Belkalem : «Si on n’ambitionne pas de se qualifier au deuxième tour, autant rester à la maison !»

Belkalem : «Si on n’ambitionne  pas de se qualifier au deuxième tour, autant rester à la maison !»

Essaïd Belkalem, après six mois passés ici en Angleterre, avez-vous ressenti du changement par rapport à ce que vous avez connu en Algérie ?

Tout est différent ici. Le football, le mode de vie ! Ici, le temps passe tellement vite (rires). La façon de s’organiser au quotidien a changé de tout au tout. Ici, je ne suis pas maître de mon emploi du temps. Je dois me soumettre chaque jour à un programme qu’on a tracé pour moi. Chaque minute de retard vous coûte une amende. On devient comme des machines !

Vous parlez d’un programme qu’on vous a concocté, racontez-nous à quoi ressemblent vos journées ?

Je sors de chez moi très tôt et je rentre tard. En Angleterre, un joueur est comme tout fonctionnaire lambda. Il travaille huit heures par jour ! Je me rends au centre d’entraînement, une heure avant le coup d’envoi de la séance. Tous les joueurs doivent se soumettre à la même discipline. C’est le protocole. On prend le petit déjeuner ensemble. On lit la presse et on papote. Ça consolide les liens du groupe. Après l’entraînement, on fait du yoga par exemple. Y en a ceux qui prolongent la séance avec le préparateur physique. Ou en solo. Après, on déjeune tous ensemble et on fait la sieste. En fin d’après-midi, je me rends aux cours d’anglais. Je me retrouve à passer pratiquement toute la journée du club, entre les séances d’entraînement, de soins, les cours et tout le reste…

Avez-vous éprouvé des difficultés à vous intégrer au sein de votre nouveau club ?

La première difficulté que j’ai rencontrée était de m’intégrer à un mode de vie complètement différent du nôtre. La ville, le climat, les gens, la langue… Autant de paramètres qui font que vous ressentiez naturellement le dépaysement. Le premier défi était donc de m’imprégner de cette nouvelle culture. Après, il fallait que j’apprenne la langue. C’est ce que fait n’importe quel joueur qui débarque dans un pays étranger.

La langue a-t-elle constitué une barrière entre vous et vos coéquipiers ?

Pas vraiment. La particularité ici à Watford est que la plupart des joueurs sont de nationalités différentes. Il n’y a pas que des Anglais, ce qui fait que ça papote dans plusieurs langues ! Mais comme en football, on parle tous le même langage, on arrive à s’entendre. Le message passe facilement. Vous allez rigolez, mais on a recours même au langage des signes dans certaines situations. C’aurait été plus facile, si tout le monde parlait anglais. Ça m’aurait aidé à apprendre vite. Mais comme on entend du jamaïcain, de l’espagnol, de l’italien, c’est trop de langues à apprendre à la fois !

Vous attendiez-vous à atterrir en Angleterre dès votre première expérience professionnelle ?

Franchement, non ! Mais je ne me suis jamais fixé de barrière. Comme personne ne sait de quoi sera fait demain, j’ai laissé le temps faire les choses. Je me suis juste fixé des objectifs que je tentais de réaliser un par un. Je ne suis pas du genre à griller les étapes. Il fallait d’abord que je m’impose en club, que je fasse mes classes dans les différentes sélections nationales jusqu’en seniors. Aller en Europe, c’était en dernier pour moi. Mais cela ne constitue en rien une fin en soi. Il me reste beaucoup de travail. Je ne vais quand même pas me contenter de ça et me dire : ça y est, je suis arrivé.

Auriez-vous été plus heureux à l’Udinese ?

Peut-être. Franchement, je n’en sais rien. Il est vrai que j’aime beaucoup le championnat italien. J’ai toujours rêvé de jouer dans le Calcio. Mais peut-être que je serais moins heureux qu’aujourd’hui, si je ne jouais pas. Du coup, j’évite de verser dans ce genre de calculs. Je suis heureux de ma vie ici. Watford est un club qui répond à mes ambitions. Franchement, je ne regrette pas une seconde d’être venu.

C’est sans doute le fait que vous soyez un défenseur qui vous incite instinctivement à vouloir jouer dans le championnat italien ?

Tout à fait. Je ne vous apprendrai rien, si je vous disais que les plus grands défenseurs de l’histoire du football sont italiens. Je suis personnellement un grand fan de Paolo Maldini et Franco Baresi. J’ai toujours admiré leur classe. Du coup, jouer en Italie était un rêve d’enfant.

Vous avez joué sept matchs cette saison, cinq en Shampionship et deux en Carling Cup, êtes-vous satisfait de votre bilan ?

