Mohamadia, et abritant le siège de la daïra depuis le début des années 90, deux avantages qui constituaient un atout majeur à adjoindre à son fort potentiel agricole, pour le développement ‘’naturel’’ de la région, la commune de Bouguirat reste, cependant, remarquablement défavorisée et affiche triste mine, en sa qualité de devanture de la wilaya.
Elle dispose pourtant de potentialités qui ne requièrent que l’initiative. Il suffit de traverser la ville, et les bourgades qui lui sont rattachées, pour se prononcer sur la gestion catastrophique de la chose publique initiée jusque-là. Cela dure depuis le recouvrement de l’indépendance du pays.
Cependant et contrairement à toute logique, cette importante agglomération vit en marge du progrès et ne bénéficie guère des immenses richesses qu’elle produit. Une déshérence caractérisée qui se met en porte-à-faux d’une promotion dont tout un chacun rêve.
M. Ould Tata