Le monde change. L’homme s’adapte. Et les valeurs disparaissent. Dans une cacophonie et un désordre des plus extrêmes, la Spirale propose un théâtre qui ne répond nullement aux questions, mais qui suscite les interrogations et les questionnements. Une pièce qui tient en haleine et qui incite à la réflexion et à l’interrogation. Un beau moment de théâtre !
On dit souvent que le genre théâtral le plus approprié en Algérie est celui de l’absurde. On dit également que le théâtre de l’absurde est le plus riche par rapport aux questionnements qu’il suscite et la multiplicité de ses interprétations. La Spirale appartient à ce genre de théâtre, duquel on ne sort pas indemne.
Beaucoup d’interrogations, aucune certitude et une belle leçon de théâtre et de morale. Le Théâtre régional de Tizi Ouzou a présenté, le week-end dernier à la salle El Mouggar, sa dernière production intitulé la Spirale, mise en scène par Aïssa Djekati, d’après le texte de Lahcène Miliani. La Spirale, c’est l’histoire d’un chef de la police à la recherche de sa mère. Il arrive chez une famille et dévoile sa vérité : il serait le fils abandonné de la maîtresse des lieux, or celle-ci a déjà un fils. Troublé, désarmé et déstabilisé, le chef de la police ne sait plus où donner de la tête et « à quel saint se vouer ». Appartenant au genre de l’absurde, la Spirale, c’est donc l’histoire d’une famille déjantée qui reçoit la visite du chef de la police.
Troublante la folie dans laquelle semble baigner la famille, le chef de la police, qui vient soi-disant faire une enquête pour élucider un crime, se trouve plonger dans la même folie que le reste de la famille. Cette dernière composée du fils (le chef de famille), de son épouse et de sa mère qui tiennent des propos qu’ils renient la minute d’après. Chacun invente ses propres valeurs ; chacun construit et détruit ce qu’il a avancé ; chacun invente sa propre vérité. Ce processus de construction et de déconstruction est en fait la conséquence de la perte de valeurs et de la justice. Le monde en devient assombri, obscurci et la raison cède sa place à la folie.

Les personnages créent leur propre réalité pour ne pas sombrer et se retrouver dans la boue. Cette boue qui voile la vérité et met l’individu en danger, car une fois le visage embourbé, les humains se ressemblent tous. Les comédiens, de leur côté, ont habité leurs personnages et leur jeu a été bien mené, surtout lorsqu’on sait que c’est la première représentation publique.
De plus, le comédien Mohamed Hadj Messaoud, qui entrecoupait les scènes par ses prestations de mime, a été d’une rare maîtrise. Par ailleurs, le rythme de la pièce tient le spectateur en haleine. Il ne faut rater aucune scène, aucun mot, parce que sion, on perd le fil de la pièce. L’ennui ne traverse à aucun moment le spectateur qui assiste avec curiosité à la manière avec laquelle s’embourbent et s’en sortent les protagonistes.
Notons également que le titre la Spirale est très représentatif du propos de la pièce et du monde dans lequel nous vivons. Dépourvu de valeurs avec un champ de perspectives très limité, le monde est une jungle où sévit le plus fort qui a pour outils le mensonge, l’hypocrisie et la mystification.