Oui, plus ou moins. Je continue à croire que c’est un bon début. Pour quelqu’un qui débarque dans un nouveau club, je ne me plains pas. J’aurais pu faire mieux, n’était la blessure. Mais la saison est encore longue. Il y a 46 matchs à jouer. Comme le coach procède toujours au turn-over de manière à donner la chance à tout le monde et pour ne pas éreinter certains joueurs, je sais que je jouerai un maximum de matchs d’ici à la fin de la saison.

Quand allez-vous reprendre la compétition ?

Vous savez, on ne gère pas toutes les blessures de la même façon. Il y a des programmes spécifiques à suivre. En ce qui me concerne, Je travaille dans la sérénité. Je veux revenir en force, sans courir le risque de rechute. Je sais que cela me ramènerait à la case départ et c’est ce qui m’incite à ne pas griller les étapes. Je sais ce que c’est que d’être éloigné des terrains pendant une longue période. Je ne veux pas avoir à revivre ça. Aujourd’hui, le plus dur est passé. Il ne me reste pas beaucoup de temps pour revenir à la compétition.

Parlons de l’Equipe nationale ; quelle lecture faites-vous du tirage au sort ?

Je crois que toutes les équipes se valent, à ce stade de la compétition. Il est vrai qu’il y a les leaders naturels. Ceux que l’on donne comme favoris de fait. Mais il y aussi les trouble- fêtes. Ceux qui créent la surprise parce qu’ils ont travaillé dur et ont cru en leurs chances. Il n’y a que le travail qui paye. Le reste n’est que du blabla. De ce fait, on devrait se mettre au travail dès à présent, pour réussir le meilleur parcours possible.

Les Algériens espèrent un meilleur parcours qu’en 2010 en Afrique du Sud, avez-vous le même espoir de voir l’Algérie passer enfin l’écueil du premier tour ?

Il ne faut pas verser dans la comparaison. D’abord quatre ans se sont écoulés depuis. Il y a entre-temps une nouvelle génération qui est arrivée. A chaque tournoi ses spécificités. Soyez-en certain, il n’y a pas un joueur qui ne voudrait pas réaliser la meilleure Coupe du monde possible. Les objectifs restent, en tout cas, les mêmes. Je veux dire aller le plus loin possible dans la compétition. Il faudrait, à mon avis, tirer les leçons de la dernière CAN. Nous avons abordé ce tournoi avec beaucoup d’assurance. Il y avait trop de certitudes chez le groupe. Au final, on s’est fait éliminer dès le premier tour. Ceci devrait nous servir de leçon. Rien n’est acquis. On ne peut rien calculer. Tout ce qu’on dira maintenant ne sera que de la spéculation. Du coup, je me contenterais de dire que je me tiendrai prêt à réaliser le tournoi de ma vie ! Soyez-en certain, chaque joueur de l’Equipe nationale nourrit les mêmes ambitions.

Pensez-vous au moins au deuxième tour ?

C’est un objectif ! C’est sûr, on fera le maximum pour honorer l’Algérie et donner de la joie au peuple. Si on n’a pas cette ambition, il vaudrait mieux rester à la maison. Comme je l’ai dit, nous représentons les couleurs nationales. On doit  donner le meilleur de nous-mêmes.

En parlant de préparation, en quoi la rencontre face à la Slovénie du 5 mars prochain pourrait-elle vous aider à préparer le Mondial ?

Ce sera une occasion pour le coach de s’enquérir de l’état de forme de chaque joueur. Ça fera quand même quatre mois que l’équipe n’a pas joué. A partir de là, cette rencontre sera comme une remise en marche. Après, chaque match joué nous sera utile dans la cohésion et l’efficacité, peu importe l’identité de l’adversaire. A ce stade, il est très important de jouer le plus grand nombre de matchs, en sélection comme en club.

Ce match pourrait-il servir de référence pour la suite ?

Absolument pas. Comme je l’ai dit, cela restera un simple match-test pour tout le monde. Le coach pourra se faire une idée sur le niveau de l’équipe, les insuffisances à corriger, et tout. Pour nous les joueurs, on pourra jauger notre degré de préparation. Sans plus.

Il se pourrait qu’il y ait des critiques, notamment en cas de défaite, comment allez-vous gérer ça ?

Il faudra les accepter, bonnes ou mauvaises. Les critiques font partie du métier. Parfois, elles sont constructives. Personnellement, je n’ai aucun problème avec les critiques. En connaissance de cause, je sais que la plupart des joueurs de la sélection n’y trouveront pas à redire. Ils ont cette ouverture d’esprit qui fait qu’ils acceptent tous la critique, pour peu qu’elle soit objective et qu’elle ne comporte pas de méchanceté.

