L’appel à la rupture du jeûne et à la prière du Maghreb est attendu avec joie.
Tout ce monde défait, pressé, agressif et nerveux redevient comme par enchantement, beau et gentil. Terrible contaste!
Les soirées du Ramadhan prennent de plus en plus de couleur à Béjaïa. Dans la capitale des Hammadites, l’ambiance a presque atteint sa vitesse de croisière pour donner lieu à une situation festive au bonheur des Béjaouis. La détente est permise- en famille- dans une région qui s’est longtemps fermée sur elle-même. En ville ou en campagne, les citoyens de cette région renouent avec l’ambiance festive.
L’appel à la rupture du jeûne et à la prière du Maghreb est attendu avec joie mêlée d’impatience. Certains se regroupent dans les quartiers, d’autres se mettent au balcon et dès l’appel du muezzin à travers tous les coins et recoins de la ville, c’est le vide qui s’installe. C’est le moment de rompre le jeûne. Chacun retrouve son petit chez soi. Seuls les cliquetis des cuillères qui plongent dans l’assiette de chorba s’entendent La ville est déserte pendant presque une demi-heure. Ce sont les mordus du café noir qui sortent les premiers pour envahir les cafés. Le «saha ftourek» fuse de partout.
Le bruit reprend comme une machine qui vient d’être réparée. Le brouhaha reprend et la ville s’anime.
La nuit est déjà là et la fraîcheur gagne progressivement la ville qui se réveille et grouille de nouveau. «Quand le ventre est plein, la tête chante», dit en substance, l’adage populaire. Cela se vérifie amplement. C’est à croire que ce sont d’autres habitants qui ont pris place dans la ville. Entre les mines défaites affichées avant l’Adhan et celles d’après le ftour, c’est tout un monde.
Le contraste est saisissant. Tout ce monde, pressé, agressif et nerveux redevient, comme par enchantement, beau et gentil. Même dans les tenues vestimentaires. Entre ceux qui sont revêtus de tenues pratiques pour se sentir à l’aise et ceux vêtu de la gandoura pour la prière des tarawih, deux mondes s’agitent de nouveau pour faire des rues et quartiers de la ville de Béjaïa des endroits assez pittoresques. Presque tout le monde est déjà dehors.
L’afflux y est tel que certains cafetiers se disent débordés. Si la majorité des jeunes préfèrent s’y attabler pour prendre une tasse de café ou de thé et griller quelques cigarettes, d’autres, nombreux, s’adonnent aux jeux de cartes ou de dominos.
Les adolescents et jeunes étudiants se ruent, en revanche, vers les cybercafés en quête d’évasion sur la grande Toile. Facebook, Tchat via Messenger, MSN et bien d’autres sites interactifs, tout semble bon pour passer le temps. Ces dernières années, les jeunes sont nombreux à fréquenter les mosquées qui deviennent alors trop exiguës pour contenir tous les fidèles qui se démultiplient durant le mois sacré.
Les fidèles trouvent toujours un moyen de se distinguer par la tenue vestimentaire ou le tapis de prière. Ce n’est qu’après la prière des tarawih que la véritable ambiance s’installe dans les quartiers et les salles de spectacle. Tout s’emballe.
Du TRB jusqu’à la Maison de la culture en passant par le stade scolaire, des spectacles divers et gratuits sont offerts au public. Il y en a pour tous les goûts.
Les enfants, qui, après avoir investi les rues profitent des galas artistiques dans tous les coins de rue. Il y en a parmi eux qui se contentent de partager des moments de joie avec des camarades et des voisins. On se réunit en petits groupes, comme c’est le cas dans certaines localités rurales, discutant de tout et de rien jusqu’à l’aube.
Dans les campagnes, l’animation est plus difficile. Le manque de moyens de distraction est criant. Alors on s’invente des loisirs adaptés à leur entourage et à leurs moyens.
Le loto bat son plein dans les villages et il n’y a pratiquement que ça pour passer le temps jusqu’au s’hour. Dans les villes de l’intérieur, rien n’est encore prévu pour les soirées de Ramadhan.
A Sidi Aïch, par exemple, cette ville qui a connu d’autres temps autrement plus gais, mis à part les cafés et le sempiternel loto, rien n’est venu égayer les soirées. Seuls les cybercafés tentent de rivaliser avec les cafés. Passe encore pour les hommes, les femmes quant à elles, sont généralement confinées à la maison avec la télé pour seule distraction. Comme chaque année, le Ramadhan est certes le mois des grosses dépenses, mais aussi celui des retrouvailles entre familles. L’on se redécouvre, l’on s’invite et l’on tisse des liens encore plus forts.
Le Ramadhan est un invité spécial qui a ses exigences, ses dépenses et aussi une période où l’on raffermit les liens familiaux que le temps a émoussés. Aux environs d’une heure du matin, l’animation baisse.
Dans certains endroits de la ville, des marchands ferment à des heures tardives de la nuit avant que tout le monde ne regagne enfin son foyer après une longue soirée de défoulement à laquelle succèdera une autre journée de jeûne et ainsi de suite durant 30 jours. A Béjaïa comme ailleurs, les scènes de colère et d’énervement sont nombreuses dans la journée, mais la nuit, la température tombe d’un seul coup. Il paraît que c’est cela aussi le Ramadhan!