«Nous avons pris le taureau par les cornes. Au lieu de les laisser (ces ex-militaires) s’évaporer dans la nature, nous avons décidé de les accueillir avec armes et bagages.»
Les Maliens se préparent à recevoir leurs concitoyens venant de la Libye. Dans le nord du Mali, une région déjà fragilisée par la présence d’Al Qaîda, autorités, ONG et habitants se préparent, d’ores et déjà, à intégrer en douceur, des centaines de Maliens, qui faisaient partie de l’armée libyenne de Mouammar El Gueddafi. Dans cette guerre libyenne qui s’inscrit dans la durée, l’Algérie est directement concernée de par les frontières qu’elle partage avec ce pays voisin. De sources sécuritaires on a appris qu’environ 500 Touareg, dont des femmes et des enfants ainsi que des blessés, pourchassés par les rebelles libyens ont été accueillis dernièrement sur le sol algérien. «Le Croissant-Rouge algérien a été chargé de s’occuper de ces réfugiés et de les soigner», a indiqué une source gouvernementale. De son côté, le représentant de la Coordination des Touareg de Libye, Ichak Ag Hacini, a dénoncé les «liquidations collectives» commises par les rebelles contre les Touareg libyens et demande à l’Algérie d’ouvrir ses frontières pour leur permettre de rejoindre les tribus touarègues du Sud algérien.
Côté malien, il faut dire qu’une collecte d’argent a été lancée par le comité mis en place pour accueillir ces ex-militaires d’origine malienne et qui ont obtenu la nationalité libyenne, attendus dans quelques jours, indiquent les organisateurs, sans fournir le nombre et le calendrier. A ce sujet, un responsable au gouvernorat du Nord, sous couvert d’anonymat, a soutenu: «Nous avons pris le taureau par les cornes. Au lieu de les laisser (ces ex-militaires) s’évaporer dans la nature et constituer une source de danger, nous avons décidé de les accueillir avec armes et bagages pour mieux les insérer». Et de noter, dans le même contexte: «nous avons reçu des consignes données par l’état-major de l’armée: ceux qui reviendront armés seront désarmés en douceur».
Pour mémoire, Mouammar El Gueddafi a, en effet, fait appel aux Touareg du Mali et du Niger en renfort afin de sécuriser le sud du pays, et ce en vertu d’un accord datant de 1980. Le retour de ces derniers dans leurs territoires d’origine pourrait, avertissent des experts, déstabiliser davantage encore une zone sahélienne déjà fragilisée en raison de la présence des groupes d’Al Qaîda et de trafiquants, de tout bord.
De son côté, Ibrahim Ould Mohamed de Stop Armes, une ONG de lutte contre la prolifération des armes au Sahel, a déclaré que «c’est la première fois qu’on organise le retour d’un convoi de militaires», en précisant, à l’occasion, que les ex-militaires reviendront sûrement avec «des civils, membres de leurs familles». Dans le même sillage, Ibrahim Ould Mohamed a aussi indiqué que des hommes ayant combattu pour lui ont pris le chemin du Sahel d’où ils sont originaires, après avoir été formés à la guerre et dotés d’armes, suscitant des craintes pour la sécurité dans une région déjà confrontée à l’activité d’Al Qaîda. Alors qu’un ministre malien a toutefois estimé que le Conseil national de transition (CNT) de Libye devrait, lui aussi, penser aux ex-membres de l’armée libyenne d’origine malienne. «Ce sont des Libyens, quand même. Il appartient au CNT de jouer la carte de la réconciliation nationale et de les accepter pour que le Sahel, déjà déstabilisé, ne le soit pas davantage», a-t-il tenu à préciser. Organisés et galvanisés par la lutte, structurés par cette session d’entraînement libyenne, s’appuyant sur des moyens logistiques leur conférant une mobilité accrue – notamment via la récupération de véhicules, la question des Touareg devrait, donc, être méditée et prise au sérieux aussi bien par les nouvelles autorités libyennes que maliennes, car dans le cas contraire les pays de la bande sahélienne seront, une fois de plus, confrontés à l’épineuse problématique des Touareg ayant par le passé fait l’objet de moult manipulations.