Avez-vous souhaité une confrontation avec d’autres sélections que celles qui animeront le groupe H ?

Il faudra prendre le tirage tel quel. Personnellement, je n’ai jamais cherché à éviter les grandes sélections. J’ai toujours souhaité affronter les grands joueurs. Cela vous aide à acquérir de l’expérience. Ça reste dans l’histoire ! Après, je vous dis ça du point de vue strictement personnel. C’est mon humble avis.

Un duel Neymar-Belkalem, ça vous tente ?

Pourquoi pas ? Toute expérience est bonne à prendre. Neymar est un  grand joueur. Mais je ne cherche en aucun cas les comparaisons, ni les défis. Cela étant dit, tant que je porte les couleurs nationales et que je représente mon pays, je dois être prêt à tous les défis. Il est vrai que parfois, on tombe sur des adversaires meilleurs que nous, mais on doit apprendre de ces expériences. Et puis, comme je l’ai dit, on doit toujours bien se préparer en perspective.

Si l’on revenait sur le match aller face au Burkina Faso, quel a été votre sentiment, après avoir concédé deux penaltys dans un match aussi décisif ?

Il y avait beaucoup de pression sur nous, avant le match. A plus forte raison sur nous les défenseurs, dans la mesure où chaque but encaissé allait réduire nos chances de qualification. On ne craignait pas l’adversaire, plutôt de passer à côté d’une chance d’entrer dans l’histoire. Je ne me serais jamais pardonné, si nous avions raté la qualification à cause de moi. D’autant que j’avais ressenti une grosse injustice, après le deuxième penalty. Il y avait une erreur flagrante d’arbitrage.

Quelle a été la réaction du groupe, à chaud ?

Nous étions naturellement contrariés. Il y avait un mélange de colère et de déception. Cette défaite avait du mal à passer. Le Burkina l’avait emporté, grâce à un coup de main de l’arbitre. Il n’y a pas d’autres explications à cette défaite. Personnellement, j’ai l’habitude avec ça. Avec la JSK, j’en ai vu de toutes les couleurs, croyez-moi !

En évoquant l’arbitrage, Djamel Haïmoudi sera présent au Brésil, un commentaire ?

C’est un arbitre qui a roulé sa bosse. Il a été sacré meilleur arbitre africain, deux années de suite. Il mérite amplement ses distinctions. Personnellement, je suis heureux pour lui. J’espère qu’il réalisera un grand tournoi.

Comment expliquez-vous qu’il soit critiqué à chaque fois qu’il arbitre en Algérie ?

Il ne faut pas se mentir, lorsque Haïmoudi dirige des matchs internationaux, il a souvent affaire à des joueurs professionnels, respectueux des décisions arbitrales. C’est complètement différent de la mentalité algérienne. Chez nous, on commence à crier dès la première touche sifflée !  Il faudra arrêter avec ça.

Quel est votre favori pour le scare en championnat cette saison ?

Naturellement, je vote JSK ! Et croyez-moi, c’est les sentiments qui parlent. Après, si vous me demandiez un pronostic plus objectif, je ne saurai vous répondre, étant donné que je n’ai jamais compris comment fonctionne le football chez nous. Impossible de dire qui sera champion, qui jouera l’Afrique et qui luttera pour le maintien. Tout est imprévisible dans notre championnat. Il y a des équipes qui gagnent à l’extérieur et perdent à domicile, d’autres vous alignent dix défaites de suite, puis se mettent tout bonnement à gagner…

Que pensez-vous du parcours de la JSK cette saison ?

L’équipe a bien démarré sa saison. Le parcours a été excellent au départ. Seulement, elle s’est mise à perdre des points lors des dernières journées, ce qui a influé sur son classement actuel. Avec plus d’efficacité lors des derniers matchs, la JSK aurait pris les commandes du championnat aisément, ou au pire titillé l’USMA.

Quels sont les joueurs qui ont attiré votre attention cette saison ?

Ils sont plusieurs. Il y a Asselah et Benlamri qui confirment de saison en saison leur talent. Ce sont aujourd’hui des cadres de l’équipe. Je leur souhaite de continuer sur cette lancée. Il y aussi d’autres joueurs qui se sont illustrés cette saison. J’espère qu’ils continueront à nous régaler, comme ils l’ont fait jusqu’ici.

Que pensez-vous d’Ebossé ?

C’est un joueur original. Il a beaucoup de qualités. Avec un tel potentiel, il apportera sans doute un plus à l’équipe.

