L’Algérie a été « blacklistée » avec 10 autres pays, par l’Arabie Saoudite qui a demandé à des institutions locales de faire preuve de la plus grande « prudence » et de « vigilance » dans le traitement des opérations financières avec ces pays pour ne « pas tomber dans le piège des opérations douteuses entrant dans le cadre du financement du terrorisme et des réseaux extrémistes ».
Le ministère saoudien des affaires étrangères a saisi toutes les parties et institutions officielles « afin de faire preuve de prudence et de vigilance dans les opérations financières avec 11 pays ». Il justifie ce « warning » en soulignant que l’Iran et la Corée du Nord n’ont pas fournis des assurances suffisantes en matière de lutte contre le financement du terrorisme.
L’Algérie – ainsi que l’Équateur, Myanmar, l’Ethiopie, le Pakistan, la Syrie, la Turquie et le Yémen … – fait partie des pays qui n’appliquent pas le plan d’action du GAFI de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme..
Le Groupe d’action financière (GAFI) est un organisme intergouvernemental créé en 1989 au sommet du G7 de Paris. 34 pays et deux organisations régionales dont le Conseil de coopération du Golfe (CCG) font partie de ce groupe qui édicte des mesures à prendre pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Les Saoudiens vendent à l’Algérie mais n’y achètent rien
Les exportations algériennes vers l’Arabie Saoudite sont insignifiantes : moins de 10 millions de dollars en 2014. Par contre, les exportations saoudiennes vers l’Algérie ont atteint les 600 millions de dollars, selon des chiffres données dans la presse algérienne.
L’Algérie n’a pas encore réagi à la mesure saoudienne. Le journal Al-Bilad cite une « source diplomatique » non identifiée qui souligne que « l’Algérie a de bonnes relations avec l’Arabie Saoudite et demandera des explications sur cette question poir la traiter dans les cadres appropriés ».
L’Arabie Saoudite qui est membre du Gafi ne fait qu’appliquer les directives et conseils du Gafi contenus dans une déclaration publique datée du 27 février 2015.
Cette déclaration en question pointe un certain nombre de pays, dont l’Algérie, comme un pays à risque en raison de l’absence d’un « dispositif complet » de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
« Insuffisances stratégiques »
Le GAFI a mis en tête des menaces, l’Iran et la Corée du nord et a appelé à appliquer des « contre-mesures » pour protéger le système financier des « risques permanents et significatifs » de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.
L’Algérie – avec l’Equateur et Myanmar – est cataloguée dans cette déclaration du Gafi comme ayant des » insuffisances stratégiques » en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Ces pays n’ont pas fait des progrès pour remédier à ces « insuffisances » ou n’ont pas mis en œuvre le plan d’action développé par le Gafi.
Dans cette déclaration, le Gafi appelle les pays membres à prendre en compte les « risques » liées à ces lacunes. Les opérateurs doivent faire preuve de « vigilance accrue » à l’égard des opérations financières et des relations d’affaires avec les clients qui ont des liens avec ces pays.
Le passage consacré à l’Algérie dans la déclaration publique du GAFI prenait acte de mesures prises par l’Algérie pour améliorer son régime et le mettre en conformité avec les normes. Cependant le GAFI note que l’évolution est trop récente et qu’il n’a pas l’évaluer.
Le Gafi déclare cependant ne pas être mesure de déterminer si ces mesures sont efficaces et « criminalisent de manière adéquate le financement du terrorisme » et permettent « l’établissement d’un cadre juridique adéquat pour identifier, tracer et gel les avoirs terroristes ainsi que la mise en œuvre des normes du Gafi. Le Gafi « encourageait » l’Algérie à combler ses « lacunes » et poursuivre la mise en œuvre de son plan d’action.
L’Arabie Saoudite est-elle en mesure de faire la « leçon »?
L’Arabie Saoudite a beau être membre du GAFI, via le CGG, elle est beaucoup plus lourdement mise en cause dans le financement du terrorisme. Ces accusations sont récurrentes depuis les attentats du 11 septembre 2011.
Les fameux câbles diplomatiques américains révélés par Wikileaks soulignaient, selon une note de l’ambassade US à Riyad datée 2009, que « les donateurs [privés] en Arabie saoudite demeurent la principale source mondiale de financement de groupes terroristes sunnites ».
Dans une tribune remarquée, Dominique de Villepin, l’ancien chef du gouvernement français relevait que le groupe Etat Islamique bénéficiait de flux financier venant d’Arabie Saoudite.
Il appelait à « couper le robinet des bailleurs de fonds sans lesquels l’Etat islamique n’est rien » écrit-il en pointant des « forces conservatrices, des individus ou des circuits, parfois ancrés dans la société, parfois en marge de l’action de l’Etat, qui agissent pour le pire, mues par la peur de perdre le pouvoir, mues aussi par la crainte d’idées novatrices et démocratiques ».
De manière directe, Dominique de Villepin estimait qu’il « faut dire à l’Arabie saoudite et aux monarchies conservatrices qu’elles doivent sortir de ce jeu destructeur, car leurs dynasties seront les premières victimes d’un djihadistan qui s’étendrait à la péninsule Arabique, car il n’y a là-bas aucune alternative hormis les pouvoirs traditionnels actuels ».
Les services de renseignements américains ont indiqué que la plupart des fonds déversés sur la Syrie – pays où est né l’EI – proviennent des « pays du Golfe, où des donateurs acheminent des millions vers la frontière turco-syrienne, à destination des combattants islamistes. Les gouvernements de l’Arabie saoudite, du Qatar et du Koweït ont également financé en secret les groupes radicaux sunnites qui combattent el-Assad ».