Benaamar Bendjenna,ex-officier de l’ANP «Le terrorisme est un instrument au service des grandes puissances»

Benaamar Bendjenna,ex-officier de l’ANP «Le terrorisme est un instrument au service des grandes puissances»

Le est une création montée de toutes pièces par les forces de l’ombre (en médaillon Benaâmar Bendjenna)

Dans cet entretien, Benaâmar Bendjenna nous livre une analyse sur une guerre stratégique dans laquelle se croisent les intérêts de certaines puissances, déjà présentes au Sahel par leurs relais et services secrets. L’ex-colonel n’a aucun doute: «L’afghanisation du Sahel est bel et bien une réalité». S’agissant du groupe terroriste du Mujao, il a précisé que ce dernier est, en effe, dirigé et manipulé par certains pays de la région et autres puissances étrangères.

L’Expression: Le Mujao vient d’exécuter l’un des diplomates algériens et fait également de l’Algérie sa cible, d’une part et de l’autre, certains observateurs soutiennent que le Mujao est chargé d’une mission contre l’Algérie. Qu’en est-il de votre analyse?

Benaâmar Bendjenna: Le monde assiste aujourd’hui à des guerres et conflits géostratégiques, dont les acteurs visibles ne sont pas nécessairement ceux qui sont sur le terrain. Néanmoins, la réalité est plus complexe qu’on ne l’imagine. S’agissant de l’exécution présumée du diplomate algérien, il faut dire que cela s’inscrit dans un scénario élaboré par des forces invisibles et mis en oeuvre sur le terrain par le Mujao se revendiquant comme étant un groupe terroriste. Néanmoins, à voir ce qu’il fait, quelles sont ses cibles, il y a lieu de dire que c’est un groupe qui agit contre l’Algérie et est dirigé par les ennemis de l’Algérie. L’objectif vise essentiellement à mettre de la pression sur l’Algérie pour changer sa conduite, en l’occurrence la non-ingérence dans le territoire et affaires d’un pays, dans le cadre des conflits régionaux. Mais, aussi, il s’agit de pousser l’Algérie à se montrer docile et se taire, s’il ne cautionne pas les agissements interventionnistes de certaines forces dans les affaires internes de certains pays. Pour ce qui est du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), qui aurait exécuté un diplomate algérien, il faut dire que ce nouveau-né (Mujao) n’est qu’un instrument dans une guerre géostratégique, créé et dirigé par des puissances veillant sur leurs intérêts, au nord du Mali en particulier et dans toute la région en général, comme du lait sur le feu. Donc, le Mujao est une création montée de toutes pièces par les forces de l’ombre et chargé de mener des missions bien précises contre des cibles bien précises. Il est ainsi l’agent sous-traitant de la sale besogne de certaines puissances régionales, mais surtout occidentales. Son rôle est donc de mener des actions contre des pays comme l’Algérie constituant un écueil face aux desseins de certaines puissances. Par là, il est à comprendre que les positions intransigeantes de l’Algérie, vis-à-vis du brasier sahélien et de la question du Sahara occidental, renseignent sur l’acharnement du Mujao contre l’Algérie. Un acharnement qui cache, d’ailleurs, mal les vrais dirigeants de ce groupe terroriste, qui de mon point de vue, n’est qu’un groupe de mercenaires agissant sous la casquette d’une organisation terroriste liée à Al Qaîda.

Qu’en est-il de votre lecture concernant l’évolution des événements au Sahel occupant l’actualité régionale en particulier et internationale en général?

Le tableau n’est pas simple à lire. Les évènements au Sahel évoluent rapidement et se déroulent de manière très complexe. Cette évolution est très dangereuse pour toute la région. Elle ne touche pas seulement le nord du Mali ou le Mali, mais elle risque, par effet de contagion, de plonger tout la région dans une instabilité totale. C’est dire que le processus de l’afghanisation du Sahel a été atteint et décidément mis en oeuvre. Des groupes terroristes, mouvements indépendantistes, jeux de manipulations et des scénarios, mis en oeuvre, menés par des organisations désorganisantes au service des grandes puissances. Et là, l’Algérie est dans la ligne de mire de tous les acteurs participant à cette guerre géostratégique visant le Sahel. Donc, il faut dire, à l’évidence, que sa sécurité est menacée du fait de ses positions intransigeantes, qui sont contraires aux ambitions interventionnistes de certaines puissances disputant cet espace regorgeant de ressources naturelles, mais aussi et surtout leur positionnement au Sahel.

à l’évidence, il y a un grand jeu qui est en train de se jouer dans toute la zone sahélienne avec les sous-traitants. Ce jeu est mené actuellement par ceux qui agissent par procuration. Ils ont été mis en place progressivement, par la France, les Etats-Unis et la Chine qui détiennent et contrôlent les ressources des pays du bassin sahélien. Sachant surtout qu’aujourd’hui, la Chine est implantée de manière extrêmement forte au Soudan. Donc, il y a lieu de relever que ce conflit stratégique dénote et renseigne sur les ambitions stratégiques des grandes puissances qui cherchent à se positionner économiquement et – ce serait l’optimum pour eux – militairement pour mieux contrôler les richesses de toute l’Afrique et ses couloirs commerciaux.

Cela annonce-t-il alors l’installation de bases militaires étrangères au Sahel?

En effet. Il s’agit là des objectifs fondamentaux des scénarios mis en place pour déstabiliser le Sahel. Il faut créer l’instabilité pour justifier l’ingérence et se présenter enfin en sauveur. C’est là tout l’objectif des acteurs impliqués dans la crise sahélienne. Car, la crise au nord du Mali n’est en fin de compte que l’arbre qui cache la forêt. Il y a également un autre signe qui renseigne sur le projet de l’installation de bases militaires au Sahel, plus ou moins officiellement, car ces dernières existent déjà dans certains pays sous d’autres formes, en l’occurrence la disposition affichée manifestement par les pays de la Cédéao qui veulent intervenir militairement au nord du Mali pour rétablir l’ordre, tout en demandant à certaines puissances de mettre à leur disposition des moyens militaires d’ordre logistique, mais cela concerne seulement la logistique, c’est une question à méditer tout de même. A cela s’ajoutent également la lutte antiterroriste justifiant l’ingérence, la multiplication des groupes terroristes opérant au Sahel au vu et au su de l’opinion internationale. Des groupes bénéficiant d’une médiatisation qui soulève d’ailleurs moult interrogations. Pourquoi cette surmédiatisation des groupes terroristes?