Betrouni : «Saïfi, l’homme de la dernière minute»
Celui qui ne connaît pas l’homme des dernières minutes du football national ne connaît rien au football. Il était l’homme décisif de l’EN en 1975 contre la France et le MCA en 1976 contre Hafia Conakry. Dimanche dernier, nous avons rencontré le petit lutin mouloudéen, lors d’une cérémonie à l’hôtel Azur-Plage à Zéralda.
Nous avons pris de son temps pour nous parler du match du 14novembre au Caire contre l’Egypte. Nous sommes revenus avec lui sur les années 1970 avec les confrontations Algéro-Egyptiennes. Il nous a raconté les moments difficiles vécus en Egypte et, surtout, au Cairo-Stadium.
A12 jours du match historique face à l’Egypte, tout le peuple algérien attend une qualification. Comment voyez-vous ce match ?
C’est un match très difficile. C’est pratiquement comme une finale de coupe d’Afrique. Notre seul avantage, c’est qu’on part au Caire avec trois points et deux buts d’avance. Je sais que notre missionne sera pas facile, mais elle n’est pas impossible.
En tant qu’ancien joueur, comment un joueur doit-t-il se préparer pour ce genre de rencontre ?
La composante de notre EN est constituée par des joueurs professionnels qui ont de l’expérience pour ce genre de rencontre. Il ne faut pas oublier que pratiquement tous les joueurs évoluent dans les plus grands clubs européens. Donc, de ce côté, je sais qu’ils seront prêts pour ce match.
Ce genre de rencontre effraye certains joueurs faibles de caractère… Celui qui a peur, il vaut mieux qu’il reste chez lui. Mais dans cette équipe, j’ai constaté une chose, les joueurs sont des guerriers, ils veulent aller au Mondial. Personnellement, je sais qu’on va se qualifier, mais difficilement.
Est-ce le cœur qui parle ?
Non, je suis réaliste. Je vais vous expliquer quels sont les facteurs qui montrent qu’on va se qualifier. Allez-y… On est leader avec trois points d’avance sur les Egyptiens. On a un avantage de deux buts. On est la meilleure attaque, la meilleure défense. Individuellement, on est meilleurs que les Pharaons. Donc, je ne vois pas comment les gars de Shehata pourront nous marquer trois buts.
Les Pharaons sont forts dans la guerre psychologique.
C’est d’ailleurs ce qui fait la différence dans nos confrontations… Aune certaine époque, ce genre de moyen était efficace, mais de nos jours, les choses ont complètement changé. Notre équipe va jouer sur un grand terrain. Comme je vous l’ai déjà dit, on a des joueurs professionnels qui sont habitués à la pression. Personnellement, je ne crains pas ce volet.
Même les 100 000 supporters qui seront au Cairo-Stadium ?
Dans le football moderne, ça se joue sur le terrain, pas dans les gradins. Ce ne sont pas les supporters qui vont marquer. Ça va se passer sur le rectangle vert. Je vais vous citer des exemples, les Egyptiens en 1976, 1984 et1989 nous ont battus par un but à zéro. Donc, je ne pense pas qu’ils vont nous donner une raclée, sur tout dans un match qui est décisif.
Mais en 2001, nous avons perdu 5-2 ?
– Je pense que ce match est différent par rapport à ceux que je viens de citer. Je crois que notre EN, à l’époque, avait beaucoup de problèmes avant ce match. C’était prévisible qu’on perde au Caire. Pour moi, ce match n’est pas une référence.
Avez-vous joué contre les Egyptiens ?
Oui, c’était en 1975 au stade du5-Juillet pour le compte des Jeux méditerranéens, on a gagné ce match par un but à zéro. On aurait pu gagner avec un score lourd, mais, on n’a pas été efficaces devant leurs buts. L’actuel entraîneur des Pharaons, Hassan Shehata, a joué ce match.
Mais le seul match que vous avez joué en Egypte, c’était avec le MCA contre le Ahly du Caire, pour le compte de la Coupe d’Afrique des clubs champions…
C’est l’un des plus beaux matches que j’ai joués avec le Mouloudia.
