Bensaoula et Guemri parlent du 5 à 1 de Casa

Bensaoula et Guemri parlent du 5 à 1 de Casa

BENSAOULA : «Ce jour-là, une grande équipe est née» > GUEMRI : «Même le public marocain, on lui a fait changer d’avis»

Tous les footballeurs vous le diront, il faut toujours choisir les grands moments pour s’illustrer. Tedj Bensaoula et Redouane Guemri sont restés éternellement célèbres en Algérie depuis le fameux succès de décembre 1979 de l’EN sur le Maroc à Casablanca. Un succès d’autant plus probant qu’à l’époque, un climat conflictuel régnait entre les deux pays maghrébins. Auteur d’un triplé, Tedj Bensaoula, qui était à l’aube d’une carrière internationale qui sera très riche, a été la surprise de Mahieddine Khalef.

Certains diront même que Bensaoula a été aligné dans le onze rentrant à la toute dernière minute. En tous les cas, Khalef avait eu le nez creux, car Bensaoula a désarçonné le Maroc par ses dribbles et ses buts. Le commentateur de la TV marocaine, ébahi par le talent de l’enfant de Hammam Bouhadjar, ne cessait de répéter : «D’où nous a-t-on ramené ce diable de Bensaoula ?» Mais l’Algérie ce jour-là s’était présentée sur le terrain du stade d’honneur avec des jeunes pétris de talent, à l’image de Belloumi et Assad, sans oublier le charismatique meneur des troupes, Ali Fergani, lesquels infligèrent avec l’art et la manière une lourde défaite au Maroc.

Depuis, malgré qu’ils soient en retraite, les joueurs, qui ont participé à ce fameux match, sont restés dans la postérité. Les coéquipiers de Mehdi Lacen doivent savoir que pour les Algériens, une victoire sur le Maroc a eu toujours une saveur particulière, à eux de faire comme leurs illustres aînés de 1979, nous nous contenterons d’une petite victoire dimanche prochain, car elle y va de notre survie pour la qualification à la CAN 2012.

BENSAOULA : «Ce jour-là, une grande équipe est née»

Joint par téléphone alors qu’il se trouvait à l’étranger, l’ancien international, qui n’est pas du genre à revivre son passé, toutefois devant notre insistance, il a bien voulu revenir sur ce fameux match de 1979, quand il avait inscrit un mémorable triplé aux Marocains.

– Quand on évoque le match Algérie-Maroc inéluctablement, on se remémore votre formidable hat-trick de décembre 1979…

– Ce match est l’un de mes meilleurs souvenirs, dans la mesure où j’ai inscrit trois buts dans un match, qui de surcroît, s’est déroulé à l’extérieur et surtout qu’à l’époque, les relations entre les deux pays étaient très tendues.

Ce beau succès nous a permis d’assoir notre suprématie sur le Maghreb. Cela dit, il faut tirer chapeau à nos frères marocains pour l’accueil chaleureux qu’ils nous ont réservé, d’ailleurs, je l’ai toujours dit, que ce soit le public tunisien ou marocain, ils sont très sportifs

– Donc, il n’y a pas eu d’hostilité envers la sélection algérienne ?

– Non au contraire, à la fin du match, on a été longuement applaudis par les supporters marocains. Une chose qui m’a agréablement surpris sur le chemin du retour à l’hôtel Mercure de Mohammedia, pendant tout le trajet sur les bords de la route, des Marocains nous saluaient et nous félicitaient même pour notre victoire, c’était vraiment hallucinant eu égard aux relations qui existaient à l’époque entre les deux pays.

– Après ce retentissant succès, cette équipe est devenue la fierté de tous les Algériens…

– Ce résultat n’est pas venu par hasard, cette équipe était bien préparée après avoir participé aux Jeux universitaires de Mexico et les Jeux méditerranéens de Split et une multitude de stages à l’étranger, notamment, en Roumanie.

C’est une équipe qui a été bien formée, il y a eu une osmose entre les joueurs et les entraîneurs aussi. Donc, si elle a atteint ce niveau-là, ce n’est pas par miracle ou magie, elle a été tout simplement bien préparée.

– Quand on gagne avec un score aussi lourd un tel match, à quoi on pense après ?

– Si je parle de moi, évidemment j’étais au septième ciel, marquer un hat-trick et délivrer une passe décisive sur le cinquième but marqué par Salah Assad.

Mais pour bien vous répondre, à la fin du match, on avait tous le sentiment qu’une grande équipe nationale venait de naître et on ne s’est pas trompé, l’avenir nous l’a prouvé. Il y avait une fierté légitime et, sincèrement comme je l’ai dit, on voyait l’avenir en rose.

Sur le terrain, y avait-il une animosité entre joueurs ou carrément de la provocation de la part des Marocains pour vous énerver ?

– Je peux témoigner de la loyauté et la parfaite correction des joueurs marocains. Seulement, ils ont joué avec une grande détermination, malgré que nous menions au score, ils n’ont jamais abdiqué. D’ailleurs, en 2004 lors de la CAN de Tunis, vous avez vu comment les Marocains sont revenus dans le match, cela nous donne un avis sur l’état d’esprit de cette équipe, qui ne lâche rien jusqu’à la dernière minute.

