Les Romains disaient : «Dura lex sed lex», c’est-à-dire la loi est dure, mais c’est la loi ! Aujourd’hui, en ces temps modernes, nous disons : «Nul n’est censé être au-dessus des lois !»
Il semble que le jeune Ryad Boudebouz, âgé seulement de 20 ans, l’ait appris à ses dépens, car il est en train de payer au prix fort son «absence injustifiée» lors du stage de Marcoussis en août dernier. Après une première sanction qui lui a valu de ne pas être retenu dans la liste pour affronter la Tanzanie à Dar Essalam, voilà que le sélectionneur national, Vahid Halilhodzic, le sanctionne une seconde fois en ne le convoquant pas pour le match à domicile face à la République centrafricaine.
Même si le droit du travail, puisqu’il s’agit de footballeurs professionnels et la loi FIFA plaident pour lui, en remettant une couche, coach Vahid, compte tenu du profil bas adopté par Ryad Boudebouz depuis cette affaire et devant son acceptation totale de la sanction précédente, n’est-il pas en train de commettre une erreur stratégique lourde de conséquences pour sa stratégie personnelle et pour l’avenir de l’équipe nationale ?
Peut-on parler «d’affaire
Boudebouz» ?
Même si nul n’est censé être au-dessus des lois quel que soit son talent, qu’une équipe de football, nationale ou non, a besoin d’une certaine discipline pour fonctionner, pour employer le jargon des juristes, il ne faut pas appliquer mécaniquement une loi, mais appliquer l’esprit de cette même loi, en tenant compte de la psychologie, de l’âge, de la gravité des faits commis et des conséquences dudit délit du «justiciable», en l’occurrence Ryad Boudebouz. Après tout, Ryad Boudebouz, habituellement irréprochable en EN, a seulement commis une erreur, celle de ne pas être venu à Marcoussis pour faire examiner sa blessure par le médecin de l’équipe nationale. Il n’a pas respecté la réglementation de la FIFA en la matière, mais avant la venue de Vahid Halilhodzic, cette pratique était courante en équipe nationale. Dans un passé très récent, il suffisait d’appeler et de dire ‘‘je suis blessé’’ pour être excusé immédiatement par le sélectionneur national. Boudebouz, pour prouver sa bonne foi, avait même fait intervenir le médecin du club qui était quand même tenu par la déontologie de sa fonction et du serment d’Hippocrate qu’il avait prononcé à l’obtention de son diplôme, et son entraîneur, Micha Bazdarevic, que Vahid connaissait bien. Coach Vahid, et c’est tout à son honneur, avait estimé que les arguments de Boudebouz n’étaient pas recevables, qu’il y avait eu non-respect de la loi FIFA et qu’il devait être sanctionné. D’ailleurs, personne n’avait rien trouvé à redire lorsque Boudebouz n’a pas été convoqué contre la Tanzanie, à commencer par le joueur lui-même, mais reconduire cela face à la Centrafrique, c’est un peu extrême. N’oublions pas qu’une des missions de Vahid Halilhodzic, en plus de nous qualifier au Mondial 2014, est de renouveler l’effectif de l’équipe nationale avec de jeunes éléments talentueux. Ryad Boudebouz n’a que 20 ans et il est le meilleur joueur de football algérien actuellement. Aussi bien techniquement que sur le plan des statistiques ou du niveau dans lequel il évolue, c’est autour de lui que doit être bâtie la nouvelle EN. Le marginaliser de la sorte ne constitue-t-il pas une perte de temps, alors que nous n’en avons malheureusement plus.
Ryad a été très affecté par cette deuxième sanction
Après l’annonce des sanctions lors de la conférence de presse de Marcoussis à l’encontre de Ryad Boudebouz et sa non-convocation pour le match Tanzanie-Algérie qui s’en est suivie, le stratège de Sochaux a eu exactement le comportement que l’on est en droit d’attendre d’un footballeur professionnel sanctionné. On peut même dire que malgré son erreur, il a été exemplaire. Aucune déclaration enflammée ni tapageuse, aucune bouderie ou dénigrement de l’EN, il n’ya rien eu de la sorte. Au contraire, le joueur, qui a tout de même plaidé sa bonne foi dans cette affaire, avait pris acte de la sanction et avait promis que cet incident ne se reproduirait plus et qu’il était à la disponibilité de l’équipe nationale. Le match de la Tanzanie passé, Ryad Boudebouz s’attendait, au vu de ses performances en club, à être convoqué pour affronter à domicile la Centrafrique. Et bien non, Vahid Halilhodzic avait décidé de faire du meilleur joueur algérien un exemple pour tous les autres. Le problème, c’est que les autres avaient déjà compris la première fois, et qu’en récidivant, le sélectionneur national donne l’impression de s’acharner sur le joueur pour une simple histoire d’ego qui affaiblit l’EN qui aurait bien eu besoin de sa percussion offensive, comme Laurent Blanc a besoin de celle de son «jumeau français» de Sochaux, Marvin Martin. Après tout, lorsqu’on regarde la jurisprudence en la matière, et pour citer quelques exemples, Khaled Lemouchia, qui a quand même abandonné le navire en pleine CAN, dispose aujourd’hui d’un dossier disciplinaire vierge de toute sanction. Sans parler de l’entraîneur adjoint actuel, Nourredine Kourichi, qui avait été repêché en 1982 par le duo Khalef-Mekhloufi après avoir fait le mur de la préparation au Mondial pour aller en discothèque. Selon ses proches, et même s’il ne le montre pas dans les médias, Ryad Boudebouz a été très affecté par cette non-convocation pour Algérie-Centrafrique. Il faudra du temps avant que cette blessure faite de sentiments d’injustice et d’incompréhension se referme. Coach Vahid et son staff auraient dû faire preuve de psychologie et de discernement dans cette affaire.
