Le flux des Algériens quittant la Libye s’accentue. Avant-hier, le Boeing 737-800 de la compagnie Air Algérie faisant la liaison Le Caire -Alger était plein comme un œuf, aucun siège de vacant. Visages livides, palis par l’appréhension d’un lendemain incertain et l’impatience de rentrer au pays, tous pressaient le pas pour embarquer.
Fouad Bouali, l’ex-entraîneur du WAT, était là, les traits tirés, les paupières lourdes de fatigue, il avançait à pas mesurés, laissant passer les plus pressés. Accompagné de son entraîneur des gardiens, Hamid Chahloul, ils avaient passé deux jours à Alexandrie. Avant d’embarquer, il a accepté de nous raconter ce qu’il a vécu en Libye. Hargneux !
Vous avez finalement fini par quitter Benghazi, ce n’est pas trop tôt…
Oui, Dieu merci ! On a dû effectuer un véritable parcours du combattant pour rallier l’Egypte.
Vous êtes venus comment ?
Par route. On n’avait pas d’autres choix, il fallait partir. C’était la seule solution qui se présentait, on voulait d’abord passer par Tripoli au tout début des manifestations, mais la ville de Benghazi a vite été coupée du monde. Tous les vols étaient annulés, rien ne sortait.
Et c’était plus sûr de venir au Caire par route ?
En fait, on est restés d’abord deux jours à Alexandrie, le danger était permanent, mais il fallait partir. Le président de Nedjmah nous a remis une lettre, une sorte de laissez-passer qu’on devait présenter sur la route au cas où on nous arrêtait. La population de Benghazi et des villes voisines s’est constituée en Arches, ils contrôlent la plupart des villes. Comme le président de Nedjmah est quelqu’un de très introduit, il nous a glissé ce petit mot qui allait donc nous faciliter les choses si besoin est.
Quand est-ce que vous êtes arrivés ?
Il y a deux jours. On a eu quelques petits soucis à la frontière égyptienne, mais ça s’est vite réglé. On nous a même fait entrer à Alexandrie sans visa. Les Marocains et Tunisiens qui étaient avec nous ont été conduits directement au centre de transit, mais nous, on nous a laissé entrer sans visa.
Vous êtes restés à Benghazi au moment fort de la protestation, vous êtes-vous sentis en danger ?
Le danger existait. Mais El Hamdoulah, on ne nous a jamais abandonnés, on était restés tout ce temps-là à l’hôtel. C’est vrai que sans téléphone et Internet, on était coupés du monde, mais on n’a jamais manqué de nourriture et de soutien. Le président de Nedjmah ne nous a pas quittés jusqu’à notre sortie de Benghazi. Franchement c’est en ces temps-là qu’on peut juger les autres et ils se sont comportés en hommes ! Bien que ce n’était pas évident au regard de tout ce qui s’y passait, il n’ont jamais failli à leur devoir d’hospitalité, c’est tout à leur honneur.
On a fait état de bombardements de l’aviation militaire sur Benghazi, vous qui y étiez, est-ce vrai ?
Oui ! Ils ont bombardé durant les premiers jours de la protestation, on entendait les explosions à des kilomètres à la ronde. Des pilotes se sont éjectés à Benghazi et on voyait leurs avions s’écraser plus loin, on était en guerre. Je ne vois pas d’autres mots pour qualifier ça, j’étais témoin de scènes invraisemblables. Imaginez un char qui écrase une voiture avec deux personnes dedans, j’en suis encore choqué.
Allez-vous y retourner ou bien votre mission à Nedjmah a pris fin ?
Peut-être ! Je n’en sais encore rien. Pour le moment, ce n’est pas d’actualité, mais peut-être… Enfin, on verra bien plus tard.