Abou Abd Allah Az-Zoughbi Mohammed Ben Abi Al-Hassan Ali est le vingt-deuxième émir nasride de Grenade. Il est surnommé Az-Zoughbi (l’infortuné) et appelé Boabdil (déformation castillane de Abou Abdillah) ou El Chico (Le Jeune) par les Castillans espagnols. Il est né à Grenade en 1459. Il est le fils de Abou Al-Hassan Ali dit El Viejo (L’Ancien). Il lui succède en 1482. Il règne sous le nom de Mohammed 12 Az-Zoughbi sur le Royaume de Grenade et en est le dernier souverain. Les Espagnols s’en souviennent aussi sous le nom d’El Moro, «le Maure». Le royaume disparaît en 1492. Il meurt en 1532 à Fès.
Au 15e siècle, l’étendue des territoires soumis à l’Islam en Espagne se réduit de plus en plus et Grenade reste le dernier bastion que les Rois catholiques aimeraient conquérir. Une intrigue amoureuse au sérail du roi de Grenade facilite leur tâche. Le roi Abou Al-Hassan Ali (1464-1482) s’est en effet épris d’une belle chrétienne, Isabelle de Solis qui, une fois convertie à l’islam, prend le nom de Zoraya, et il envisage de répudier la reine Aïcha, dont il a eu un fils, Az-Zoughbi. Aïcha s’enfuit avec son fils, détrône son mari et le remplace par Boabdil, le Petit Roi ‘’el Rey Chico’’. Au printemps 1483, l’élite de la noblesse chrétienne andalouse, décide de lancer une expédition dans la région du littoral située entre Malaga et Vélez-Malaga, appelée A-Charqiyya par les arabes et l’Axarquía par les espagnols castillans. Trois mille cavaliers et mille fantassins partent d’Antequera le 19 mars 1483. Dans cette région de Malaga se produit la contre-attaque musulmane dans la nuit de jeudi à vendredi 21 mars 1483. Les chrétiens sont complètement mis en déroute. Les chroniques castillanes elles-mêmes admettent avoir perdu mille huit cents hommes et prisonniers. La bataille de l’Axarquía est la dernière victoire des musulmans dans l’histoire d’Al-Ándalous.
Boabdil, avide de gloire, décide de faire une incursion en territoire chrétien. Son objectif est une place mal défendue, Lucena, dont le gouverneur, Diego Fernández de Cordoue, n’est âgé que de dix-neuf ans. Mais un musulman grenadin trahit les siens en révélant aux habitants de Lucena ce projet d’attaque. Le 20 avril 1483, Boabdil à la tête de sept cents cavaliers et de neuf mille fantassins, est repoussé devant les murs de Lucena. Il subit de nombreuses pertes dues à la surprenante intervention de l’armée du comte de Cabra qui avait été avertie de la manœuvre des Nasrides. L’armée musulmane est presque détruite. Pendant la bataille, Boabdil lui-même est tombé entre les mains des chrétiens. Cet épisode marque le début de la chute de Grenade. Les conditions admises par Boabdil pour obtenir sa libération sont les plus humiliantes accordées par un souverain d’Al-Andalous. Il a promis de livrer un impôt de douze mille doublons de Jaén, l’équivalent de quatorze mille ducats; de restituer les trois mille captifs chrétiens castillans; de livrer comme otages son fils, le prince héritier Ahmed, son frère Youcef et dix jeunes aristocrates grenadins. Il accepte d’être le vassal des rois de Castille et il demande à la Castille de lui venir en aide pour reprendre son trône.Abou Al-Hassan Ali, son père, qui dispose du soutien de nombreux habitants de Grenade, se hâte de reprendre son trône. Pendant sa captivité, Abou Al-Hassan Ali jusqu’en 1485, puis son oncle Mohamed XIII Az-Zaghall prennent successivement le pouvoir. Ferdinand d’Aragon libère Boabdil et l’aide à reprendre le trône en 1487, à la condition que Grenade devienne vassale de l’Espagne et qu’il renonce à défendre Malaga. En outre, il donne son premier-né de deux ans en otage, promet le paiement de 14000 ducats d’or et la libération de 7000 prisonniers espagnols. Malaga capitule au bout de trois mois et demi de siège, le 18 août 1487. Les quinze mille prisonniers musulmans sont dans un véritable état d’inanition. Encerclés par l’ennemi chrétien, à partir de 1485, les Grenadins se retournent vers leurs anciens alliés, les souverains maghrébins de Fès et de Tlemcen à qui ils demandent une aide efficace.
