Les organisateurs du 15e Sila ont invité l’historien Benjamin Stora qui a animé une conférence intitulée «Mitterrand et l’Algérie».
Malgré la sagesse et l’expérience du modérateur Abdelmadjid Merdaci, Stora n’a pu s’exprimer durant les débats car des impolis ont préféré prendre la parole pour faire des commentaires insensés au lieu de poser des questions à l’historien.
Dans une salle archicomble, l’historien Benjamin Stora a d’abord rappelé son parcours d’historien qui l’a amené à s’intéresser aux biographies.
Sachant que ce sont les hommes qui font l’histoire, Stora a bien raison de s’intéresser directement aux biographies de ces hommes. Il a d’ abord écrit «Messali Hadj, pionnier du nationalisme algérien», au moment où l’évocation de ce grand militant était encore taboue en Algérie. Il sortira par la suite un dictionnaire des militants nationalistes algériens avec 600 portraits et écrira avec Zakia Daoud, un livre sur Ferhat Abbas.
La recherche et l’accès aux archives concernant la guerre d’Algérie amèneront Benjamin Stora à découvrir les dessous de cette guerre et le rôle joué par les responsables de l’époque. Stora dira que De gaulle a occulté les autres acteurs politiques.
Par sa stature, Charles de Gaule a, en effet, fait de l’ombre à beaucoup de personnages qui ont joué des rôles importants et pris des décisions, notamment sur l’usage de la torture, du napalm et les essais nucléaires. Stora a tenu à préciser que les tabous ne concernaient pas seulement le côté algérien mais aussi la France et il précisera que, comme la droite, la gauche était également touchée par les tabous.
On ne devait pas parler de certains sujets. Stora a bien fait de se poser la question pourquoi maintenant ce livre car pendant les débats, les gens n’ont pas posé des questions mais fait des commentaires. Il dira au sujet du livre qu’il a co-écrit avec François
Mallye que c’ est grâce à l’ouverture progressive des archives (grâce aux nouvelles lois) qu’il a pu découvrir des documents prouvant certains comportements durant la guerre de libération algérienne dont ceux de François Mitterrand. «Mis à part quelques-uns comme Gisèle Halimi et Roland Dumas, rares sont les acteurs qui ont accepté de parler de cette période», a déclaré Stora.
Avec l’accès aux archives, l’historien a découvert des récits nouveaux et des documents, notamment ceux qui concernent l’exécution de Fernand Yveton et Ahmed Zabana. Le recours en grâce pour le condamné à mort Yveton avait été refusé par le président de la république française René Coty. Stora précisera que le garde des sceaux de l’époque, François Mitterrand, qui avait du poids avait refusé la grâce. C’est ainsi que Zabana et Yveton furent guillotinés.
«Si vous ne transmettez pas l’histoire, elle se perd»
Stora rappellera que de 1954 à 1957, la gauche était pour «l’Algérie française». Il indiquera que les hommes politiques français méconnaissaient le nationalisme algérien et que le déclenchement de la révolution le 1er Novembre 1954 fut pour eux une surprise. «Il y avait une volonté de pas connaître l’autre». D’ailleurs, la réaction de Mitterrand fut de dissoudre le MTLD le 5 novembre 1954.
«On n’a pas d’interlocuteurs», disaient Mitterrand et Mendès-France. «François Mitterrand n’a pas compris que le sentiment nationaliste est profond», dira Stora.
Il notera qu’en mars 1957, Mitterrand prendra conscience que ce qui se passe en Algérie devient insupportable. Selon Stora, Mitterrand a toujours agi en pensant à sa personne. Il voulait être président du conseil et c’est De Gaulle qui arrive. Lors de son retour en 1971, Mitterrand a marginalisé tous ceux qui se sont opposés à lui en 1956.
D’ailleurs, il nommera des jeunes qui ne connaissent pas son passé en Algérie. Le modérateur Merdaci rappellera notamment que, dès son arrivée au pouvoir, François Mitterrand a amnistié tous les tortionnaires de la guerre d’Algérie. Au sujet de l’écriture de l’histoire, Stora déclarera :
«Si vous ne transmettez pas l’histoire, elle se perd». Il faut noter que l’ouvrage «Mitterrand et la guerre d’Algérie» de Benjamin Stora et François Mallye livre tous les secrets sur la vie politique de l’ancien président français, notamment ses positions sur l’utilisation de la torture, les exactions en Algérie et la condamnation à mort de moudjahidine et de militants de la cause algérienne.
B. S.