Après son transfert au Qatar cet été, Madjid Bougherra fait pour footafrica365.fr un premier bilan de sa nouvelle vie. Le capitaine de l’Equipe nationale n’oublie pas évidemment de parler des Fennecs.
Entretien exclusif.
Cet été, vous avez rejoint Lekhwiya, champion en titre, le club qui monte au Qatar, la présence de l’entraîneur Belmadi a-t-elle été pour quelque chose dans ce choix ?
Bien sûr. Le coach me voulait absolument. Pour me convaincre, il m’a parlé longuement des grandes ambitions que les dirigeants nourrissaient pour le club. Cela m’a donné envie de participer à la construction de quelque chose d’important et peut-être de m’inscrire dans la durée à Doha. Et puis, il m’a fait également fait comprendre qu’il avait envie de moi et qu’il pouvait me faire progresser.
En tous les cas avec des joueurs comme Aruna Dindane et Baky Koné, vous avez trouvé un effectif de valeur. Cela a dû accélérer votre décision, non ?
Evidemment. Quand on signe quelque part, on regarde aussi l’effectif. L’ambition d’un club ne peut se réaliser sans un groupe de qualité. Et ce groupe a tout de même fini champion en 2011. Il y a ceux que vous citez, mais d’autres, à l’image des Brésiliens, ne sont pas mal aussi. Ici, il y a tout ce qu’il faut : l’expérience et la jeunesse. A l’image de Karim Boudiaf, un jeune Algérien formé à Nancy. Retenez bien ce nom. Son talent fou n’a pas échappé à Djamel (Belmadi) qui l’a fait venir.
La formation d’Al Sadd, où évolue un autre Fennec, Nadir Belhadj, vient de remporter le titre de champion d’Asie, cela instaure une belle concurrence dans le championnat local. Vous avez envie d’imiter l’ancien Lyonnais la saison prochaine ?
C’est effectivement encourageant pour le football qatari. C’est la preuve que le niveau de la compétition est costaud. Le football asiatique est en net progrès. C’est aussi pour voir un autre horizon, une autre façon de jouer que c’est une bonne idée de signer ici. Le Japon, la Chine, la Corée du Sud, ce n’est pas n’importe quoi.
Comment décririez-vous le football asiatique à travers ce que vous avez pu voir des matchs disputés par votre concurrent Al Sadd ?
Les équipes pratiquent un jeu ouvert, à l’anglaise. C’est un foot où l’on ne calcule pas trop. Il est moins tactique qu’en Europe, mais ça va très vite devant.
Honnêtement, comment jugez-vous le niveau de la compétition qatarie si vous deviez la comparer à un championnat européen ?
Plutôt que vous parler de niveau, un domaine où la comparaison serait difficile à faire, je préfère vous parler du style emprunté au football français et espagnol, avec l’intensité physique en moins. Un football assez technique où le jeu de passes a un rôle important.
Justement, à terme, ce jeu moins physique peut-il créer des soucis à des joueurs de votre stature habitués à des compétitions intenses ?
Attention, si le rythme est moins élevé, cela ne signifie pas que les joueurs se dépensent moins. J’ai été personnellement surpris en arrivant. Dans ce pays, les terrains sont grands, le joueur a plus d’espace à couvrir et puis le climat change complètement la donne. La chaleur et l’humidité vous épuisent et justifient la lenteur relative du rythme adopté dans le jeu. Je sors lessivé des matches. Je perds en moyenne deux ou trois kilos au bout de quatre-vingt-dix minutes. Effectuer un sprint sous la chaleur de Doha est autrement plus rude que dans le nord de l’Europe, croyez-moi !
Certains joueurs avouent s’adonner à des séances d’entraînement spécifiques pour garder leur niveau, est-ce vraiment indispensable ?
Les séances proposées par le staff technique sont très dures. Quand j’ai découvert ça à mon arrivée, j’ai été souvent à la limite de la rupture physique. On travaille énormément. J’ai perdu plusieurs kilos, mais je me sens dans une forme olympique. Faire du travail spécifique, cela peut arriver lorsqu’on reste parfois dix jours sans compétition avec une journée de championnat disputée un vendredi et la suivante un dimanche. Je demande alors au staff technique l’autorisation d’aller faire une séance au centre ultramoderne d’Aspetar.
Maintenant que vous avez changé d’univers, quels souvenirs gardez-vous des années passées à Glasgow ?
Des moments magnifiques, dans un club taillé pour gagner les titres et disputer l’Europe tous les ans. De mon long séjour à Glasgow, je garderai une image très positive toute ma vie. Les Rangers, c’est la tradition et le respect du joueur. Lorsqu’on quitte le club en bons termes, on y est toujours le bienvenu des années plus tard.
Rassurez-nous, vous avez quitté les Ecossais en bons termes ?
En effet, tout s’est bien passé. Dans le respect et la reconnaissance réciproques.
Les puissants chants de l’Ibrox Stadium résonnent encore dans vos oreilles ?
(Sincèrement admiratif) Et comment ! Le public de ce stade est tout simplement hallucinant. Il n’y en a pas beaucoup à travers le monde !
