La Cellule de traitement du renseignement financier (Ctrf) a transmis à la justice 82 affaires de blanchiment d’argent depuis son entrée en activité en 2005 jusqu’à ce jour, a indiqué à l’APS le président de cet organisme spécialisé, M. Abdenour Hibouche.
La grande majorité de ces dossiers provient des déclarations de soupçons adressées par les banques à la Ctrf, tandis que le reste (près de 10%) émane des Douanes et de la Banque d’Algérie sachant que cette cellule, placée auprès du ministère des Finances, n’est pas habilitée à procéder par auto-saisine.
Jusqu’à 2011, seulement trois (3) affaires de blanchiment ont été transmises à la justice par la Ctrf même si le nombre des déclarations de soupçons envoyées à cet organisme avait atteint 3.188 entre 2007 et 2011 avec un « pic » enregistré en 2010 lorsque la Banque d’Algérie a entamé une large opération de contrôle au niveau des banques et établissement financiers.
Sur l’année 2014, la Ctrf avait reçu 661 déclarations de soupçon émanant de banques (contre 582 en 2013) ainsi que 1.698 déclarations de soupçon adressés par des établissements financiers non bancaires (contre 1.828 en 2013).
A noter que les rapports envoyés par les banques et établissements financiers à la Ctrf sont appelés « déclarations de soupçon » alors que ceux de la Banque d’Algérie, des douanes et de la Direction générale des impôts (DGI) sont intitulés « rapports confidentiels ».
Mais selon M. Hibouche, contrairement aux banques, les rapports envoyés par les établissements financiers ne sont, malheureusement, pas conformes au modèle de déclaration exigé par la loi (décret de janvier 2006), empêchant leur exploitation par la Ctrf qui tente de remédier à cette situation en sensibilisant ces établissements sur le respect des normes obligatoires précisées par la législation.
Par ailleurs, le même responsable constate une baisse, depuis 2012, du nombre de déclarations de soupçons du fait, selon ses explications, des mesures de vigilance et des procédures de contrôle édictées par la Banque d’Algérie ainsi que de la sensibilisation des banques pour une transmission sélective des déclarations à soumettre à la cellule excluant, de ce fait, toutes les opérations sans lien avec le blanchiment.
Mais si les établissements financiers non bancaires ne respectent pas les normes exigées dans l’élaboration de leurs rapports, les banques, par contre, font preuve davantage d’efforts suite aux mesures de vigilance édictées par la Banque centrale à travers la nouvelle approche basée sur le risque, l’acquisition d’outils spécifiques de détection des infractions et les actions de formation de leur personnel, souligne le même responsable.
Ces affaires prises en charge par les banques sont, parfois, étayées par d’autres renseignements et indices émanant principalement des Douanes et de la Banque d’Algérie. De surcroît, l’ordonnance de février 2012, modifiant et complétant la loi de 2005 relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, a conforté l’autonomie de la Ctrf en l’érigeant en une autorité administrative indépendante, placée auprès du ministère des Finances.
Cette autonomie lui a permis « d’améliorer ses performances, de lui conférer des prérogatives plus étendues vis-à-vis de ses partenaires nationaux et étrangers et de la doter d’un mode de fonctionnement et de gestion encore plus souple conformément aux standards internationaux », soutient M. Hibouche.
Absence de collaboration des professions libérales
Interrogé sur l’écart important entre le nombre des déclarations de soupçons transmises à la Ctrf et celui des dossiers soumis à la justice suite à ces rapports, il explique que les banques déclarent, souvent, les dépôts financiers importants qu’elles jugent suspects, alors que la Ctrf se prononce uniquement sur les affaires de « blanchiment avéré » en coordination avec d’autres institutions nationales concernées.
En effet, explique-t-il, le montant d’un dépôt bancaire, qui interpelle souvent les banques lorsqu’il est important, ne constitue pas une preuve irréfutable d’une opération douteuse puisque les blanchisseurs d’argent recourent, systématiquement, au fractionnement des dépôts et des transferts en petits montants pour ne pas attirer l’attention des banques.
Par ailleurs, M. Hibouche déplore l’absence de collaboration de certaines professions libérales dont l’activité est, pourtant, de nature à être particulièrement utile pour débusquer les blanchisseurs d’argent, telles les professions de notaires, agents immobiliers, concessionnaires automobiles, huissiers, avocats, experts comptables, commissaires aux comptes et les commissaires en douanes.
Mais aucune déclaration de soupçon n’a été émise par ces professions depuis l’entrée en activité de la Ctrf en 2005, alors que la loi relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d’argent les soumet à « l’obligation de déclaration de soupçon ».
En vertu de cette obligation, note cette loi, ces professionnels sont tenus de « déclarer au Ctrf toute opération portant sur des capitaux paraissant provenir d’une infraction ou semblent destinés au blanchiment de capitaux et/ou financement du terrorisme ».
Par Hana SBAGHDI