C’est un bon conseil que nous donnons d’ailleurs à nos joueurs et l’actuel staff technique, il faut jouer jusqu’à la dernière minute, ne jamais baisser les bras.

Quant aux provocations, franchement, je n’en ai pas vus lors de nos matches avec eux, si un joueur usait d’antijeu ou invectivait son adversaire, il est de mon devoir de le signaler, c’est un bon point et pour les Marocains et pour nous qui prônons le fair-play.

– L’Algérie est un récent Mondialiste contrairement au Maroc qui essaie de renouer avec son passé glorieux, cela n’est-il pas un avantage pour notre sélection ?

– Pas du tout, car il suffit de jeter un œil sur l’effectif du Maroc pour se rendre compte qu’il ne renferme que des joueurs affirmés, voire chevronnés, avec comme entraîneur Eric Gerets qui n’est plus à présenter.

Pour revenir à 1979, cette déroute a été un déclic pour les Lions de l’Atlas, puisqu’après ce match, on a changé tout l’effectif et permis à des talents, tels que Bouderbala, Zaki ou d’autres éléments talentueux, de rejoindre les rangs de la sélection.

– De l’équipe qu’on affrontera le 27 mars, on craint surtout que le talent d’un certain Merouane Chamakh fasse basculer le résultat en faveur de sa sélection…

– A mon avis, ce serait une grave erreur que de focaliser notre attention sur un seul joueur, le football est un jeu collectif, ce sont les trois compartiments qu’il faudra surveiller de près, car le danger pourrait venir de toute part.

L’opinion sportive au Maroc n’a pas compris pourquoi Eric Gerets n’a pas retenu pour ce match Hamdaoui de l’Ajax Amsterdam ?

– Peut-être que cet élément ne répond pas aux options de Gerets, qui a certainement ses propres raisons, mais ne veut pas les révéler. Moi je sais que cet entraîneur ne fait pas n’importe quoi, il le maîtrise sur le bout des ongles. Donc, ce n’est pas à nous de lui dire ce qu’il doit faire.

– Et notre EN pour gagner ce match, que doit-elle faire ?

– D’abord, nos joueurs doivent rentrer sur le terrain avec un esprit de conquérant et tout faire pour accomplir un match sérieux. Néanmoins, comme dans ce genre de match, tout se joue sur un détail, la moindre occasion qui s’offrira à nous, il faut la transformer en but.

– Tedj, avez-vous une anecdote à nous raconter sur le match de décembre 1979 ?

– C’était avant le coup d’envoi du match, en constatant que tous les photographes s’étaient installés derrière nos buts, j’ai fait la remarque à une photographe européenne : mets-toi derrière les buts marocains, tu ne vas pas le regretter. Un conseil qu’elle a pris en considération, certainement avec les buts qui pleuvaient dans les filets marocains, elle ne l’a pas regretté (rires !)

GUEMRI : «Même le public marocain, on lui a fait changer d’avis»

L’attaquant vedette de l’ASMO dans les années 1980 a été l’un des buteurs de ce fameux match de 1979, un exploit que le sympathique Redouane relate aujourd’hui avec la même émotion.

– Le 9 décembre 1979 est une date que vous n’oublierez jamais ?

– Comment oublier un souvenir aussi merveilleux que cette retentissante victoire au stade d’honneur de Casablanca sur le Maroc. Cette victoire a d’autant une saveur particulière, car les relations à l’époque entre les deux pays étaient conflictuelles.

Les Marocains n’avaient pas admis la décision d’expulser ses concitoyens de l’Algérie, d’ailleurs à notre entrée sur le terrain, avant le coup d’envoi du match, on a été hués du public et comme le stade ce jour-là était archicomble, c’était vraiment impressionnant, il fallait garder ses nerfs pour rester insensibles à toutes ses provocations, même après avoir marqué deux buts, le public continuait à soutenir son équipe et proférer des insultes envers les Algériens.

– Cela s’est-il passé tout au long du match ?

– Non heureusement, lorsqu’on a inscrit le troisième but, subitement tout le stade s’est mis à nous applaudir.

Franchement, on ne s’attendait à un tel changement de réaction de la part d’un public, pourtant acquis à 100% à son équipe nationale. Même à notre retour à l’hôtel, nous fumes applaudis partout à la sortie du stade, sur la route et même à notre arrivée à Mohammedia, ce sont des souvenirs qui resteront à jamais gravés dans notre mémoire.

– Votre somptueux but aussi…

– Avant d’inscrire ce but (le quatrième), j’ai fait un sprint de 40 mètres à l’entrée de la surface, je frappe fort dans la lucarne. J’espère que nos attaquants feront pareil, sinon mieux dimanche prochain à Annaba.

– Quelle recette leur donnez-vous ?

– Dans ce genre de match, il faut jouer avec hargne, mais surtout entrer sur le terrain avec l’idée de se faire plaisir. Certes, avec un point au capital, l’EN est dos au mur avant ce derby du Maghreb. Cependant, il faut rester calme, d’ailleurs le discours du coach avant le match sera déterminant, il faut qu’Abdelhak Benchikha trouve les mots nécessaires pour galvaniser ses troupes, a qui nous faisons entièrement confiance pour nous offrir le 27 mars une victoire qui est devenue par la force des choses impérative.