Lors du rachat du PSG par QSI cet été, votre nom a circulé du côté du Parc des Princes. L’expérience aurait pu vous plaire, n’est-ce pas ?
Bien sûr. Le Paris SG est un grand club et va grandir un peu plus avec l’arrivée des Qataris. Ces derniers, qui sont propriétaires également du club où j’évolue, ont de grandes ambitions. Nous le mesurons chaque jour ici au Lekhwiya SC.
Il s’est murmuré à Paris que votre profil ne correspondait pas aux exigences de l’entraîneur Antoine Kombouaré, vous confirmez ?
C’est sans doute ce qui s’est passé, mais je peux le comprendre. Un entraîneur a le droit de choisir les joueurs qui correspondent le mieux à sa philosophie de jeu.
Pas de regret ?
Non. Je suis bien à Doha avec un projet au long cours qui s’annonce aussi passionnant.
Parlons de l’équipe d’Algérie, désormais coachée par Vahid Halilhodzic. Que pense le coach du choix des cadres de la sélection d’évoluer dans des championnats moins cotés ? A-t-il fait des objections, posé des conditions ?
Son discours était simple. «Peu importe où vous jouez, nous a-t-il dit, à condition de travailler dur. Je veux des joueurs prêts physiquement et mentalement lorsqu’ils arrivent en sélection.» En ce qui me concerne, il a pu constater que j’étais affûté sans doute comme jamais.
Et puis encore ?
Pour le sélectionneur, les choses sont claires. Il n’y pas de situation de rente. Ni titulaire ni remplaçant. C’est la concurrence à tous les étages. Seuls entreront sur le terrain les joueurs en forme le jour J. C’est une façon de faire claire et juste qui a plu à tout le monde, je pense.
Vahid est arrivé avec le caractère trempé et le sens de la discipline, voire une forme d’intransigeance qui ont toujours fait sa réputation, cela a-t-il inquiété le groupe ?
(Catégorique) Non, je crois que le groupe n’a vu que le bon côté des choses. A savoir que chacun allait avoir une chance de se distinguer et de gagner sa place. Le discours de vérité plaît souvent quand il est sincère et suivi d’actes.
L’ambiance est bonne au sein du groupe ?
(Enthousiaste) Excellente ! Personnellement, je retrouve la solidarité et l’engagement qui ont fait notre force lors de la campagne du Mondial 2010. Les plus anciens accueillent les nouveaux et les mettent à l’aise. Pour moi, c’est une forme de renaissance.
En quoi les méthodes de travail de Vahid Halilhodzic diffèrent-elles de celles de ses prédécesseurs ?
On travaille beaucoup. Le coach communique énormément à la fois avec le groupe et avec les individualités. De l’autre côté, il y a une véritable adhésion des joueurs au discours et à l’action. Il y a un projet et une philosophie de jeu qui se dessinent. Je pense que cela s’est vu lors des deux derniers matchs contre la Centrafrique (2-0) et la Tunisie (1-0). Il y a encore du boulot, mais clairement, nous sommes sur la bonne voie.
Cependant, l’élimination de la CAN Orange 2012 a-t-elle laissé des traces dans les esprits, et particulièrement dans celui du capitaine que vous êtes ?
(Court silence). Je peux vous dire que j’ai fini par considérer, avec un peu de recul, que la claque reçue à Marrakech, même si elle a fait très mal à nos supporters, était un mal pour un bien. Il fallait tourner la page de la formidable expérience de la CAN et du Mondial 2010 et construire une nouvelle histoire.
L’idée de tout abandonner vous a-t-elle traversé l’esprit à un moment ou a un autre ?
(Ferme). Non, jamais ! J’étais également en sélection lorsqu’elle était tout en bas. J’ai tout de même connu deux éliminations de la CAN avec cette équipe.
Le défilé qui a suivi la qualification au Mondial, une vraie folie populaire, paraît si loin. Croyez-vous que le football algérien a les moyens de revivre de tels moments ?
Oui, rien n’est interdit. Je ne me fais aucun souci. Je suis très optimiste. Les jeunes qui arrivent sont bons, le moral est reparti à la hausse et nous n’avons pas eu le temps de gamberger, d’autant que les éliminatoires de la CAN 2012 débutent dès février prochain. Pour la Coupe du monde, nous aurons huit mois pour préparer le premier match contre la Gambie.
Mais il y a eu les commentaires sans concession des médias et surtout le désamour du public : vous trouvez que le monde du sport est ingrat et que les gens ont la mémoire courte ?
Mais tout cela est normal. C’est la loi du football. Nous acceptons les louanges lorsque nous sommes bons, il est normal d’encaisser les critiques lorsqu’on est mauvais.
L’Algérie sera absente au Gabon et en Guinée équatoriale en janvier prochain, mais vous allez sans doute garder un œil sur cette CAN. Quel est votre favori pour le titre ?
Je vois deux équipes au-dessus du lot : la Côte d’Ivoire et le Maroc qui possède un groupe jeune et talentueux.