Il faut dire que tous épiaient une éventuelle rencontre entre Bouteflika et Cazeneuve, surtout après l’épisode du fameux tweet de Manuel Valls qui avait fait désordre et laissé des stigmates. Et finalement, Cazeneuve ne verra pas Bouteflika.
On est loin de l’enthousiasme qui accompagnait souvent les visites de hauts responsables français en Algérie. Jeudi, lors de la conférence conjointe qu’ils ont animée au Palais du gouvernement, peu après la signature d’une dizaine d’accords, Abdelmalek Sellal et Bernard Cazeneuve donnaient l’impression de satisfaire à un engagement calendaire où il était beaucoup plus question de l’évaluation de l’état de la coopération et des relations bilatérales depuis, notamment, la visite de François Hollande en Algérie en 2012, considérée presque comme un “tournant” dans les relations souvent mouvementées, passionnantes et passionnées entre Alger et Paris. Est-ce, peut-être, l’incertitude qui entoure l’avenir des deux Premiers ministres, après les prochaines échéances électorales dans les deux pays, prévues dans quelques semaines, qui aurait déteint sur la visite ? Du reste, malgré l’insistance sur “le bilan d’une période exceptionnelle”, “la reconstruction d’une relation franche et durable”, “la confiance qu’il y a entre les deux pays”, pour reprendre les mots de Cazeneuve, ou encore “les relations ont connu un nouveau départ fort” et “tous les contentieux ont presque tous été levés”, selon Sellal, les deux Premiers ministres n’ont pas manqué de lancer quelques messages politiques. À commencer par Abdelmalek Sellal qui, sans y avoir été invité, a saisi l’opportunité d’une question sur la réduction des importations pour parler du… président Bouteflika. Il faut dire que tous épiait une éventuelle rencontre entre Bouteflika et Cazeneuve, surtout après l’épisode du fameux tweet de Manuel Valls qui avait fait désordre et laissé des stigmates. Et finalement, Cazeneuve ne verra pas Bouteflika. Et à Sellal de faire du “deux en un” : suggérer que le Président se porte bien ainsi que le pays, comme pour répondre aux rapports des ONG et autres spéculations médiatiques. “On importe selon nos capacités pour nous prémunir quelle que soit l’évolution du baril du pétrole (…) Ceci nous a permis de préserver la stabilité du pays. Vous vous rappelez, plusieurs think-tank ont encore récemment prédit que l’Algérie allait, dans trois mois, six mois, exploser. Le ciel est bleu, pas de nuages. Nous avançons correctement, nous n’avons pas beaucoup vu — sans démagogie aucune, et je n’ai aucune prétention d’être démagogique —, nous n’avons pas de grosses difficultés au niveau de la société algérienne ; nous n’avons pas connu de grandes manifestations, de grands conflits depuis quelques années. Nous réussissons à stabiliser le pays alors que nous avons plusieurs frontières au rouge”, a-t-il dit.
“Il faut qu’on nous comprenne : c’est un pays qui avance, qui s’est beaucoup rapproché de la France, de son gouvernement, de son peuple ; nous n’avons plus de complexe. Nous sommes décomplexés, nous continuerons à avancer sur cette voie.” Et d’ajouter : “Sachez, une bonne fois pour toutes, que c’est un pays qui est dirigé : il y a quelqu’un à la barre qui s’appelle le président Abdelaziz Bouteflika. Je ne fais rien sans lui demander, je ne décide pas sans lui demander. Tout le monde le comprend, c’est un pays qui a ses institutions. Nous avons un Parlement qui fonctionne, et le 4 mai prochain, il y aura des élections pour son renouvellement. Nous avons l’institution militaire qui est debout, qui garantit la sécurité du pays et qui combattra le terrorisme jusqu’à l’éradication définitive. Pas de discussions là-dessus. Je ne comprends pas pourquoi on nous prédit des jours sombres alors que nous avons la capacité de nous en sortir. Nous devons et nous allons nous en sortir dans l’intérêt, bien entendu, de toute la région. C’est là notre objectif.”
“Il y a quelqu’un à la barre qui s’appelle Abdelaziz Bouteflika”
À une question sur l’élection présidentielle française, Sellal, comme pour lever toute équivoque sur les penchants des dirigeants algériens auquels on a souvent attribué quelque tropisme entre la gauche et la droite, a indiqué que “l’Algérie ne s’immisce pas dans les affaires des autres”. “On a toujours travaillé avec celui que le peuple français désigne. Si le peuple désigne X, on ouvre les bras à X, l’essentiel c’est d’améliorer la situation des deux pays. On souhaite celui qui a un cœur plus proche de nous. Celui qui viendra est le bienvenu.” Il reste, cependant, optimiste quant à l’avenir des relations. “Je confirme, devant mon collègue, que pour l’avenir, il y a des perspectives. Le complexe d’infériorité qui influençait négativement les relations, on en a fini.” Pour sa part, Bernard Cazeneuve voulait suggérer que l’avenir des relations n’est pas tributaire de l’issue du scrutin. “Je dis aux Algériens, au nom du peuple français, quels que soient les résultats des échéances électorales à venir, compte tenu de la force de ce que nous avons engagé ensemble au cours des cinq dernière années, cette coopération, bien entendu, se poursuivra dans tous les domaines dans lesquels nous avons décidé d’agir ensemble, pour que sur les questions de la paix, le développement économique, les échanges intellectuels, universitaires, culturels, humains, nous puissions porter plus loin l’ambition qui nous est commune.” Un bémol, cependant : Alger est appelée à “améliorer son climat des affaires” si elle souhaite un engagement plus important des investisseurs français, comme le souhaitait Sellal qui s’inquiétait quelques instants plutôt de la tendance baissière des investisseurs français ces dernières années. “La stratégie de l’Algérie de limiter ses importations est une préoccupation normale de la part d’un pays qui se trouve dans une situation financière difficile. Mais en contrepartie, les opérateurs économiques doivent disposer des éléments de prévisibilité et de transparence par rapport aux règles qui sont susceptibles d’être définies souverainement par le côté algérien dans le respect de l’Accord d’association avec l’UE.”