Le siège du FLN
Entre les islamistes et la fêlure au sein du FLN, d’un côté et un passage en force de l’autre, le gouvernement a choisi la solution la moins «aventureuse» quitte à faire perdre une manche à son ministre de la Justice, face au secrétaire général du FLN.
Le sort «inattendu» des amendements du Code pénal portant sur la criminalisation des violences faites aux femmes, traduit le souci du gouvernement d’éviter une énième crise. En effet, au moment où sur le front social deux problèmes créent une certaine tension, la grève de l’éducation et les protestations contre le gaz de schiste, l’Exécutif ne veut pas ouvrir un autre front, politique celui-là, en se mettant à dos les islamistes qui n’ont pas manqué de montrer leur refus des amendement votés par l’APN, à travers des sorties médiatiques très remarquées et surtout féroces contre les nouvelles dispositions du Code pénal. Le ton est en effet monté au point où l’on constate une réelle cristallisation de l’action de l’opposition islamiste sur ce point, précisément, avec une menace à peine voilée d’aller titiller la fibre religieuse des Algériens. Faut-il relever, à ce propos, le rapprochement «dangereux» opéré par Makri et consorts entre le texte de loi et les Textes sacrés. Même si le propos et les méthodes sont condamnables sur le fond, il n’en demeure pas moins qu’en politique, le temps n’est pas au débat, mais à l’action sur le terrain en pareilles circonstances. Or, sur ce chapitre, il faut reconnaître aux islamistes une efficacité redoutable. D’ailleurs, les «messages codés» transmis par les leaders de cette mouvances annoncent une très probable escalade verbale qui laisserait le gouvernement sur le carreau. Et pour cause, les discours quitteront la sphère politique pour s’aventurer sur les maquis religieux avec le risque de réveiller «la bête». Un tel scénario équivaut à une sérieuse perturbation mettant l’Exécutif face à un nouveau front dont il se serait passé, compte tenu de la situation déjà quelque peu tendue que vit présentement la scène nationale.
Le blocage de la loi répond donc à un impératif conjoncturel. C’est en tout cas, ce qu’on déduit au regard des premières réactions des islamistes et la timidité des démocrates qui préfèrent, comme à leur habitude, jouer le rôle de spectateurs lors des passes d’armes entre le pouvoir et les islamistes. Le même scénario a été observé lors du vote à l’APN des amendements sur le Code de la famille. La levée de boucliers, des islamistes avait créé un grand tollé au sein de la scène politique. Et comme pour les amendements du Code pénal, les islamistes avaient «instrumentalisé» le positionnement de l’Association des ouléma algériens qui avait émis quelques réserves sur le contenu des amendements. On en est donc à ce bras de fer que le gouvernement voudrait éviter, sauf que des sources bien informés ont révélé à L’Expression que la démarche du gouvernement est également justifiée par l’attitude d’un certains nombre de cadres du FLN qui ont montré leur aversion aux nouvelles dispositions du Code pénal. Cette «cassure» au sein du parti majoritaire illustre le désaccord publiquement exprimé entre le ministre de la Justice, Tayeb Louh, membre influent de l’encadrement du FLN, et l’actuel secrétaire général du parti. Ce dernier serait-il donc bénéficiaire du blocage de ces amendements au sens où cela affaiblirait son adversaire au sein du FLN? De la à dire que Amar Saâdani a soufflé la solution de la reculade à l’Exécutif, il n’y a qu’un pas que nombre d’observateurs n’hésitent pas à faire. En effet, entre les islamistes et la fêlure au sein du FLN, d’un côté et un passage en force de l’autre, le gouvernement a choisi la solution la moins «aventureuse». Il s’agit d’abord, et avant tout, de sauvegarder une stabilité chèrement acquise. Le président n’a cessé de le répéter lors de ses dernières interventions.
