La coopérative culturelle « Le Théâtre de Laghouat » s’est illustrée, samedi à Alger, avec la pièce « B’Khour Aâsri » (Encens modernes) s’invitant au coeur de la « malédiction qui frappe le peuple arabe » dans une tentative de trouver les antidotes nécessaires à son égarement, par des rituels de purifications.
Au sixième soir des Journées du Théâtre du Sud, ouvertes le 23 septembre dernier, le Théâtre national algérien (Tna) a accueilli un spectacle époustouflant d’énergie, écrit et mis en scène par Haroun El Kilani, qui a récidivé après « Physio chadhaya » à l’ édition de 2012. Dans une forme qui s’identifie au « Théâtre de la cruauté » où les
échanges de répliques se font violemment en vociférant, « B’Khour Aâsri » appartient dans son contenu au genre épique dès lors qu’il s’agit d’organiser les conflits au niveau de la réflexion et inviter le public à la méditation.
Quatre comédiens, Fayçal Bounacer, Ibrahim Khalil Taleb, Younès Bellili et Tahar Ben Safiddine représentant des citoyens tourmentés du peuple arabe, se sont « affrontés » sur scène dans des tons élevés et des mouvements frénétiques, s’échangeant des questions existentielles autour de leur condition, marquée par les conflits internes, et « l’aliénation de leurs pays aux puissances économiques occidentales ».
Dans un discours d’une profondeur sémantique pertinente, le désaveu à l’endroit du peuple arabe est consommé révélant au public son incapacité à s’autogérer et mettre les richesses naturelles produites par ses terres à son profit.
« B’Khour Aâsri », teinté de mysticisme soufi, explore le monde irrationnel et « tente, en l’absence de bon sens, de pénétrer au cœur de la malédiction qui frappe nos peuples et trouver l’antidote qui mène à la guérison, par des rituels de purification et des croyances extatiques », explique Haroun El Kilani.
Dans la véhémence et le bouillonnement, les comédiens, dans des costumes délabrés se sont surpassés cherchant des réponses à leurs questionnements et entretenant la virulence dans le propos et l’engagement physique dans le mouvement avec pour but, de transmettre le caractère urgent de cette tragédie au public.
La scène totalement ouverte et sans décor et la musique enivrante, dominée par le rythme targui et les sonorités du goumbri ont donné de l’entrain à un texte bien réfléchi et savamment mis en scène alors que les rampes des projecteurs étaient rabaissées, légèrement au-dessus de la taille humaine accompagnant efficacement l’intensité du propos.
Quatre autres comédiens d’Adrar, jouant sans texte, représentaient par le mouvement et le mime le caractère sournois et insidieux de chacun des personnages, dans une schizophrénie (dédoublement de la personnalité) brillamment simulée, dévoilant l’hypocrisie des uns et le double langage des autres.
Cherchant l’antidote à leur mal, les comédiens ont brûlé de la poudre d’encens, laissant s’échapper des émanations et de la fumée, usé de rituels religieux citant des versés du Saint Coran et organisé des séances d’exorcisme d’une violence extrême.
Dans une ultime tentative de trouver un remède à leur mal, les belligérants se sont souillé le corps avec de grandes quantités de liquide noirâtre dans un rituel de purification qui s’est avéré sans résultat.
Sollicitant la réflexion et la profonde méditation, « B’Khour Aâsri », est « une autre lecture sur le désarroi du peuple arabe et la manière, expressément erronée, dont il entreprendra le chemin du salut », dira l’assistante du metteur en scène Naïma Tibouni Kilani.
Les 6èmes Journées du Théâtre du Sud qui s’étalent jusqu’au 30 septembre courant au Tna, accueillent au soir du septième jour, « Zabana », un spectacle de la Coopérative culturelle de théâtre « Art et technologie » de la ville de Naâma.