La crise des otages français, détenus par le réseau Al-Qaïda (Aqmi) dans le Sahel,‹ se complique avec la diffusion d’un message audio attribué à Abdelmalek Droukdel, l’“émir” de cette organisation terroriste.
C’est le troisième message relatif à cette prise d’otages un peu particulière qui est diffusé, après celui montrant les otages en compagnie d’Abou Zeïd, l’“émir” qui les retient quelque part au nord du Mali, mais surtout après le message de Ben Laden qui annonce sa “bénédiction” de cette opération.
En agissant de la sorte, Oussama Ben Laden tend une perche inespérée à Aqmi qui s’en retrouve ragaillardie. Ceci, au moment où Paris cherchait à nouer des contacts en vue de trouver une issue à la crise des otages.
L’entrée en scène de Droukdel constitue le point de départ de la crise des otages. En effet, et au moment où Paris s’attendait à entamer les négociations autour d’une éventuelle rançon ou d’une probable libération de terroristes, dont une centaine d’entre eux sont détenus en France, Droukdel surgit et internationalise la crise, lui assurant une surmédiatisation qui affaiblit grandement la position de Paris.
En fait, le numéro un d’Aqmi est tenu de répondre à l’affront essuyé par son organisation lors de l’assaut manqué par les services spéciaux français, pour tenter de libérer l’otage Michel Germaneau. Pendant l’assaut, huit terroristes ont été abattus. Aqmi voudrait donner une leçon à Paris et venger ses morts.
Mais surtout lui adresser un message clair : la France ne peut pas agir comme elle l’entend dans la région du Sahel où Aqmi active en toute quiétude. Il y a un fort risque que les otages soient exécutés. En fait, Aqmi serait tentée de faire une démonstration de force en lançant un sérieux avertissement aux Français : vous avez tué huit des nôtres, on tue les vôtres.
Cependant, les choses ne sont pas aussi simples, au regard des contradictions dans lesquelles se débat présentement Aqmi. Et la crise des otages français risque de compliquer les choses pour l’organisation terroriste, où trois protagonistes se livrent une bataille en sourdine, chacun selon ses capacités.
Il y a d’abord l’“émir” qui monte en puissance, Abou Zeïd, qui prend du galon et que certains vont jusqu’à donner comme successeur de Droukdel à la tête de l’organisation terroriste. L’homme est réputé pour être brutal et radical.
Si cela ne tenait qu’à lui, il aurait exécuté les otages, d’où la volonté des Français de négocier avec des “émirs” plus “compréhensifs”. Mais Abou Zeïd n’est pas un politique et doit se référer à Droukdel. Ce dernier vient de diffuser un message audio, sous forme de ligne directrice. Abou Zeïd suivra-t-il ces directives ? Ou agira-t-il seul ? Tout dépendra de l’entame des négociations, sachant que Paris a vite réagi au message de Droukdel, affirmant qu’il ne se plierait pas aux exigences d’Aqmi.
Le second protagoniste est Abdelmalek Droukdel, qui veut se relancer, lui qui est constamment harcelé au Nord par les forces de sécurité algériennes. Quoi de mieux que d’associer son organisation à Ben Laden pour se refaire une image sur la scène internationale ? Mais cette attitude est loin d’être sensée, dans la mesure où l’on voit mal un Ben Laden, terré dans les zones tribales pakistanaises, négocier le sort de cinq otages français retenus au nord du Mali.
Il y a, enfin, l’incontournable Mokhtar Belmokhtar, à travers ses réseaux, notamment l’imam mauritanien Chaffi. Paris tente de trouver une issue à travers Belmokhtar qui serait partisan d’un payement de rançon. Mais Abou Zeïd ne veut plus entendre parler de Belmokhtar. D’où la difficulté d’entrevoir une issue à cette crise.
L’entrée en jeu de Ben Laden constitue une très mauvaise nouvelle pour Paris, et il n’est pas exclu que Ben Laden envoie un autre message pour forcer la main à la France. Cette prise d’otages un peu particulière risque de tenir en haleine les familles des otages et les spécialistes dans ce genre de situation, un peu plus longtemps que l’on imaginait. Paris, qui avait consenti à échanger des otages contre des prisonniers terroristes, via le Mali et la Mauritanie, s’est embourbé dans la logique des terroristes, malgré lui.
En voulant intervenir militairement dans le Sahel, la France n’a fait que se compliquer la tâche. Déjà ciblée par l’internationale terroriste, elle se retrouve dans une peu enviable situation.