La communauté algérienne en France vote finalement du mardi 8 au jeudi 10 mai inclus, soit un scrutin législatif qui s’étalera sur 3 jours au lieu de 5, comme de coutume et comme initialement annoncé sur le site de l’ambassade. Où en sont les préparatifs ?
Quel est le nombre d’électeurs inscrits ? D’où viennent les candidatures, partis, listes indépendantes ? C’est sur toutes ces questions que Halim Benattallah, secrétaire d’Etat chargé de la Communauté nationale à l’étranger, a voulu répondre en organisant un point pour la presse algérienne accréditée à Paris. M. Benattallah ne s’est cependant pas limité à un bilan de la préparation des législatives. Il a précédé ce bilan d’une évaluation détaillée d’actions entreprises depuis près d’un an et demi d’opérations qu’il nomme de «facilitations» en direction de la communauté. Aujourd’hui, samedi, c’est au consulat général à Paris que les journalistes sont invités à assister à une rencontre qui réunira tous les candidats. C’est peu dire que ça bouge de partout dans l’espoir «de mobiliser les concitoyens».
C’est par décret exécutif (n°12-86 du 26 février) que les conditions et modalités de vote des Algériens résidant à l’étranger ont été fixées et elles diffèrent notoirement des dispositions pour les scrutins antérieurs. Ainsi, il a été institué 4 zones géographiques pour toute la communauté à l’étranger : zone 1 et zone 2 pour l’Hexagone ; zone 3 qui regroupe le Maghreb, le Machrek, l’Afrique et l’Asie-Océanie et la zone 4 qui concerne l’Amérique et le reste de l’Europe. Chacune de ces zones devra élire 2 députés, soit 8 députés au total pour toute la communauté à l’étranger. L’opération d’inscription sur les listes électorales étant terminée (des statistiques définitives nous ont été présentées par Benattallah), les électeurs à l’étranger se chiffrent à 988 229, dont 801 508 pour les zones 1 et 2 ; 61 238 pour la zone 3 et 125 483 pour la zone 4. Autant dire, et cela était naturellement attendu, que c’est en France que se situe le plus grand nombre d’électeurs.
«Conformité pour la parité, la jeunesse et la diversité des candidats»
Si les listes du corps électoral sont définitives, celles des candidats le sont aussi. Pour les 4 zones, 64 listes (dont 62 partisanes et 2 indépendantes) ont été examinées et acceptées par la commission de supervision. Combien de rejets ont été signifiés et pour quel motif ? Le ministre nous répond qu’il n’y a eu qu’un seul rejet définitif après recours pour la zone 4 et un rejet dont le recours est actuellement en cours, déposé comme stipulé par le dispositif électoral, auprès du tribunal de Sidi M’hamed. En l’occurrence, il s’agit d’une liste de Jil Djadid qui n’aurait pas respecté la parité homme – femme. Pour la France (zones 1 et 2) 21 listes de partis politiques pour la zone 1 et 17 listes de partis pour la zone 2 et une liste indépendante ont été validées. Un rapide coup d’œil aux partis qui ont présenté des listes en France interroge, pour le moins, sur la pléthore de partis et sur l’appellation de beaucoup d’entre eux dont nous entendons parler, ici dans l’immigration, pour la première fois. Outre les formations anciennes (RND, FLN, FFS, AHD 54, ANR, PNSD, MJD et autre Alliance verte… nous avons relevé, entre autres : le RPR (Rassemblement patriotique républicain) El Adala ; le PPL ou parti patriotique libre) ; Front El Moustakbal ; El Ittihad ; Front du changement et l’on a même dans la course un parti dénommé FAN, pour Front de l’Algérie nouvelle. Cette diversité, mais pas seulement, dans les candidatures est un motif de satisfaction pour le ministre : «Le constat fait est que concernant les candidatures de notre communauté à l’étranger, il n’y a que des visages nouveaux à 99%. L’objectif d’encourager la participation de la femme est aussi atteint» et, dit-il, l’incitation à avoir des jeunes et des visages nouveaux et des niveaux universitaires est aussi présente au vu des profils des candidats. Si l’objectif de parité est selon le ministre atteint, il est une donnée qui intrigue : ainsi nombre de listes (dont chacune doit nécessairement comporter 4 noms, 2 titulaires et deux suppléants) portent le même nom pour au moins deux des 4 noms : madame et monsieur, le plus souvent ou encore très certainement quelqu’un du clan familial. Se pose alors une question, les noms de femmes pour certaines listes, reléguées le plus souvent en position de suppléants, ne sont-ils pas juste un alibi et en tout cas une réponse aux exigences du moment ? Quant au message essentiel que le ministre a voulu délivrer, il se résume en cette phrase : «Répéter, répéter et toujours répéter que l’élection doit être absolument transparente sans aucune interférence, ni des chefs de poste ni des agents consulaires. Nous, nous offrons le cadre du dispositif mais tout le contrôle se fait par les commissions de supervision (celle de Marseille est opérationnelle, nous dit-il ) composées de magistrats et surtout habilitées à aller contrôler et vérifier toutes les informations au niveau de tous les postes consulaires. » Le ministre reconnaît, cependant, que cela ne va pas de soi : «Nous avons remarqué qu’il fallait que nos agents consulaires s’imprègnent un peu plus des nouveaux textes réglementaires sur tous les aspects de contrôle des documents, de déroulement du scrutin, de l’urne, des cachets, de l’encre… parce que tout a changé et qu’il fait qu’aucun grief nous soit opposé. Il y a une technicité telle de la loi, tellement de détails que ça n’est pas évident.» C’est pourquoi, explique-t-il, «on leur a (aux postes consulaires) demandé des journées d’information, d’apprentissage et de compréhension pour se conformer à la dictature des textes». Quel bond magnifique que ce passage d’une dictature, disons humaine, à celle du droit ! Il faudrait juste que le déroulement du scrutin donne raison au ministre. Aujourd’hui, les candidats qui sont conviés à une rencontre au Consulat général donneront probablement leur sentiment sur tout ça.