Islam Slimani a été sacré Ballon d’Or algérien, Le Buteur-El Heddaf ; un commentaire ?

Islam a réalisé une saison exceptionnelle, notamment en sélection. Il mérite donc amplement son sacre. Le fait que le public et les connaisseurs aient voté pour lui justifie mon avis. Il faudra lui rendre hommage pour ces buts qui nous ont qualifiés pour le Mondial. Il a une grosse part de mérite dans notre parcours.  Je profiterai aussi pour rendre un hommage à Soudani qui a été lui aussi décisif durant toute la campagne éliminatoire.

Vous étiez personnellement nominé, avez-vous attendu les résultats des sondages ?

Disons que je suis resté attentif. Comme tout joueur ambitieux, j’aurais aimé naturellement être sacré. Le fait que je sois un défenseur ne m’excluait, d’autant que Madjid Bougherra l’avait remporté deux fois. J’ai encore la chance de l’emporter un jour. Je n’ai qu’à travailler dur pour le mériter.

Sinon, que pensez-vous de la consécration de Cristiano Ronaldo Ballon d’Or Fifa cette année ?

Franchement, je m’attendais à ce qu’il le remporte. Il a réalisé des statistiques exceptionnelles avec le Real Madrid et la sélection du Portugal. Ribéry a remporté, certes, des titres sur le plan individuel, mais Ronaldo émerge du lot. Pour moi, le podium se présenterait comme suit : Ronaldo, Ribéry, Messi.

Vous mettez Messi en dernier ?

Oui, parce qu’il a connu une saison difficile, empoisonnée par les blessures. Mais il reste un joueur à part. Je suis sûr qu’il reviendra aussi fort qu’il l’était les années précédentes. C’est un extraterrestre !

Avez-vous demandé des conseils à Halliche, avant d’aller en Angleterre, lui qui a passé deux saisons à Fulham ?

Naturellement. Rafik m’a beaucoup aidé par ses conseils. On se parlait beaucoup les premiers jours de mon arrivée ici. Le fait qu’il ne se soit pas adapté à Fulham ne veut pas dire qu’il a échoué. C’est un joueur fantastique, il n’a pas eu de chance seulement. Il y a des joueurs qui ne s’adaptent pas dans certains clubs, pour des raisons précises. Je vous citerai l’exemple d’Ibrahimovic qui n’a jamais réussi à s’adapter à Barcelone. Pourtant, c’est l’un des meilleurs attaquants au monde en activité.

Lors d’un entretien qu’il nous a accordé, il a souhaité que vous ne viviez pas la même expérience ; un mot ?

C’est gentil. Franchement, je voudrais beaucoup réussir à Watford, même si cela reste un tremplin pour moi. Grâce aux conseils des autres, je suis mieux armé. Je pense que je sais comment gérer les choses. Car la réussite n’est pas dictée spécialement par les performances sur le terrain. C’est un  tout. Et là, les expériences des autres peuvent être utiles.

Vous arrive-t-il de rencontrer Guedioura et Abdoun ?

Oui, on se retrouve à chaque fois que nos emplois du temps respectifs nous le permettent. Comme je l’ai dit, le temps passe vite ici. Avec nos obligations personnelles, j’avoue qu’on ne se voit pas beaucoup. Mais on se parle beaucoup au téléphone et on essaye de caler un rendez-vous, à chaque fois que c’est possible.

Quel jugement apportez-vous sur leur saison, plus particulièrement Abdoun qui joue sa première saison en Angleterre ?

Abdoun réalise une saison très réussie avec Nottingham. Il ne donne pas du tout l’impression d’être nouveau en Angleterre. C’est un joueur exceptionnel qui a réussi à s’adapter partout où il est passé. Guedioura, par contre, a été stoppé par les blessures. Je pense qu’il aurait montré un meilleur rendement avec son nouveau club, s’il n’avait pas été blessé.

Vous avez sans doute vu jouer Bentaleb, que pensez-vous de lui ? Peut-il apporter un plus à l’EN ?

C’est un joueur très doué, effectivement, malgré son jeune âge. On parle beaucoup de lui ici en Angleterre. Ici, on le compare déjà à Scholes. Ce n’est pas facile pour un joueur de jouer avec toute cette aisance à un âge aussi précoce. Il a tout son avenir devant lui.

Rêvez-vous de jouer un jour en Premier League ? Et pour quel club ?

Naturellement. Après, je n’ai pas de club en particulier dans ma tête. Déjà, le fait de jouer en Premier League est un exploit en soi. Après, le nom du club pour lequel nous jouons importe peu.