Seize ans après la première élection de Abdelaziz Bouteflika à la présidence de la République, l’économie algérienne peine toujours à sortir définitivement d’une logique rentière qui l’a menée vers la crise des années 80 et qui risque de la refaire plongée dans une nouvelle crise faute de réformes à ce jour et ceci malgré une baisse des cours du baril au plus bas depuis un an. Cette tendance de fond va s’accentuer avec la hausse attendue des exportations iraniennes qui augmenteront les excédents de pétrole sur un marché déjà excédentaire, ce qui conduira à encore faire baisser le prix du baril.
Pourtant durant quinze glorieuses algériennes, la puissance publique a eu le temps et les moyens d’éviter une crise à venir que seul l’aveuglement des dirigeants refusés de voir. Durant cette période, nous avons bénéficiés d’un essor économique sans précédent dans l’histoire de notre pays, nous avons exportés pour plus de 700 milliards de dollars et investit pas moins de 1 000 milliard de dollars d’ici la fin du quatrième mandat sans pour autant réussir à sortir ni d’un système rentier ni du sous-développement.
A l’inverse, d’autres pays dans le monde ont sensiblement évolués. Ce constat est saisissant quand on se compare aux mutations opérées par les puissances publiques de pays développé comme l’Allemagne, l’Angleterre, le Canada, ou encore la Suède.
Durant ce temps là, le corps institutionnel algérien reste figé dans une doctrine rentière qui bloque le pays. La rente aurait pu être une chance pour construire notre développement et assurer comme l’a fait la Norvège l’avenir des générations futures, lorsque la manne pétrolière se sera tarie. Contrairement aux norvégiens la rente est aujourd’hui le cœur des problèmes algériens, on n’ose pas toucher autres rentes qu’elle induit : Celles des importateurs, celles du pouvoir, celles du savoir, celles du contrôle des entreprises, celles du logement ou de l’emploi…
Pourtant nous avons d’énormes atouts pour assurer non seulement notre avenir mais aussi celui des générations à venir. Nous sommes dans cette situation du fait de l’apathie de la puissance publique qui n’a pas sue anticiper les mutations qu’engendreraient l’essor des huiles de schiste qui pourtant ne datent pas d’hier. Pire encore, le président et son gouvernement n’ont toujours pas réagies un an après l’effondrement des cours du baril.
Nous sommes clairement menacées d’un déclin qui risquerait de devenir fatal pour notre pays. Nous rentrons dans une spirale négative qui a commencée par la baisse sensible de nos réserves de change. En un an nos avoirs en devises ont baissées de 45 milliards de dollars stabilisent a 159,92 milliards $ à la fin mars 2015, selon la Banque centrale. En parelle, le déficit budgétaire de l’Algérie du pays se creuse sensiblement, selon la note de la BA. En effet, nous sommes passée de 5,4 milliards de $ au premier trimestre 2014 à 6 milliards de $ à la même période de cette année, soit une hausse de 10 % en un an. En un an le Fonds de régulation des recettes (FRR), a baissé de 15 milliards de $ pour combler le déficit budgétaire de l’État.
La vulnérabilité de notre économie s’est accentuée fortement depuis
2014. Ce constat pose la question de la soutenabilité des finances publiques et de la viabilité du financement de l’économie à long terme faute de diversification économique. Le plus inquiétant à court terme dans cette situation n’est pas forcement la fragilisation de la situation budgétaire du pays mais plutôt le manque d’alternative au pétrole à court et moyen terme pour satisfaire à nos besoins primaires. La faiblesse de l’outil de production, la faiblesse de notre industrialisation, le faible niveau de productivité, la sous-utilisation des capacités de production ainsi que le démantèlement progressif de notre agriculture nous a rendu plus que dépendant vis à vis de l’extérieur.
Nous sommes clairement dans une zone dangereuse et sans réformes structurelles, le pays va dans le mur. Les reformes de notre pays sont donc urgentes parce que nous sommes face à des défis cruciaux : diversification économique, déséquilibres des finances publiques, déséquilibre financier de notre système de retraite, augmentation de la démographie, sécurisation alimentaire, pauvreté, financement du notre système de protection sociale, manque de compétitivité, faiblisse du capital humain, fuite des cerveaux, manque d’intégration au commerce internationale, modernisation de l’économie, si on veut la croissance et de ; notre système institutionnel, quasiment à bout de souffle.
