Essaïd Belkalem s’installe tranquillement dans sa nouvelle vie londonienne. Le climat lourd de l’Angleterre ne semble pas avoir entamé l’enthousiasme du défenseur de Watford qui parle comme toujours de son actualité avec un recul certain. Il était en train d’emménager dans son nouvel appartement quand nous l’avons joint au bout du fil pour le rappeler bien plus tard après lui avoir laissé le temps de signer le bail de location et récupéré les clés de son nouvel appart. «C’est à 15 minutes du centre d’entraînement», s’est-il réjouit. Le ton est donné. Entretien.
Essaïd Belkalem, cela fait quelques semaines que vous êtes à Watford (Championship, Angleterre), comment se déroule votre adaptation ?
Tranquillement (Silence). Je commence à trouver mes repères. Disons que je m’installe en douceur, sans faire de vagues. Je connais déjà tout le monde. Je me suis imprégné de l’ambiance du groupe. Les joueurs sont très sympas avec moi. Ils m’ont fait comprendre que j’étais le bienvenu dès mon arrivée. Franchement, de ce côté-là, je n’ai pas trouvé d’obstacle.
Quel a été le discours de Zola à votre arrivée ?
On a déjà eu une première discussion au téléphone avant mon arrivée. C’est lui qui avait insisté pour me recruter. A mon arrivée, on a prolongé la discussion. Disons qu’on est allés au fond des choses. On s’est entendus pour aller mollo.
Vous n’avez pas beaucoup joué depuis votre arrivée, le coach vous a-t-il expliqué pourquoi ?
C’était dans les plans. Comme je l’ai dit, nous avons beaucoup parlé de ma situation à mon arrivée. Avec le coach, le préparateur physique et le médecin du club nous avons fait le tour de la situation. Je les ai mis au courant pour mon ancienne blessure, l’opération et tout. On a conclu qu’il me fallait du repos, du moment que je ne me suis pas reposé cet été. Il n’a pas voulu me griller. Comme nous avons beaucoup de matches à jouer, nous avons convenu d’y aller mollo.
En partant pour Udinese, vous étiez certain que vous jouerez là-bas ; vous vous y êtes même préparé mentalement, comment avez-vous reçu la nouvelle de votre prêt à Watford ?
Il faudra qu’on se mette d’accord. Watford, c’est mon choix. Il fallait quand même que je trouve une solution à mon cas. A Udinese, j’étais arrivé très en retard. L’entraîneur m’attendait pour le 1er juillet et moi, je me suis pointé le 21. A mon arrivée, le groupe bouclait sa préparation. Le coach voulait me faire venir plutôt. Ils ont appelé mon agent pour me rapatrier, mais j’étais en sélection militaire en Azerbaïdjan. J’étais resté injoignable. Mon agent a essayé de calmer le jeu, mais après un moment, le coach n’a rien voulu savoir. Il a bouclé son groupe sans moi.
D’où votre décision de partir…
Au départ, j’avais songé à résilier mon contrat. Je ne voulais plus rester après ça. Le fait de ne pas m’entraîner avec le groupe pro, d’être mis à l’écart m’a dégoûté. Mais j’étais pressé par le temps. Il fallait tout recommencer de zéro. Chercher un club, négocier, conclure, s’entraîner… Zola m’a appelé entre temps deux ou trois fois. Il avait beaucoup insisté et j’ai dit oui.
Pourquoi être allé à Watford et pas dans un autre club ?
Parce que Watford me voulait la saison dernière déjà. Ils avaient beaucoup insisté pour m’avoir, mais comme le club n’avait pas accédé, on avait rompu les négociations. Comme ils sont revenus à la charge cette fois, j’ai dit OK.
Avez-vous fait un premier bilan avec Zola ?
Oui. Dans l’ensemble, il m’a dit qu’il était content de moi. Contrairement à certains, il ne s’est pas arrêté sur le penalty que j’ai concédé lors du match face à Charlton (1-1). Il m’a même encouragé pour ma prestation.
Et vous, quel bilan en tirez-vous ?
Je pense avoir été bon. Dans l’ensemble, je suis assez satisfait. Ce n’est pas évident de casser la baraque dès le départ, c’est pour cela que je fais preuve de patience. J’essaye de persévérer. Physiquement, je ne suis pas encore au point. J’y travaille… J’y travaille.
Envisagez-vous un retour à Udinese ?
Naturellement. Ça fait partie de mes projets. A la base, on a convenu d’un prêt d’une année, après on verra. Tout dépendra de moi et de la volonté de Udinese à me récupérer. Si on a besoin de moi, j’y retournerai dès cet hiver. Sinon je resterai jusqu’à la fin de la saison. Peut être plus. On verra bien.
Pour vous, aller à Watford est une régression ou plutôt un recul pour mieux rebondir ?
Non, je n’ai pas le sentiment d’avoir régressé. Le niveau est très intense. Le club est très ambitieux. J’ai la chance d’avoir un entraîneur qui communique beaucoup. La ville est merveilleuse. Franchement, je ne regrette pas une seconde d’être venu. Après, je n’oublie pas d’où je viens. Dans le haut niveau, personne ne te fait de cadeau. Je sais que je dois me battre pour m’imposer. Je ne grille pas les étapes. J’y vais mollo.
