Pour les Tunisiens l’ère du président Zine El Abidine Ben Ali se conjugue désormais au passé. En effet l’ex-président de la Tunisie, qui a régné en maître absolu sur ce pays durant 23 années, a été vaincu par le soulèvement populaire qui a débuté à la mi-décembre et n’a cessé de prendre de l’ampleur depuis, et ce jusqu’à la «capitulation» de Ben Ali forcé alors de quitter le pouvoir et le pays puisqu’il a trouvé refuge en Arabie saoudite.
La page de celui que l’on considère comme un dictateur, qui a dirigé d’une main de fer la Tunisie depuis le 7 novembre 1987, est ainsi tournée. C’est en effet le 7 novembre 1987, et alors qu’il assumait la charge de Premier ministre et de ministre de l’Intérieur, qu’il déposa le président de la République en exercice, Habib Bourguiba, surnommé le «combattant suprême» qui s’accrochait au pouvoir malgré son âge assez avancé. Ce «coup d’État» est salué par les Tunisiens, toutes tendances politiques confondues y compris les islamistes du mouvement Ennahda, qui croyaient alors qu’une nouvelle ère allait commencer. L’Occident aussi, qui avait la hantise de l’accès des islamistes au pouvoir, accueillait favorablement ce changement.
Le premier acte du nouveau président fut la suspension de la présidence à vie instaurée par Habib Bourguiba et la limitation à trois des mandats présidentiels. Ce militaire de carrière, qui avait le grade de général et qui a fait l’école militaire de Saint Cyr en France ainsi que d’autres écoles aux Etats-Unis, a pourtant de suite engagé une lutte sans merci contre le mouvement islamiste Ennahda en jetant par centaines, voire même par milliers les partisans de ce dernier en prison.
Parallèlement il a initié plusieurs actions d’ordre social, comme la création d’un Fonds spécial destiné aux plus pauvres ainsi que le développement d’un système de sécurité sociale. Ben Ali poursuit aussi la même politique portant sur l’émancipation et l’éducation des femmes tunisiennes, entamée depuis l’aube de l’Indépendance par son prédécesseur Bourguiba. Son programme de reforme économiques a enregistré de bons résultats permettant aux Tunisiens d’améliorer leurs conditions de vie. Selon les chiffres officiels, en effet, le rythme de croissance économique est de l’ordre de 5% alors que le revenu moyen par habitant est porté à 4.847,2 dinars en 2008, soit le quintuple de son niveau de 1987. Nombreux sont alors les analystes qui parlent du «miracle tunisien». Ces «avancées» ont séduit de larges pans de la classe moyenne dont le pouvoir d’achat s’est nettement, amélioré. Mais au plan politique le régime de Ben Ali a durci le ton avec l’opposition et a fermé tous les espaces d’expression plurielle. Cette mainmise sur la vie politique, qui s’est élargie aussi à la presse et aux syndicats, a poussé de nombreux opposants à prendre le chemin de l’exil. C’est dire que dès le début des années 90 le nouveau maître de Tunis a renforcé sa mainmise sur ce pays. En 1994 il «lâche du lest » et introduit un timide multipartisme qui est loin de répondre aux aspirations du peuple tunisien.
Il organise en 1999 les premières élections présidentielles pluralistes. Prenant apparemment goût au pouvoir il introduit en 2002 une réforme constitutionnelle qui lui permet de se représenter puisque, désormais, il n’ y a aucune limite pour le nombre des mandats présidentiels. En 2009 il se représente pour un énième mandat. Un mandat qu’il n’a pas eu le temps d’achever puisque la volonté populaire des Tunisiens en a décidé autrement.
Les Tunisiens qui n’en pouvaient plus d’être dirigés de cette manière forte et dictatoriale alors que le chômage faisait ravage au sein de la jeunesse notamment. Comme le peuple tunisien en avait aussi marre du fléau de la corruption, œuvre de l’entourage le plus proche du président Ben Ali et notamment sa belle famille. Ben Ali a tout tenté pour sauver son régime, en vain.