Les Egyptiens avec le meilleur club du continent africain avaient de grands joueurs comme Mahmoud El Khatib et d’autres. Quand ils sont venus jouer au 5-Juillet, pour eux c’était juste une formalité. Mais à la fin, on a gagné par trois buts à zéro. C’est vrai qu’avant le début du match, on avait le trac, mais quand nous avons pénétré sur le terrain, cette peur avait complètement disparu. On a pu, par la suite, leur marquer trois buts.
Et au match retour au Cairo Stadium ?
Je n’oublierai jamais ce qu’on a vécu pendant notre séjour au Caire. Ils ont utilisé tous les moyens extra-sportifs pour nous déstabiliser, mais sur le terrain, on a su comment faire pour absorber la pression du public.
Pouvez-vous nous raconter le calvaire que vous avez vécu avant la rencontre ?
Il n’y a pas une grande différence entre ce qui s’est passé pour les joueurs qui ont joué les matches de1984 et 1989. C’étaient les mêmes moyens qu’ont utilisés les Egyptiens, mais on n’a jamais bronché. On savait qu’on avait une grande équipe qui pouvait même les battre sur leur terrain.
Ils nous ont marqué à 10 minutes de la fin du match. On a appris que vous avez bouché vos oreilles avec du coton ?
Tout à fait, c’est ce qu’on a fait car quand vous entendez 100 000supporters crier, ça fait vraiment peur, mais je ne vous cache pas que cette pression, on l’a connue lors denos précédents matches au Nigeria et au Cameroun.
Revenons au match du 14novembre, en tant qu’ancien joueur, tout le monde se pose la même question : allons-nous défendre ou attaquer en Egypte ?
– Ce serait une grave erreur de subir le match. Il faut qu’on joue notre football. Si on veut faire douter les Egyptiens, il faudrait attaquer dès le début du match et rester vigilant derrière. Si on arrive à les gêner derrière pendant les 30 premières minutes, là, ils douteront, ils nous laisseront même des espaces pour créer le danger devant leurs buts.
Mais il faudra être aussi efficace…
Absolument, si une occasion se présente, il ne faut pas la rater. Je sais que si on marque un but, les Egyptiens vont accepter leur sort. Jesais aussi qu’on a les joueurs qu’ilfaut pour faire la différence à tout moment.
Les points forts de notre équi-pe nationale, ce sont les ballesarrêtées. Pensez-vous que çaserait la clef du match pour nous ?
– J’ai regardé tous les matches de l’EN, j’ai constaté que nos forces sont les balles arrêtées et les contres.Donc, il faut utiliser ses forces lors du match du 14 novembre. Un match de football se joue sur un petit détail, il ne faut surtout pas rater beaucoup d’occasions, car par la suite, il faut s’attendre à encaisser.
– Avant ce match face à l’Egypte, beaucoup de joueurs, comme Bougherra, Meghni et Ziani, ontcontracté des blessures. S’ils ne seront pas
présents, ça va handicaper l’équipe…
Non, je ne pense pas qu’ils vontrater ce match. Ils seront tous présents. Je sais que tout le monde veut jouer ce match, même étant blessé. Personnellement, j’ai joué des matches blessé et j’ai réalisé de grands matches.
Durant votre carrière, on vous a surnommé l’homme des dernières minutes. D’après vous, quel est le joueur de l’équipe actuelle qui peut faire comme vous ?
Sans hésiter, je peux vous dire que celui qui peut être l’homme des dernières minutes ne peut être qu’un Mouloudéen, c’est-à-dire, Rafik Saïfi. Ce joueur peut faire la différence à tout moment. Si j’étais à laplace de Saâdane, je le laisserais pour la deuxième période. Quand on parle avec Betrouni, on doit évoquer son club de toujours, le MCA, et tout ce qui se passe dans ce club…
Si vous me parlez du côté technique, je dirais qu’il y a de bonsj eunes qui sont l’avenir du club, mais ce qui se passe dans le club, c’est vraiment honteux pour un club qui a donné beaucoup au football national. Comme dit l’adage : il faut rendre à César, ce qui a appartient à César. Donc, il faut laisser la place aux hommes qu’il faut. Avant de conclure, on vous demande un pronostic pour le match du 14 novembre… On va perdre 2-1 et on ira en Afrique du Sud .
Entretien réalisé par M. Zerrouki