Il avait quasiment convaincu Brahimi
de venir en EN
Si certains joueurs aiment claironner dans les médias toutes les bonnes actions qu’ils font pour en obtenir les lauriers et les retombées médiatiques et financières, Ryad Boudebouz n’est pas de ce genre-là. Peu de gens savent que ce jeune de 20 ans, qui a choisi l’Algérie au plus fort de sa jeunesse, alors que les sirènes de la FFF criaient dans ses oreilles après un Euro des U19 où lui et son ami Yacine Brahimi étaient les figures de proue, l’a fait en son âme et conscience et dans le but de se construire un palmarès avec les Fennecs. Boudebouz n’a pas fait un choix par défaut, bien au contraire. Dans le but de renforcer l’équipe, et après avoir lu les déclarations de son sélectionneur national, Vahid Halilhodzic, qui souhaitait renforcer les Verts avec cinq jeunes binationaux, dont la plupart évoluaient en Ligue 1, il s’est dit qu’il allait profiter du calendrier de la Ligue 1 pour approcher ces joueurs en marge des matches de Ligue 1 française pour essayer de les convaincre de rejoindre et renforcer l’équipe nationale en vue de nos prochaines échéances. Le premier volet de cette mission l’a conduit, le 21 septembre dernier, à s’entretenir longuement avec son compatriote, ami et coéquipier de l’équipe de France U19, Yacine Brahimi, qu’il avait quasiment convaincu de rejoindre les Verts. Comment croyez-vous que Brahimi a dû réagir le lendemain en lisant la presse et en s’apercevant que la personne qui lui demandait de le rejoindre en EN n’était même pas sélectionnée, parce qu’elle avait manqué un stage au mois d’août ? Pas très bien, c’est sûr.
Quel message Vahid envoie-t-il aux jeunes binationaux qui hésitent encore ?
Le «jusqu’au-boutisme» d’Halilhodzic concernant la sanction de Boudebouz court-circuite aussi sa stratégie. A l’heure où il claironne à qui veut l’entendre qu’il compte récupérer cinq jeunes binationaux, dont au moins trois font partie des grands espoirs du football français, il donne l’impression de «s’acharner» sur leur figure de proue, Ryad Boudebouz, car s’il est vrai que la «génération Zidane», celle des Meriem, Meghni, Yebda,… avait plébiscité à l’époque l’équipe de France, aujourd’hui, la «génération Ziani» est tentée plus par l’Algérie, mais a peur de saboter sa carrière en club en faisant le choix des Verts. Le fait qu’un cadre de l’EN de 20 ans, qui est la star de son club et une star en Algérie, aurait pu donc amener plus facilement des Tafer, Belfodil et Benzia en sélection. En se comportant aussi rudement avec Boudebouz donne l’impression et la perception qu’il est inflexible, dur et qu’il ne comprend pas les contraintes des professionnels avec leurs clubs en Europe.
Est-ce un échange
de bons procédés
entre coaches
originaires de Bosnie-Herzégovine ?
Si nous n’abordions pas ce sujet, nous ne serions pas honnêtes dans notre démarche. On sait que Vahid Halilhodzic, lorsqu’il était entraîneur en club, était un adversaire farouche de la loi FIFA et des équipes nationales. On se souvient tous comment il avait littéralement viré l’Argentin Sorin du PSG, parce qu’il ne voulait pas renoncer aux Albiceleste. Peut-être qu’il y a un accord secret entre les Bosniaques Halilhodzic et Bazdarevic, l’un entraîneur de l’Algérie et l’autre entraîneur de Sochaux, pour laisser Ryad Boudebouz à la disposition de son club en ce début de saison très important et le dispenser de ces deux matchs sans enjeu, à savoir Tanzanie-Algérie et Algérie-Centrafrique. En échange, il lui permettra d’être totalement à la disposition de l’EN à partir du mois de janvier lorsque les choses sérieuses commenceront. On serait tenté de dire, finalement, que tout ce clash n’est qu’une mise en scène orchestrée. L’avenir nous le confirmera.
M. B.