Le Pape a commencé, vendredi en Jordanie, son pèlerinage en Terre sainte. Il a redit son «profond respect pour la communauté musulmane».
L’antichoc des civilisations. De sa petite voix, vendredi en Jordanie, Benoît XVI a voulu combattre l’idée de la fatalité du conflit entre le monde musulman et l’Occident. Trois ans après la crise de Ratisbonne où une phrase de son discours sur la «violence» de l’islam avait mis le feu aux poudres, le Pape est allé droit au but : «Ma visite en Jordanie me donne l’heureuse occasion de dire mon profond respect pour la communauté musulmane.»
Et de féliciter publiquement ce pays pour son «rôle déterminant» dans «la promotion d’une meilleure compréhension des vertus proclamées par l’islam». Le Pape a précisé : «Nous pouvons dire que ces précieuses initiatives ont obtenu de bons résultats en favorisant la promotion d’une alliance des civilisations entre l’Occident et le monde musulman mettant en échec les prédications de ceux qui considèrent inévitables la violence et les conflits.»
Une simplicité désarmante
Alliance et non pas choc. Le ton de son douzième voyage hors d’Italie semble donné. Samedi matin, le Pape doit quitter la capitale, Amman, pour se rendre à une quarantaine de kilomètres au sud-ouest, sur le mont Nebo. De cette vue panoramique – 800 mètres d’altitude – où la tradition assure que Moïse y conduit son peuple pour lui montrer la Terre promise, Benoît XVI va découvrir cette Terre sainte qu’il est venu visiter. En commençant, comme Paul VI le fit en 1964, par la Jordanie, où il est jusqu’à lundi matin, et en continuant par Israël – dont une incursion, mercredi 13 mai, à Bethléem, sous l’Autorité palestinienne – avant le retour à Rome vendredi soir. Le Pape doit aussi bénir aujourd’hui la première pierre d’une université catholique. Un geste qui apparaît banal mais qui ne l’est pas.
Vendredi, en effet, dans l’avion qui le conduisait de Rome à Amman, Benoît XVI en a expliqué toute la portée devant la presse. L’Église, a-t-il dit, «cherche à contribuer à la paix» non comme «un pouvoir politique» mais en tant que «force spirituelle». Une force qui peut amener à un «progrès dans le processus de paix» si elle repose sur ses trois piliers : «la prière qui est une vraie force» car «Dieu écoute et peut agir dans l’histoire», la «formation des consciences» et le dialogue «avec la raison». D’où l’enjeu, capital à ses yeux, d’investir dans l’intelligence : «Nous sommes en train, a-t-il expliqué, de créer une université catholique en Jordanie. Cela va ouvrir une vaste perspective pour les jeunes, qu’ils soient Arabes chrétiens ou Arabes musulmans.»
La paix est le mot qui est revenu le plus souvent dans la bouche de Benoît XVI en ce premier jour de pèlerinage. Avec, il faut le dire, une simplicité désarmante qui semble faire sa force. Ainsi en rencontrant, vendredi après-midi, un centre d’accueil pour personnes handicapées, il les a appelées à prier pour lui : «Veuillez, s’il vous plaît, prier pour moi chaque jour de mon pèlerinage ; pour mon renouvellement spirituel personnel dans le Seigneur et pour la conversion des cœurs sur le chemin de pardon.» Et il a eu cette formule : «Prier, c’est espérer en action.» Une formule choc, pour le coup. Elle pourrait même décrire la situation de la Terre sainte où beaucoup prient mais en espérant – selon leur religion – des actions diamétralement opposées ! Or «la paix durable», a expliqué le Pape, «naît de la justice, de l’intégrité et de la compassion» et surgit «de l’humilité, du pardon, et du désir profond de vivre en harmonie les uns avec les autres».
D’où l’importance, et c’est l’autre axe de ce premier jour de voyage, du dialogue entre religions et de la liberté religieuse. Le Pape a d’ailleurs félicité sur ce point la Jordanie, pays à 98 % musulman. «La possibilité qu’a la communauté catholique jordanienne de construire des édifices publics de culte est un signe du respect de votre pays pour la religion, et en son nom, je veux dire combien cette ouverture est appréciée.» Tout en lançant un appel au cœur de ce Moyen-Orient : «La liberté religieuse est, naturellement, un droit humain fondamental.»
Dans l’avion, en revanche, il avait insisté comme rarement sur «l’importance pour la paix» d’un «dialogue trilatéral» entre les trois religions, juive, chrétienne et musulmane. «Malgré la diversité, a justifié Benoît XVI, nous avons des racines communes» qui conduisent à «la foi dans le Dieu unique».