Bejaia après l’incendie du rectorat : Le recteur nie, les étudiants disent détenir des preuves vidéo

Bejaia après l’incendie du rectorat : Le recteur nie, les étudiants disent détenir des preuves vidéo

A Aboudaou, ce mercredi matin, une atmosphère de gueule de bois, de celles glauques qui succèdent à une nuit des quatre cent coups. L’incendie survenu lundi 4 avril des bureaux du rectorat de l’Université de Béjaia est sur toutes les lèvres. Un souvenir aussi frais que traumatique. Le recteur se défend d’avoir agressé un étudiant et affirme vouloir porter plainte. Les étudiants accusent le recteur et affirment détenir des enregistrements vidéo.

Ici les animateurs de la CNAE, la coordination nationale autonome des étudiants, veulent rapidement oublier et réorienter les étudiants vers des formes de contestation plus raisonnables.

Les prises de parole portent essentiellement sur la marche nationale prévue le 12 avril à Alger. A Targa Ouzemmour, l’autre campus, des étudiants de certaines facultés, transis par l’hypothèse d’une année blanche, ont brisé le mot d’ordre de grève et rejoint les amphis.

Une rare bonne nouvelle pour le recteur Djoudi Merabet qui, la veille, était au centre d’une hallucinante « barbouzade » pour casser la grève de la CNAE.

Car deux faits paroxystiques ont marqué l’université mardi 5 avril. Un fait irréfragable d’abord, l’incendie du rectorat. Deux jours après l’incendie, chacun livre sa version des faits. Forcément contradictoire.

« Même en état de guerre, il n’est pas permis d’attaquer l’université», peste Djoudi Merabet, le recteur qui estime qu’il s’agit là d’un acte funeste qui jure avec « la vraie image de l’université de Bejaia ».

Djoudi Merabet jure qu’il ne passera pas l’éponge d’autant qu’il n’exclut pas que les animateurs de la CNAE soient derrière l’explosion de gaz qui, une heure avant l’incendie du rectorat, à soufflé une partie des équipements du centre de calcul.

« Nous avons décidé, dit-il, de saisir la Justice et d’exclure non seulement de l’université de Bejaia mais de toutes les universités algériennes les personnes impliquées dans les actes de saccage et d’incendie de bureaux du rectorat ».

Sur la « première violence », le recteur, tout en reconnaissant avoir été présent dans le périmètre des échauffourées, nie avoir agressé Ouedfel Younes Mohamed Lamine, étudiant de 1re année de droit.

« Je suis recteur et le recteur n’agresse pas les étudiants. C’est une énième rumeur qui est créée pour aggraver la situation», estime-t-il.

Il explique qu’une « minorité violente » a dressé des tables pour tenir un meeting et que les agents de sécurité du campus d’Aboudaou intervenus pour dégager le chemin aux étudiants désireux de rejoindre les amphis, ont été agressés et qu’une mêlée générale s’en était suivie.

Une version des faits que réfutent et l’intéressé et les animateurs de la coordination estudiantine d’Aboudaou. Pour Mohamed Lamine, les agresseurs sont le recteur et un agent de sécurité.

«Il était 9h30 lundi, raconte-t-il à notre confrère El Watan (édition du mardi 5 avril), Le comité des étudiants du département de droit a organisé une assemblée générale pour discuter des problèmes auxquels nous faisons face. Les étudiants ont bloqué tout accès au bloc 4 qui abritait cette réunion (…).

Les agents de sécurité sont venus pour forcer l’ouverture des portes. Nous avons tenté de les en empêcher en leur disant que c’est notre droit de faire grève. (…) Le recteur, qui est entré dans la salle, m’a lancé des propos désobligeants et m’a tenu par les mains pour m’immobiliser. C’est là qu’un agent de sécurité a surgi pour m’asséner un coup à la mâchoire avec le coude. Le sang a giclé. Je me suis rendu ensuite dans un centre de soins où on m’a délivré un certificat médical. J’ai porté plainte contre le recteur et l’agent de sécurité pour agression.»

Les animateurs de la coordination accusent également le premier responsable de l’université.

« L’agression perpétrée par le recteur sur un étudiant de 1er année de droit a mis le feu au poudre. Rapidement une immense marche s’est ébranlée depuis Aboudaou pour le campus de Targa où dans l’effervescence générale ces graves débordements sont en effet survenus », témoigne Kamel Atrouche, animateur de la Coordination.

Il indique que des étudiants ont même filmé l’ « agression » et que la CNAE va s’appuyer sur ces vidéos pour introduire une plainte en pénal contre le recteur.

L’étudiant agressé est introuvable sur le campus et son portable injoignable. Toutes les tentatives des journalistes de la DNA d’entrer en contact avec lui sont restées vaines.

Ghilas Bourzane explique que les animateurs de la Coordination avaient rapidement amené du matériel de sonorisation pour appeler à la cessation des actes de saccage et d’incendie.

« J’ai accouru moi-même auprès de la sous direction des affaires scientifiques pour demander une rallonge électrique pour faire fonctionner la sono mais son premier responsable avait prétendu qu’il n’en avait pas », raconte-t-il en guise d’illustration de la position de la CNAE.

Deux jours après l’incident, le fossé est creusé davantage entre les étudiants et le rectorat.