Evoluer dans un championnat aussi physique que la Championship anglaise convient-il le mieux à votre profil ?
Je découvre ça. Le jeu est très engagé. Les matches sont intenses. On joue tout près de l’adversaire. Les matches sont très intenses. Le public est merveilleux. Il faut vivre ça pour comprendre. C’est quelque chose d’incroyable.
L’entraîneur de Watford est un ancien international italien, cela vous donne-t-il l’impression d’être quand même resté en Italie ?
Oui, en quelque sorte. Dans son discours, sa gesticule et sa philosophie, on n’en est pas loin. C’est un entraîneur qui communique beaucoup. Avec lui, j’ai le sentiment d’apprendre au quotidien.
Vous avez maintenant une petite idée sur le niveau de la championship, pensez-vous pouvoir vous y adapter et vous y imposer ?
On verra bien. Franchement, je ne peux pas savoir de quoi sera fait demain. Comme je l’ai dit, je ne veux pas griller les étapes. Je fais mon apprentissage tranquillement. Je travaille dur pour réussir. Y a que le travail qui paye.
Un de vos coéquipiers n’a pas tari d’éloges sur vous ; il vous a présenté comme un professionnel qui ne rechigne jamais sur la tâche, ça vous fait quoi ?
Je suis tout flatté. Après, je pense que j’ai toujours été comme ça. Je suis resté le même. Du moins humainement. Je garde les mêmes principes. Après, sportivement, j’essaye de m’améliorer. J’apprends tous les jours des autres.
Avez-vous demandé des «tuyaux» sur Londres à vos coéquipiers de la sélection qui jouent et qui ont joué en Angleterre (mode de vie, quartier d’habitation à choisir, astuces pour une adaptation rapide au football anglais…) ?
Naturellement. C’est toujours intéressant de prendre l’avis des autres. Je les ai bien sûr consultés. Après, on final, c’était à moi de prendre une décision et de l’assumer. C’est ce que je fais.
Vous ont-ils encouragé à jouer à Watford ?
D’une certaine façon. Mais la décision finale m’appartenait. C’était à moi de trancher. Il y avait la sélection nationale dans la balance. Je devais prendre une décision qui corresponde avec mes ambitions avec la sélection. Je devais gagner en temps de jeu. Ceci a beaucoup pesé dans mon choix.
On suppose que vous connaissez des notions d’anglais de par votre cursus scolaire. Avez-vous le projet de prendre des cours de perfectionnement d’anglais ?
Oui, je parlais déjà un petit peu. J’ai appris quelques notions à l’école. Mais j’essaye de me perfectionner ici. Je me suis inscrit à des cours. Il n’y a pas que le foot. J’ai envie d’apprendre dans la vie. Me dire que je ne perds pas mon temps.
Votre arrivée à Watford correspond à celle de Adlene Guedioura à Crystal Palace. Etant tous deux dans les environs de Londres, vous arrive-t-il de vous rencontrer ?
Oui. Adlene est un garçon formidable. Il ne manque jamais de venir aux nouvelles. D’appeler souvent me s’assurer que je ne manque de rien. Je l’en remercie infiniment.
Il y a une forte communauté algérienne en Angleterre en général et à Londres en particulier. En avez-vous déjà croisé certains ?
Je me suis fait beaucoup d’amis. C’est fou le nombre d’Algériens qui vivent ici. Grâce à eux, je ne me sens pas du tout dépaysé. On se voit très souvent pour des soirées algériennes. Figurez-vous que le week-end on a maté MCA-CRB ensemble à la télé.
Le raté de Yachir vous a surpris ?
Oui trop. Ce n’est pas de ses habitudes de rater des buts dans ces positions. C’est un joueur très talentueux. Je sais qu’il finira par surmonter ça. Franchement, j’ai eu une petite pensée pour lui à la fin du match.
La JSK débute fort son championnat. Quatre journées et pas encore invaincue (entretien réalisé jeudi, ndlr), vous devez être content ?
Oui, je le suis. Je le dis d’ailleurs à chaque fois aux copains. D’autant que cela fait des années qu’on n’a pas connu un début aussi réussi.
Vous dites «on». Est-ce à dire que je vous êtes resté… disons JSKiste dans l’âme ?
Oui, je le suis. Il ne faut pas perdre de vue que j’ai passé presque treize ans dans ce club. J’y fais toutes mes classes, c’est donc naturel que je m’y définisse même si je suis parti.
La sélection nationale affrontera le Burkina Faso aux barrages, comment avez-vous accueilli ça ?
En fait, j’étais à l’entraînement à ce moment-là. Je ne l’ai su que plus tard par des amis. Après, je ne me suis pas posé de questions. A ce stade de la compétition, on prend le premier venu.
Vous auriez préféré un autre adversaire ?
Pas spécialement. Nous préparons la Coupe du monde. A partir de là, on n’a plus de calculs à faire. On doit gagner, un point c’est tout.
Certains n’ont pas caché leur soulagement d’avoir évité l’Egypte, et vous ?
Ça m’était égal. Nous avons un barrage à jouer. Il faudra être costauds pour sortir indemnes de ces deux matches. Je me dis que le Brésil n’est pas loin. Ceci ne veut pas dire que ce sera facile. On doit s’y préparer comme il se doit.