La tolérance à l’égard du voile islamique, la neutralité de l’Etat, le vote « ethnique », le génocide arménien : la prestation de serment d’une jeune élue d’origine turque au Parlement régional de Bruxelles a relancé de nombreux débats en Belgique.
Mahinur Özdemir, âgée de 26 ans, avait indiqué qu’elle porterait un hidjab pour sa première apparition dans l’assemblée où elle a été élue le 7 juin, sur les listes du Centre démocrate humaniste (CDH), un parti d’inspiration chrétienne.
Elle a tenu parole, mardi 23 juin, malgré les polémiques sur le sens de son geste et des rumeurs indiquant qu’elle pourrait renoncer à son mandat suite, notamment, à une plainte déposée contre elle pour « négationnisme ».
Un « comité citoyen » affirme qu’elle aurait nié la réalité du génocide arménien de 1915, contredisant, au passage, la position de son parti.
Mahinur Özdemir est, quoi qu’il en soit, devenue la première députée voilée d’Europe, hormis une élue espagnole de la ville autonome de Ceuta, en Afrique.
Mlle Özdemir affirme qu’elle porte le hidjab depuis l’âge de 14 ans et que cela résulte d’une décision personnelle.
Cette diplômée en administration publique aimerait, affirme-t-elle, être jugée moins sur son apparence et davantage sur ses projets – pour l’emploi et la cohabitation entre les générations.
Ce souhait avait peu de chance de se réaliser depuis la mésaventure qu’elle a connue pendant la campagne.
Suite à ce qui a été présenté comme une « erreur », des tracts de son parti montraient son visage, mais sans voile : la photo avait été retravaillée.
Cet épisode paraît finalement avoir servi la jeune femme : placée au 21e rang sur la liste du CDH, elle figure parmi ses 11 élus régionaux bruxellois grâce aux voix personnelles qu’elle a glanées, apparemment parmi les femmes belges d’origine musulmane.
Marquer sa neutralité
Ce vote décrit comme « religieux » ou « ethnique » alimente une autre polémique. Elle porte sur les moyens d’harmoniser la représentation des 30 % de Bruxellois se disant de confession musulmane avec les règles d’un Etat qui se dit « neutre », à défaut d’être laïque.
Le principe de laïcité n’est, en effet, pas explicitement reconnu dans la Constitution belge.
Denis Ducarme, député du Mouvement réformateur (libéral), entend désormais faire interdire le port de signes religieux distinctifs dans les parlements fédéraux et régionaux.
« Un choix entre pluralisme et communautarisme », explique-t-il. Pour M. Ducarme, un parlementaire est libre de défendre ses convictions, mais il doit marquer sa neutralité pour représenter la nation dans sa totalité.
Son initiative, qui divise sa propre formation, est dénoncée par le centre et la gauche, pour qui le Parlement doit d’abord être le reflet des diverses composantes de la société.
S’ils ne sont pas parvenus à régler la question du port de voile dans les établissements scolaires, laissant les directions trancher au coup par coup, les politiques belges s’entendaient, en revanche, pour interdire tout port d’un signe religieux par des fonctionnaires.
Cette certitude-là vole, elle aussi, en éclats : le service du personnel du ministère de la justice vient de plaider, dans une note officielle, pour l’autorisation du port du voile par ses agents.