Boubakeur Benbouzid ne fera pas la rentrée scolaire !

Boubakeur Benbouzid ne fera pas la rentrée scolaire !

Ministre de l’éducation nationale depuis 1997, Boubakeur Benbouzid qui a survécu à bien des gouvernements de crise, maléable et façonnable, s’est cru et à fait croire qu’il était indétrônable. Il est remplacé dans le nouveau gouvernement par un de ses collègues de l’enseignement supérieur, le Pr Baba Ahmed Abdelatif

Pr. Baba Ahmed Abdelatif, nouveau ministre de l’éducation nationale.

L’inamovible ministre de l’Education nationale, Boubakeur Benbouzid, ne figure plus dans la liste des nouveaux membres du gouvernement d’Abdelmalek Sellal. Il est – enfin! – s’exclameraient les enseignants, remplacé par Baba Ahmed Abdelatif, recteur de l’université de Blida, enseignant universitaire sous le même Benbouzid qui de 1993 à 1994 a été ministre délégué aux universités et à la recherche scientifique pour devenir ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique de 1994 à 1997. Mais force est de constater que l’ombre de Benbouzid après une quinzaine d’années à la tête du ministère de l’Education (de 1997 à 2012), ayant survécu à tant de gouvernements de crise, planera longtemps sur le secteur de l’enseignement. D’autant que c’est à la veille de la rentrée scolaire qu’il a été évincé. Les marges de manoeuvre du nouveau ministre sont pour ainsi dire limitées en tout ças pour cette année scolaire attendue de pieds fermes par les syndicats d’enseignants tout corps confondus, tant les promesses de Boubakeur Benbouzid ont été nombreuses mais jamais abouties.

Si Boubakeur Benbouzid a été confronté à des mouvements de grèves cycliques des syndicats autonomes, le nouveau ministre, nommé in extremis à la veille d’une rentrée houleuse, sera bien contraint de répondre aux promesses faites dans l’urgence, cet été, au corps enseignant, à savoir le payement des arrivérés liées à leurs augmentations salariales. Si, durant, cet été toujours, c’est le seul poste ministériel qui ne soit pas demeuré vacant, le ministère de l’éducation n’a pas eu de répit face à la fronde des syndicats autonomes qui, malgré de fortes mobilisations, entre marches, grèves, sit-in, n’ont pas réussi à faire trembler le fauteuil de Benbouzid au point où ce dernier, reconduit presque automatiquement sous les bifférents gouvernements depuis 1997, a trop souvent troqué la blouse du pédagogue pour l’uniforme du policier. Menaces, intimidations, radiations du corps ont été le triste lot de milliers d’enseignants confrontés à une politique hasardeuse des recrutements, de l’intégration longtemps promise des enseignants contractuels.

Mais le règne de Boubakeur Benbouzid n’est pas que la matraque, chantages et autres ultimatums pour des rentrées scolaires au forceps. Il relève d’une politique insidieuse par laquelle Boubakeur Benbouzid, depuis sa nomination, s’est voulu « apolitique » (bien qu’élu du RND), s’évertuant à une gestion par des bilans chiffrés de son secteur. Chaque année, il sort des chiffres sur la populition scolaire, d’autres sur les manuels scolaires, d’autres encore sur le nombre d’établissements, etc. Or, il n’a pris aucune mesure sérieuse sur la réforme scolaire comme projet de l’école algérienne depuis l’institutionnalisation de l’Ecole fondamentale de 1976 suivie de quelques replâtrages sans réelle incidence sur la réalité calamiteuse de la situation de l’école algérienne soumise à une arabisation de mauvais aloi et à une idéologie réfractaire à la santé mentale de la population scolaire embrigadée par un islamisme qui, sous Benbouzid s’est voulue incolore et inodore.

Ainsi, Bouabakeur Benbouzid, tout en supportant les fagots idéologiques de ses prédécesseurs, de Taleb Ibrahimi à Cherif Kherroubi qui a remplacé Mostefa Lacheraf évincé du gouvernement fin 1978 pour s’être attaqué aux archaïsmes qui bloquaient l’école algérienne, a cédé tous les espaces superstructurels de l’école dès 1997 pour qu’à partir de 1991, les activistes du FIS s’emparent des établissements scolaires dans lesquels ils ont imposé le refus de la mixité, la construction des salles de prière, l’élaboration d’un règlement intérieur autre que celui du ministère de l’éducation, l’embrigadement idéologique et politique des cadres administratifs et pédagogiques et les menaces physiques à l’encontre des enseignantes de langue française, langue décrétée langue impie, tout cela, dans le silence consentant de la tutelle qui a fait le dos rond durant toutes ces années de 1997 à ce jour. Et ce, après les ravages faits par l’article 120 du FLN qui nommait les chefs d’établissement, les inspecteurs et par lequel passaient les mérites et les carrières d’enseignants.

Que peut faire le nouveau ministre dans cette gabegie de l’école étroitement liée à celle de la destruction systématique de l’Etat dans son ensemble par une école délabrée ?

Enseignant universitaire depuis 1973, docteur en chimie, le Pr Baba Ahmed Abdelatif a lui aussi connu bien des remous à l’université Saâd Dahleb de Blida face au syndicat du Cnes. Mis sur le train qui a déjà pris le départ, à quelques jours de la rentrée, il ne fera que répondre aux urgences, panser les plaies, déminer le terrain et surtout écouter les syndicats de son secteur, nombreux et variés, mobilisés et trop longtemps dupés. Quant aux choses sérieuses, le projet de réforme à la base de l’école algérienne, le changement, ce n’est pas maintenant. Car, ce projet, en tout cas d’ici 2014, n’est pas du ressort d’un ministre, mais du pouvoir de Bouteflika. C’est pourquoi, se réjouir du départ de Boubakeur Benbouzid, c’est sans doute déjà ça de gangné pour les enseignants, mais serait sans doute bien trop naïf d’en faire un signe de l’anti-benbouzidisme. Il pourrait même ne s’agir que d’un trompe-l’oeil de Bouteflika qui ne veut pas s’encombrer d’une rentrée scolaire de tous les dangers.

N.R.