De notre correspondant à Béjaïa
Le patrimoine forestier de la wilaya de Béjaïa, l’un des plus importants à travers le territoire national, est aujourd’hui sérieusement menacé.
Depuis le début de la présente saison estivale, les services des forêts de la wilaya de Béjaïa ont dénombré pas moins de 130 incendies ravageurs. Les dégâts sont carrément catastrophiques : on parle de plus de 1 700 hectares de couvert végétal complètement carbonisé.
Maquis, broussailles et exploitations agricoles, les flammes, aggravées par le climat caniculaire qui sévit ces derniers mois sur l’ensemble de la partie nord du pays, ont touché quasiment tous les espaces boisés. Le relief, généralement accidenté et difficilement accessible, retarde souvent les interventions des sapeurs-pompiers. La conservation locale des forêts tire la sonnette d’alarme et appelle l’ensemble des citoyens à faire preuve de vigilance et de mobilisation.
«En moyenne, près de 2 500 hectares d’espaces forestier partent chaque année en fumée. Les réserves de la wilaya sont sérieusement mises en péril. Tout le monde est interpellé pour sauvegarder ce qui en reste», a déclaré récemment le premier responsable du secteur sur les ondes de la radio locale. Les décharges publiques sauvages, qui prolifèrent dans la région, constituent manifestement la première cause de ces incendies. Cependant, certains éleveurs de bétail peu scrupuleux provoquent parfois ces feux pour soi-disant «régénérer les espaces de pâturage».
Au rythme où vont les choses en ce moment, la menace est bien réelle. L’appréhension des autorités compétentes et des associations écologiques se trouve pleinement justifiée. «La période s’étalant de la mi-août à la mi-septembre reste potentiellement dangereuse à cause de la sécheresse qui la caractérise», s’inquiète encore le conservateur, réitérant ses appels à la conscience citoyenne. Avec une pluviométrie qui varie de 670 à 1 000 millimètres par an, la wilaya de Béjaïa est réputée pour ses richesses hydriques et sa diversité florale et faunistique.
En effet, le domaine forestier s’étend sur au moins 122 500 hectares, soit plus de 37% de la superficie totale de la wilaya. Le chêne-liège, le chêne-zen, le chêne-afarès, le chêne vert, le pin d’Alep et le cèdre constituent les principales essences.
Les massifs de Bouhathem (6 900 ha), Taourirth Ighil (6 600 ha), Akfadou (5 400 ha), Ath Abbas (5 100 ha), Ath Mimoune (3 800 ha), Oued Agrioun (3 600 ha), Oued Djemaâ (2 600 ha) et Ath Melloul (2 100 ha) constituent autant de réserves naturelles qu’il va falloir préserver des nombreux dangers qui les guettent. Les parasites, les maladies et l’action négative de l’homme menacent plus que jamais ce patrimoine dans son existence même.
Incendies répétitifs, défrichages clandestins de pans entiers par des particuliers, décharges sauvages, l’ouverture illégale de pistes, coupe irrégulière de bois de chauffage ou de pieds droits utilisés dans le bâtiment, peuplement illicite, les infractions sont diverses, mais leur impact environnemental et économique est identiquement désastreux un peu partout.
Que cela soit dans l’Akfadou et les massifs d’Adekar ou dans la région maritime du Sahel, le couvert végétal est mis à rude épreuve par l’action destructrice de l’homme, le vieillissement et le manque d’entretien.
Il ne suffit plus de replanter en hiver pour tout «griller» en été. Ce cercle vicieux doit être impérativement rompu à jamais. Il s’agit d’un sérieux problème de «santé publique» à prendre en charge en toute urgence.