Le rendez-vous est très attendu. Ses enjeux sont extrêmement importants pour les deux ailes antinomiques du Front de libération nationale (FLN) : Abdelaziz Belkhadem et sa direction d’un côté, les animateurs du néo-mouvement de redressement de l’autre.
Il s’agit de la troisième, et la plus importante, réunion du Comité Central (CC), dont les travaux ont été ouverts, jeudi 23 décembre à l’hôtel Mazafran de Zeralda (Est d’Alger). Il est environ 10h00, quand nous sommes arrivés sur les lieux. La tension est visible. Devant l’accès principal de l’hôtel, une dizaine de jeunes militants du FLN, venus de Djelfa et de Saïda ,s’est rassemblée.
Ils ne sont pas autorisés à participer à la réunion. Banderoles à la main, ces jeunes demandent « l’épuration des rangs du parti des affairistes ». Ils exigent aussi le départ de certains mouhafedh (commissaires politiques) qui, selon eux, sont responsables « de graves dépassements durant le renouvellement des bureaux de kasmas dans leurs wilayas ». Ces jeunes ne seront pas entendus. Ni le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem, ni aucun autre membre de la direction n’est venu à leur rencontre. Prévue à 9h00, les travaux du CC ne s’ouvrent que vers 10h30.
Dans la salle spécialement aménagée pour cette rencontre, la majorité des cadres du FLN est déjà là. Devant, on voit pratiquement tous les ministres du FLN, à l’exception de Lhadi Khaldi, principal animateur du mouvement du redressement, et Saïd Barkat qui, selon Belkhadem, devrait répondre aux questions orales des sénateurs. Il y a aussi le plus contesté, Abdelhamid Si Affif assis à côté du président de l’APN, Abdelaziz Ziari. « Nous avons enregistré 25 absences non justifié et 13 justifiées. Nous avons donc atteint le quorum avec 320 membres présents sur les 350 », se réjouit d’emblée Abdelaziz Belkhadem.
Le boycott massif de la réunion qu’il craignait n’a pas eu lieu. Il reprend alors confiance. Et part à l’offensive contre ses adversaires du mouvement du redressement. Il tente, pendant près de deux heures, de démonter, point par point, tous les arguments de ses adversaires du parti. Il commence d’abord par ses prétendues ambitions politiques.
« Si Dieu le veut, notre candidat à la présidentielle de 2014 sera Abdelaziz Bouteflika »
« Si Dieu le veut, notre candidat à la présidentielle de 2014 sera Abdelaziz Bouteflika », lance-t-il. La déclaration surprend tout le monde. Elle est lourde de sens. Outre sa tentative de se justifier auprès des militants du FLN, à qui il veut dire qu’il n’a pas d’ambitions politiques démesurées, Abdelaziz Belkhadem révèle que Abdelaziz Bouteflika pourrait être candidat à sa propre succession si son état de santé le lui permettait. Réélu en avril 2009 pour un troisième mandat, Abdelaziz Bouteflika, opéré d’un ulcère hémorragique, est aujourd’hui âgé de 73 ans.
Une mise au point de taille. Elle est de taille dans la mesure où des rumeurs distillées depuis plus d’une année laissent croire que le frère de président, Said Bouteflika, pourrait lui succéder à la tête de l’Etat à l’issue de la prochaine présidentielle. Ce que l’intéressé, homme de l’ombre, n’a jamais accrédité d’une manière ou d’une autre.
Echange de missive entre Belkhadem et le duo Bouhara-Boukhalfa
Ensuite l’exercice devient plus facile pour l’orateur. Belkhadem menace même les redresseurs de représailles. « Après le 9ème congrès, le FLN s’est stabilisé. Désormais, il n’y aura plus de concessions et de tolérance avec ceux qui ne respectent pas la ligne directrice du parti. La loi sera appliquée dans tout sa rigueur contre eux », déclare-t-il.
Sur un ton même méprisant, Abdelaziz Belkhadem ajoute en s’adressant aux chefs de fil du mouvement de redressement. « Si tu n’a pas la base avec toi, il ne faut pas te fatiguer davantage. Et même si tu as une base forte, il faut la mobiliser au service du parti », dit-il, en précisant que les meneurs de l’actuelle protestation ont été des responsables des commissions chargées de la préparation du 9ème congrès. « Ils n’ont commencé à protester qu’après la désignation des 15 membres du bureau politique. C’est une guerre de positionnement au sein de parti pas plus. Car si c’était un débat d’idées, les protestataires peuvent venir s’exprimer devant leurs paires au CC », ajoute-t-il.
« Le FLN est un géant. Nous voulons aller aux prochaines échéances pour maintenir notre leadership »
Ce faisant, Abdelaziz Belkhadem estime que le FLN ne s’accommode pas de ce genre de petits calculs personnels. « Le FLN est un géant. Nous voulons aller aux prochaines échéances pour maintenir notre leadership sur la scène politique nationale », assène-t-il encore.
Dans sa série de réponses, Belkhadem n’omet pas d’évoquer la dernière sortie médiatique d’Abderrazak Bouhara et Mohamed Boukhalfa, deux sénateurs et membres du CC. Il a même tenu à lire le contenu des lettres qu’il a échangées avec les deux hommes. « Je leur ai répondu. Je leur ai dit que la situation n’est pas aussi critique que vous le pensiez. Concernant votre proposition, je vous rappelle que vous l’avez exposée lors de la deuxième session du CC et elle n’a pas été acceptée. Mais venez à la réunion du CC pour défendre votre point de vue », explique-t-il
Les deux sénateurs avaient adressé une nouvelle missive au SG du FLN mercredi soir, la veille de la tenue de la réunion du comité central. « Nous participerons au débat si l’occasion est préparée à l’avance et que cela permettrait des discussions en toute démocratie », lui ont-ils signifié.
Vers 13h00, Belkhadem termine son allocution. Il invite les journalistes à quitter la salle pour…laver le linge sale en famille.