K. B.-A.
Bilan des mesures de facilitation administratives pour la communauté
Halim Benattallah, qui réunissait vendredi à Paris tous les chefs de postes consulaires en Europe, nous a exposé, à l’issue de cette rencontre, son objet et ses conclusions.
En fait, il s’agissait pour Benattallah de la deuxième rencontre du genre, la première s’étant tenue en octobre dernier. Rencontre d’évaluation, elle s’est attelée à faire le bilan des facilitations accordées à la communauté depuis un an et demi et particulièrement sur deux points essentiels : les procédures pour la première immatriculation et celles relatives à la délivrance du document 12S et le passeport biométrique, points sur lesquels les membres de la communauté formulaient beaucoup de griefs.
«La communauté était confrontée à la bureaucratie»
Les membres de la communauté avaient insisté sur les difficultés qu’ils rencontraient pour la délivrance de leur immatriculation lorsqu’ils le faisaient pour la première fois. Plusieurs mois de délais d’obtention de son immatriculation et une procédure «lourde, qui faisait intervenir plusieurs maillons dans la chaîne de décision», alors même, que, selon les propres termes du ministre, les textes sont clairs. En l’occurrence, et pour M. Benattallah, «c’était la pleine expression de la bureaucratie et les habitudes ont fait que le processus s’est alourdi» et en a dissuadé plus d’un pour s’immatriculer. La facilitation dans ce domaine a consisté à rétablir l’application des textes et, partant, la possibilité donnée au chef de poste, lorsque le dossier d’immatriculation est complet, de délivrer sur-le-champ la carte consulaire. Rétablie depuis un an et demi, cette mesure a permis de produire un impact non négligeable et qui s’est traduit par une augmentation moyenne de 10% par an des demandes de première immatriculations en France, dont une forte proportion émane de jeunes.
Passeports d’un an pour les dossiers de régularisation
Quant aux citoyens en instance de régularisation de leurs papiers vis-à-vis des autorités françaises ou en Europe et coincés parce qu’ils ne pouvaient justifier de pièces d’identité valides, le ministre nous apprend qu’il leur a été «accordé une facilité exceptionnelle mais légale, consistant à leur délivrer un passeport d’une durée d’une année pour justifier de leur identité et faciliter l’aboutissement de leur demande de régularisation auprès des autorités des pays d’accueil ».
12S et passeports biométriques : des facilitations pour la communauté
L’autre deuxième point qui coinçait pour la communauté était la délivrance de l’imprimé 12S, indispensable à l’obtention du passeport biométrique. L’obtention de cet imprimé, admet le ministre, «relevait du parcours du combattant». Il fallait que le demandeur donne procuration à quelqu’un pour le lui ramener d’Algérie ou qu’à l’occasion d’un de ses déplacements dans le pays, le demander directement. Avec le ministère de l’Intérieur, une «procédure préférentielle» a été mise en place pour la communauté. Un site internet spécial 12S a été conçu par le ministère de l’Intérieur et permettra aux membres de la communauté de demander par internet ce document. La demande est alors instamment enregistrée au ministère de l’Intérieur et tombe concomitamment dans une boîte du consulat. Après vérification par ce dernier que le demandeur est bien immatriculé, il valide la demande. L’Intérieur, qui a créé un canal avec toutes les wilayas jusqu’aux communes qui traitent le 12S, fait acheminer par courrier diplomatique, aux consulats, ce formulaire. Cette nouvelle procédure, qui a fait plancher le département des AE et le ministère de l’Intérieur, a été testée sur Marseille il y a trois jours et semble marcher. Il reste, cependant, nous confie le ministre, que cette nouvelle formule du 12S ne pourra être mise en œuvre et généralisée qu’après le 15 juin, soit une fois les élections passées. C’est aussi qu’une fois que les élections législatives auront eu lieu et en tout cas pas avant le 15 juin que la nouvelle procédure pour l’obtention du passeport biométrique sera à l’œuvre. Dans ce domaine, la première facilité a été de délivrer un passeport ancienne formule ayant une validité de 4 ans au lieu de 5 afin de permettre que d’ici 2015 – échéance ultime de passeport biométrique à l’échelle internationale — les citoyens puissent circuler malgré tout comme cela permettra d’affiner la procédure de délivrance de ce document. En attendant et toujours en accord avec le ministère de l’Intérieur, les logiciels ont été adaptés aux structures consulaires (à l’origine, ils n’étaient pas conçus pour), comme il fallait d’ailleurs adapter les équipements. Cela est fait ; de nombreux informaticiens ont été recrutés dans les postes consulaires et des vérifications des procédures ont été engagées. La mission actuelle commune avec le secrétaire général du ministère de l’Intérieur a permis , avec le test fait sur le consulat de Bobigny, de voir que les procédures fonctionnent. Il reste, toutefois, deux contraintes, selon le ministre. La première consiste à trouver un acheminement sécurisé des données et la deuxième, elle, tenant plus à la sensibilisation des demandeurs de passeport biométrique qui devront se plier au fait que plus aucun passeport ne pourra être délivré sur-le-champ ; que le demandeur devra d’abord demander un rendez-vous pour le dépôt de son dossier et, ajoute le ministre, savoir que «quiconque n’a pas de rendez-vous n’est pas enregistré dans la machine et le processus ne se déclenchera pas». Comme évoqué plus haut, cette nouvelle procédure ne sera mise en place que vers le 15 juin et, en tout cas, après les élections législatives.
K. B.-A.