Les syndicats autonomes des enseignants montent au créneau cette semaine.
Boubekeur Benbouzid.
Les relations entre syndicats et le ministre de l’Education sont au plus mauvais. Ils reprochent à leur ministre de tutelle de renier ses engagements sur le paiement de la 2ème tranche des rappels dus aux enseignants. Par ailleurs, ils l’accusent de semer la diversion sur les vrais problèmes de l’école algérienne: la formation des enseignants, le recrutement et le débat sur la refonte du système éducatif… La rentrée scolaire 2012 – 2013 sera pour Boubekeur Benbouzid, ministre de l’Education nationale, particulièrement explosive. Les principaux syndicats autonomes de la corporation, le CLA ( Conseil des lycées d’Algérie), le Cnapest ( Conseil national autonome des professeurs de l’enseignement secondaire et technique) et le Snapest (Syndicat national autonome de l’enseignement secondaire et technique) sont sur le pied de guerre. Mardi dernier, leur ministre de tutelle a annoncé le non paiement de la deuxième tranche des rappels des enseignants à partir du mois de septembre, une ardoise qui s’élève à 200 milliards de dinars. Le prétexte avancé: l’inflation. M. Benbouzid a soutenu dans sa déclaration que le versement de ces rappels coûtera 200 milliards de dinars au Trésor public, tout en rassurant que cet argent est disponible! L’ »Unpef » (Union nationale des personnels de l’éducation et de la formation professionnelle) a, de son côté, vivement réagi à cette déclaration : « l’inflation ne remonte pas à aujourd’hui, et que les 200 milliards auxquels il a fait allusion appartiennent aux enseignants. » L’Union demande au ministre d’appliquer ses engagements en versant la deuxième tranche des rappels à la date convenue par les deux parties qui remonte au mois d’octobre dernier.
Les syndicats, unanimes, considèrent qu’une fois de plus, la tutelle, observe « un grave manquement à ses engagements officiels» qui ont été pris selon les syndicats en Octobre dernier sous la promesse ferme que les arriérés seraient versés dans « les douze mois qui viennent », ajoutant que « Les arguments avancés ne tiennent pas la route puisque les employés du secteur de la santé ont touché des rappels de plus d’un million de dinars. » Cette « volte-face » du département de Benbouzid à un mois de la rentrée scolaire est également interprétée par la corporation des enseignants, tous paliers confondus, comme une diversion de plus sur les vraies revendications de la rentrée scolaire: les retraites, la politique salariale, le statut particulier, le débat sur la formation des enseignants et la refonte du système scolaire.
Sur les questions pédagogiques, les syndicats ne cessent de tirer la sonnette d’alarme sur les conditions désastreuses dans lesquelles travaillent les élèves: surcharges des classes, manque criard d’enseignants dans certaines disciplines. Dans les zones rurales, certaines disciplines comme le français et les mathématiques ne figurent plus dans les emplois de temps. La politique de recrutement des enseignants n’obéït à aucune donnée statique fiable. Nombre de jeunes universitaires, sans aucune formation pédagogique basique, sont recrutés pour enseigner des disciplines qui ne relèvent pas de leur spécialité.
Sur son site, le Cnapest, s’exprimant sur les recrutements annoncés récemment par la tutelle, écrit: « Le secrétaire général du Syndicat national des professeurs du secondaire et du technique (Snapest) estime aussi que le nombre de postes ouvert est loin de répondre aux besoins jugés, selon les syndicat, à 32 000 enseignants pour mettre un terme aux classes de plus de 32 élèves. Il faut donc s’attendre à une surcharge des classes et à un manque en professeurs dans certaines matières, comme le français et les maths, notamment dans le Sud. Certaines matières, comme la langue arabe, représentent un nombre très élevé de candidatures. On y trouve 700 demandes pour 5 postes. Cela renseigne sur l’ampleur du chômage touchant les diplômés et la mauvaise coordination entre les filières d’enseignement supérieur et les débouchés professionnels. »
Enfin, la tutelle n’a pas manqué d’avancer le chiffre d’une production de plus de 60 millions de manuels par an, assurant ainsi un livre pour chaque élève dans chaque matière. Or, chaque année, les enseignants se plaignent du manque de manuels scolaires. Ces pénuries, pour aberrantes soient-elles, s’expliquent par le fait que l’éducation nationale ne possède qu’un réseau de distribution étatique du livre scolaire, l’ONPS (Office national des Publications scolaires) dont les moyens de distribution sont rudimentaires face à une demande de plus en plus accrue et qui nécessite des atouts logistiques importants. Résultat des courses: les manuiels restent bloqués, en stocks au niveau des antennes de wilayales de l’ONPS et les élèves en sont privés. Le marché de la distribution et de la vente du manuel scolaire reste tributaire de l’Etat qui refuse de l’ouvrir au privé, aux librairies notamment.
Ces couacs d’ordre matériel et pédagogique ne sauraient cacher le niveau médiocre de l’école algérienne livrée à l’idéologie arabo-baâthiste. Une étude relativement récente menée par le département universitaire d’Oran, le CRASC (Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle) montre, dans une étude du sociologue M. Hassan Remaoune, que le terme d’ »Algérie » ou d’ »Algérien » n’est mentionné que rarement dans les manuels scolaires au profit de « oumma islamiya » et que l’élève du primaire et du moyen (collège) ne sait pas dessiner la carte de géographie de son pays.
R. N.