Le défi imposé à l’Algérie en matière de lutte contre le blanchiment d’argent (accentué avec l’entrée du pays dans l’économie de marché, les scandales financiers et le terrorisme), et le financement du terrorisme, appelle à la prise de nouvelles mesures ou au renforcement de celles déjà existantes.
Le dernier Conseil des ministres s’est penché sur la question, annonçant, dans un communiqué rendu public à la fin des travaux, le renforcement des mesures, en la matière, dans une ordonnance qui autorise le juge à ordonner le gel ou la saisie, pour une durée d’un mois, renouvelable, des fonds appartenant aux organisations terroristes, rappelle-t-on.
Cette mesure est susceptible de recours, est-il noté. Lors du Conseil des ministres, le président Abdelaziz Bouteflika a estimé que «si l’engagement de l’Algérie contre le terrorisme est une réalité, il doit en être de même pour la prévention du blanchiment d’argent, dans le cadre de la lutte contre la corruption et le crime organisé», rappelle-t-on encore.
Le chef de l’État a instruit le Premier ministère, la Banque d’Algérie et toutes les autorités de régulation concernées de veiller au strict respect des règlements relatifs à la prévention du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme et d’apporter leurs pleins concours à la Cellule nationale de renseignement financier (CTRF), placée auprès du ministère des Finances.
Ce qui signifierait, en termes plus clairs, que la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ne se limite pas aux déclarations de soupçons émanant de banques (ce qui est nécessaire, selon la loi, en la matière), mais doit s’adapter à des transactions susceptibles d’enregistrer des délits du genre.
Une source proche de la CTRF évoque, à ce titre, «la nécessité d’impliquer certaines professions, comme les bijouteries et les agences immobilières». «Si, aujourd’hui, les établissements bancaires font des déclarations de soupçons, certains bijoutiers et agences immobilières ne font pas de même, ne coopérant, de ce fait, pas avec la CTRF», explique la source.
«Il n’est pas écarté que des sommes d’argent pourraient être blanchies dans l’achat de bijoux, ce qui illustre la nécessité d’impliquer les bijoutiers à faire dans les déclarations de soupçons», ajoute la source. Ce qui pourrait être possible avec le renforcement des mesures, en la matière, annoncée au terme du dernier Conseil des ministres, est-il souhaité.
«C’est divulguer un secret de Polichinelle que de dire que des sommes importantes d’argent sont, en grande partie, blanchies dans l’immobilier. Là, aussi, il faut noter qu’un grand nombre d’agences immobilières ne coopèrent pas avec la CTRF», selon la source. «Nous souhaitons que par le biais du Premier ministère, instruit par le gouvernement, au terme du dernier Conseil des ministres, nous pourrons arriver à une véritable coopération avec les professions concernées sur intervention des ministères de tutelle», lance la source.
Un marché annuel de 4 milliards de dollars non contrôlé
La cherté continue de l’immobilier est, en grande partie, expliquée par le blanchiment d’argent dans ce secteur, s’accordent, par ailleurs, à dire de nombreux spécialistes en la matière. 40 000 unités, entre logements et villas, locaux commerciaux et lots de terrains à bâtir sont mises sur le marché, annuellement, répartis entre, notamment, 6700 agences immobilières, selon des sources concordantes. Le marché représente environ 4 milliards de dollars par année, lancent les sources.
La CTRF n’a aucune prérogative pour contrôler le marché de l’immobilier, est-il dénoncé. Pas seulement, les transactions immobilières, de particulier à particulier, ne sont pas portées dans les bilans annuels du ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme, et, pourtant, selon une source proche du département ministériel de Noureddine Moussa, les transactions participent au règlement de la crise du logement. Pour l’exemple, en Belgique, il y a eu plus de 170 000 transactions immobilières entre particuliers durant l’année 2011, avaient annoncé les autorités.
En Algérie, l’opacité entoure les transactions et les chiffres restent disponibles à un cercle très fermé, ne servant à aucune étude qui pourrait, à la fois, lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, et aider à débusquer les faux nécessiteux demandeurs de logements et autres aides de l’Etat, en la matière.
Par Mounir Abi