La présidence et les différents chefs de gouvernements ont clairement échoué à trouver la bonne formule pour construire une économie viable. Ils doivent comprendre qu’ils n’ont plus le choix et que l’avenir de tout un peuple se joue aujourd’hui ; les effets d’annonces ne doivent plus être à l’ordre du jour, ou à défaut c’est toute l’Algérie qui finira un jour par payer le prix.
L’Algérie n’a pas d’autres choix que celui de se lancer dans une stratégie de diversification économique qui la conduira à terme à exporter. Pour cela, il est nécessaire d’oublier les recettes du passé souvent keynésiennes qui ne réussissent même plus dans des pays développés mieux armés qu’elle. Le monde qui change à une vitesse extraordinaire ne va pas attendre l’Algérie et plus particulièrement ceux qui la gouverne.
Il est donc nécessaire d’intégrer une stratégie de diversification et de développement économique qui consisterait à:
Sécuriser les revenus et les besoins énergétiques nécessaires à la mise en place d’une économie de transition en prolongeant la durée de vie des ressources en hydrocarbures grâce à la réduction de 1/3 des besoins domestiques et leur remplacement par les énergies vertes financées par des partenariats publics privés à l’horizon 2020,
Stopper les déficits publics en réduisant les dépenses de fonctionnement, le train de vie de l’état et les investissements dans le plan quinquennal en cours (sauf ceux finançables par des partenariats publics privés),
Passer d’une politique de subvention des prix généralisés à une politique ciblée à destination des plus modestes dès 2016,
Améliorer l’attractivité du pays en identifiant nos atouts et nos faiblesses et mettre en œuvre les actions pour y remédier,
Allouer progressivement d’ici 2020 au moins 10% du PIB au développement qualitatif de la recherche et de l’enseignement durant au moins 10 ans pour rattraper le retard (ex.: Etats-Unis ou Corée du sud aux alentours de 10% du PIB),
Doubler le tissu des PMI/PME à l’horizon 2020 grâce à l’amélioration de leurs environnements (financement, procédures administratives, acquisition de savoir faire, accès aux marchés publics, etc.…),
Transfert des activités non stratégiques et non rentables de l’état vers le privé Algérien ou permettre un rachat partiel par des entreprises étrangères (ex.: Chine),
Utiliser un tiers des réserves de change pour moitié dans l’acquisition d’entreprises développant les technologies de demain ou permettant le transfert de technologie nécessaire à la diversification de l’économie (ex. : Chine) et utiliser l’autre tiers dans le cadre de secteur sur pouvant garantir une rente pour l’avenir (ex. : Qatar),
Orienter l’évolution économique à court terme autour de secteurs prioritaires qui permettront la mise en place d’une économie de transition axée sur les besoins domestiques et la baisse de la dépendance vis-à-vis des pays étrangers par :
La limitation des effets des importations par le développement des secteurs comme la pharmacie générique, l’industrie légère, l’agriculture, l’agroalimentaire, le tourisme local, NTIC et le recyclage;
La limitation de l’informel et l’augmentation de la fiscalité de l’état par le développement du secteur de la distribution et les marchés de gros,
La mise en place d’un secteur financier et logistique accompagnant le développement
Mettre en œuvre une politique étrangère en faveur du commerce extérieur Algérien (hors hydrocarbures) afin d’offrir des débouchés aux productions nationales futures en favorisant la croissance et l’emploi en Algérie,
Mettre en œuvre les fondements d’une économie exportatrice au travers d’un plan d’action sectoriel permettant d’avoir une offre commerciale couples pays-secteurs la mieux adaptée à la demande mondiale dans les secteurs suivants:
Développement de secteurs traditionnels comme la pharmacie, l’agriculture, l’agroalimentaire l’industrie légère à destination de l’EU et l’Afrique subsaharienne
Développement des secteurs de services, du transport et de la logistique essentiellement pour les pays développés ou les nouveaux pays industrialisés,
Développement des secteurs d’avenir comme les nanotechnologies, les imprimantes 3d, énergies vertes et NITC.
En complément, nous devrions accompagner le développement du capital humain et l’ériger comme priorité national, de même pour la reforme de l’état, du cadre législative et des IDE.
En fin, il est temps d’offrir un projet de société aux algériens et de donner la possibilité aux générations poste 62 de construire sa destinée.
Permettez-moi de profiter de l’occasion pour vous souhaiter une bonne fête de l’aïd à tous.
Benadda Yassine
Expert en Finance et en Business international