Bore out : mourir d’ennui au boulot

Bore out : mourir d’ennui au boulot

bore-out-mourir-d-ennui-au-boulot_16-8-734x367.jpgUn nouveau syndrôme sévit dans l’entreprise : l’épuisement professionnel par l’ennui. En France, 15 % à 30 % des salariés seraient atteints. Ses conséquences ? sensiblement les mêmes que celles du burn out. Mais ses causes, elles, sont quasi opposées.

Bore out : la formule est apparue en 2007 sous la plume de deux consultants d’affaires suisses qui l’ont théorisé dans un ouvrage référence*, faisant ainsi émerger une face cachée de l’iceberg des souffrances au travail. S’ennuyer au boulot n’est certes pas nouveau. C’est même un cliché accolé aux administrations : quel fonctionnaire ne s’est-il pas entendu dire par un contribuable excédé : « Moi, j’ai pas que ça à foutre ! » Sauf que, justement, pour ceux qui n’ont « rien à foutre », c’est loin d’être une sinécure. Une explication à l’absentéisme record des personnels administratifs ? Ce n’est pas à exclure : en 2010, «  Bored to death », un article publié dans l’International journal of Epidemiology d’Oxford enfonçait le clou : ceux qui s’ennuient dans leur job auraient trois fois plus de risque de maladies cardiovasculaires. Ce syndrôme d’épuisement par l’ennui fait aujourd’hui parler de lui via les entreprises, par l’intermédiaire de leurs salariés, moins tenus par le devoir de réserve que les fonctionnaires. Une parole qui n’en est pas plus aisée pour autant.

*Diagnois boreout, de Peter Werder et Philippe Rothlin

Un malaise difficile à assumer

Le monde de l’entreprise, comme la société d’ailleurs, valorisant la suractivité et l’ambition professionnelle, honte à celui qui se tourne les pouces ou se plaint de l’inanité de ses tâches. La crise économique et sa déferlante de chômeurs venant s’ajoutant à cela, ce n’est pas le désoeuvré ou l’insatisfait professionnel (chanceux d’avoir un job) qui vont se plaindre, non ? Non. Mais s’étioler en silence. Et par crainte d’être licenciés, donner le change…

On peut être épuisé de n’avoir rien fait de sa journée

On peut mourir d’ennui au travail pour d’autres raisons que le manque d’activités. Le bore out peut survenir chez le salarié très occupé, mais dont les tâches sont sans rapport avec ses compétences et son bagage. Une organisation du travail morcelée où le sens de sa mission lui échappe, ainsi qu’une hiérarchie écrasante qui s’accapare tous les projets intéressants, sont aussi des facteurs déclenchant. Et peu à peu, symptômes et pathologies surviennent : démotivation, fatigue, irritabilité, perte de confiance en soi, sentiment d’inutilité… Et dépression. Puis un jour, l’explosion.

Exploiter ses ressources personnelles, un enjeu vital

A symptômes égaux, le burn out est en passe d’être reconnu comme maladie professionnelle, ce qui est loin d’être le cas du bore out. Moins facile à délimiter, cerner, prouver, ce dernier doit se contenter pour l’heure de faire parler de lui. Pas pour longtemps, espérons-le. Parce que dans une société où l’individu est encouragé non stop (par les prescriptions du développement personnel notamment) à trouver un sens à sa vie, le fait d’exploiter ses propres ressources et sa créativité et de ne pas gaspiller son temps, sont des enjeux désormais reconnus comme essentiels.