L’ancien chef de gouvernement n’a pas lésiné sur les mots pour dénoncer de la manière la plus vive le parti pris du vice-ministre de la Défense, chef d’état-major de l’Armée nationale populaire (ANP).
L’ancien chef de gouvernement, Ali Benflis, a qualifié, hier, d’“exceptionnellement grave” la lettre de soutien adressée par le chef d’état-major de l’ANP, Ahmed Gaïd Salah, au secrétaire général du Front de libération nationale, Amar Saâdani, estimant que ce message était “de nature à perturber tant la cohésion de nos forces armées que celle de la nation elle-même”. Visiblement profondément outré par le geste de Gaïd Salah, le président de Talaiou El-Houriyet a pointé, dans un communiqué rendu public hier, “trois fautes majeures qui ont été commises simultanément” par le chef d’état-major de l’armée, à savoir “une faute morale, une faute politique et une faute constitutionnelle”.
Pour Ali Benflis, “la faute morale” réside dans le fait que la lettre en question “octroie le monopole du patriotisme à un parti et l’érige en dépositaire unique et exclusif de l’Histoire et de la Mémoire nationales”. La seconde faute, d’ordre politique celle-là, commise, d’après M. Benflis par Gaïd Salah, concerne, en effet, l’implication des forces armées dans le domaine de la compétition politique “qui n’est pas le sien et dont elle contribue à fausser les règles par son intrusion injustifiée et injustifiable”.
“Une faute constitutionnelle, enfin, dans la mesure où ladite lettre ignore le statut d’institution républicaine de l’ANP et porte directement atteinte à l’esprit et à la lettre de la Constitution dont les dispositions pertinentes déterminent rigoureusement les tâches nationales qui lui sont assignées”, complète M. Benflis, qui, à l’occasion, n’a pas lésiné sur les mots pour dénoncer, de la manière la plus vive, le parti pris du chef de l’armée, une institution censée symboliser l’unité du peuple algérien, et qui se retrouve, aujourd’hui, impliquée, malgré elle, dans le jeu politique.
L’ancien chef de gouvernement joint, ainsi, sa voix au mouvement de dénonciation de la sortie du patron de l’armée, en faisant appel à un vocabulaire particulièrement virulent pour la circonstance. “La lettre impliquant l’Armée nationale populaire dans le soutien à un responsable politique a suscité, à raison, des sentiments de stupeur et de consternation, tant au sein de la classe politique, d’une manière particulière, qu’au sein de l’opinion publique nationale, d’une manière générale ; un sentiment de stupeur quant au caractère gravissime et absolument inédit d’une pareille initiative ; et un sentiment de consternation quant au caractère hasardeux et inconsidéré de l’implication d’une institution constitutionnelle dans un domaine purement partisan”, fulmine Ali Benflis.
Il considère, en effet, que la lettre du chef d’état-major “traite avec beaucoup de légèreté le fait que l’ANP est le bras armé du peuple”. “En tant que telle, elle ne peut être solidaire d’une partie contre les autres”, poursuit M. Benflis, qui martèle que l’armée “est le rempart de la République et non d’un parti” et, de ce fait, “elle doit s’interdire de se comporter d’une manière qui introduit les germes de la division au sein de la composante unie de ce même peuple”.
M. Benflis rappelle plus loin que “la Nation demande déjà beaucoup à ses forces armées pour que leur soient épargnés les manquements constitutionnels et les errements politiques dans lesquels la lettre dont il s’agit les implique inconsciemment”. Ali Benflis considère, enfin, que cette lettre de Gaïd Salah “s’insère dans le contexte général de la vacance du pouvoir et de la déshérence des institutions et qu’elle s’inscrit clairement dans une stratégie qui se met en place et, par laquelle, le régime politique tente de sortir en se reproduisant ou en se clonant”.
H. S