Des panneaux livrés aux quatre vents lorsqu’ils ne sont pas griffonnés de tags, des meetings annulés par les candidats faute de public et de la musique aux lieu et place d’orateurs à la radio.
Une semaine après le lancement de la campagne électorale, force est de constater que les partis politiques peinent à mobiliser les électeurs. Tout se passe comme si les Algériens ne se soucient guère de ce rendez-vous que le pouvoir s’évertue, pourtant, à assimiler au jour de l’Indépendance ou au déclenchement de la révolution.
À l’indifférence qui s’affiche ostensiblement dans la rue s’ajoute la raillerie à l’égard des candidats. Même les partis politiques qu’on affublait jadis du vocable de “poids lourds” ont eu à vérifier, à leurs dépens, leurs degrés de popularité auprès de l’Algérie “d’en bas”, pour reprendre une expression consacrée. Le FLN qui renonce à un meeting à Relizane, Djaballah à Laghouat et le FFS qui constate à Tizi Ouzou le fossé qui s’est creusé entre la population et la chose politique. Gavés de promesses sans lendemain, paupérisés, traumatisés par des années de violences, les Algériens assistent depuis quelques mois, impuissants, à une dégradation drastique de leur pouvoir d’achat. À cela s’ajoute le sentiment d’abandon qu’ont eu à éprouver certaines populations lors de la dernière vague de froid polaire qui a sévi dans nombre de wilayas du pays. “La chose politique n’a jamais rien ramené de concret. Et la désaffection de la population ne date pas d’aujourd’hui. Si l’on ajoute la flambée des prix, comment voulez-vous que les gens participent aux élections dans ces conditions ?” Observe Rachid Grim. “On voit d’un côté un peuple qui se paupérise de plus en plus et une caste dirigeante de plus en plus riche”, relève-t-il encore. Quelle recette alors pour mobiliser les électeurs d’autant que la participation constitue le principal enjeu du scrutin ? Du degré de participation dépend, en définitive, la crédibilité des réformes. Les autorités en tous cas ne dissimulent pas leur crainte. Aveu du ministre de l’Intérieur et des collectivités locales, Daho Ould Kablia : “La vraie menace, c’est l’abstention”. Il admet, du bout des lèvres, l’impuissance des autorités : “On ne peut pas obliger les gens à aller voter. Le gouvernement a fourni toutes les garanties pour la transparence des élections législatives, allant jusqu’à prévoir pour la première fois des sanctions sévères contre les agents qui enfreindraient les règles”. Selon lui, “le tribalisme et les conflits au sein des formations politiques autour des listes de candidatures pourraient constituer deux obstacles démobilisateurs le jour du scrutin”. Mais il y a sans doute un facteur dont les autorités refusent d’en assumer la responsabilité : la diabolisation et le discrédit de la chose politique. Depuis de nombreuses années, les autorités, appuyées par les médias publics, ceux-là mêmes qui tentent aujourd’hui de convaincre les électeurs, se sont évertués à ne tolérer que les voix qui s’expriment dans le moule du pouvoir. Toutes les forces qui tentent de s’organiser en dehors de ce qui est toléré sont systématiquement pourchassées et réprimées. Frappée d’ostracisme, vilipendée, l’opposition est réduite au silence. La corruption, le travestissement de la réalité, le recyclage sans cesse du personnel dirigeant, la compromission, l’échec de la démocratisation après le soulèvement d’octobre 1988 ont fini au fil des ans par lasser une population toujours en quête d’une véritable alternative crédible. Et Il serait illusoire de prétendre aujourd’hui mobiliser la population. Et c’est là où se trouve sans doute le grand chantier qui attend le pays et en particulier les partis politiques. “Il y a une grave crise de confiance. Et c’est la chose la plus difficile à retrouver une fois qu’on l’a perdue”, analyse Rachid Grim.
K K