Les Zianides de Tlemcen sont trop occupés par leurs deux voisins Mérinide et Hafside. Les sultans de Fez franchissent le détroit et portèrent le Djihad en terre andalouse; cette intervention active ne laissa pas d’inquiéter les Nasrides. Ennemis des Mérinides qui avaient tenté de s’emparer de Tlemcen et d’imposer leur souveraineté sur le Maghreb central, les Zianides se rapprochèrent des Nasrides dès le début du XIIIe siècle. Des guerriers de la Foi recrutés à Oran et à Honaine par le gouverneur nasride d’Almeria apportèrent leur énergique soutien aux combattants grenadins. Une fois libéré, Boabdil refuse de soumettre la ville. Fin 1487, Almeria et Guadix tombent. La puissante famille des Abencérages est accusée d’être vendue aux chrétiens et de vouloir renverser Boabdil; ce dernier reste le seul souverain. Le 26 avril 1491commence le siège final de la capitale nasride. Ce jour-là, la reine Isabelle de Castille a juré de ne pas se baigner et de ne pas changer de vêtements jusqu’à la prise de Grenade.
Fin 1491, la situation dans Grenade devient très précaire quand le blé, l’orge, le millet, l’huile viennent à manquer. Boabdil entame des conversations secrètes pour ne rendre la ville que fin mars 1492 alors que depuis décembre 1491, les Castillans exigent une reddition immédiate. Dans la nuit du 1er au 2 janvier 1492, guidés par Ibn Koumassa et Abou al-Qasim Al-Moulih, deux vizirs de Boabdil, le grand commandeur de León, don Gutierrez de Cárdenas et quelques fonctionnaires castillans entrent secrètement dans Grenade par un chemin peu fréquenté. Au petit jour, Boabdil livre les clés de l’Alhambra à don Gutierrez dans la tour Comares. La capitulation officielle date du 2 janvier 1492. La bannière de Castille et la croix sont hissées sur l’une des tours de la forteresse de l’Alhambra qu’on appelle encore aujourd’hui la Tour de la Bougie. Boabdil laisse sa ville et ses palais intacts aux mains de ses adversaires, moyennant un traité de capitulation qui garantit les droits des habitants: ceux-ci peuvent rester en conservant leur religion, leurs autorités juridico-religieuses, leurs biens et même leurs armes (sauf les armes à feu). Boabdil fait excaver les tombes de ses ancêtres Mohammad 2, Youcef 1, Youcef 3 et Abou Saad pour qu’elles ne soient pas profanées par les chrétiens. Il les fera transférer dans le cimetière de la mosquée de Mondujar. La légende dit que sur le chemin de l’exil, au lieu-dit «le dernier soupir du maure», Boabdil se retourna vers la capitale de son royaume perdu et pleura. Sa mère Aixa (Aicha) Fatima lui lança: «Pleure comme une femme ce que tu n’as pas su défendre comme un homme!».
Exilé dans le sud à Laujar de Andarax dans les montagnes des Alpurrajas où Ferdinand lui a accordé une seigneurie, il perd sa femme Morayma qui sera également enterrée dans la mosquée de Mondujar. Trahi par son vizir, Youcef Ibn Comixa, qui vend sans son consentement la seigneurie pour 80 000 ducats à Ferdinand, Boabdil est contraint d’embarquer en octobre 1493 du port d’Adra pour rejoindre les côtes nord-africaines.
Le secrétaire royal Fernando de Zafra mentionne dans sa missive du 9 décembre 1492 que Boabdil et sa suite vivent à Andarax qu’il quitta pendant un mois pour se rendre à Tlemcen où il resta peu longtemps et qu’il quitta en septembre ou octobre 1492. Selon l’historien tlemcénienAl-Maqqari, Boabdil, dernier roi de Grenade, il s’installa avec des membres de sa famille à Fez où il vécut dans des conditions difficiles. Al-Maqqari écrit qu’il mourut en 1533 ou en 1534 et mentionne avec précision où sa dépouille fut enterrée. Sa fille Aixa (Aicha) fut capturée par les Espagnols et baptisée Isabel. Le roi Ferdinand célèbra la conquête de Grenade en la prenant comme maitresse, elle lui donna un fils, Miguel Fernandez, chevalier de Grenade (1495-1575). Dans la mémoire populaire espagnole, Boabdil est devenu un héros romantique de la Reconquista, compte tenu des événements déroulés à la perte de son royaume. Son nom est donc fréquemment présent autour de Grenade. Le soupir du Maure (Suspirodel Moro) est un col situé à douze kilomètres au sud de Grenade, età 860 m d’altitude, point de passage principal entre Grenade et la côte méditerranéenne .