Houari Barti
Sur les 1.000 personnes devant assister à cette cérémonie, quelque 500 viendront de l’étranger, a affirmé avant-hier Mgr Jean-Paul Vesco, évêque d’Oran, lors d’une conférence animée au centre Pierre Claverie à Oran pour expliquer le sens et les enjeux de cette béatification.
Le pape François 1er qui ne sera pas du voyage sera représenté par le cardinal Angelo Becciu, préfet de la Congrégation des causes des saints. Une célébration simultanée avec retransmission se tiendra à la cathédrale d’Oran (Saint Eugène).
La béatification est «la déclaration, par décret pontifical, qu’une personne de foi chrétienne a pratiqué les vertus naturelles et chrétiennes de façon exemplaire, ou même héroïque», a expliqué l’évêque d’Oran devant un parterre composée d’hommes et de femmes de l’Eglise d’Algérie, d’expatriés mais aussi de musulmans d’Oran.
La publication de ce décret, a-t-il souligné, «est suivie d’une célébration solennelle de béatification» avant de préciser que la vénération publique de celui ou celle qui est alors appelé «bienheureux» ou «bienheureuse» est par la suite «autorisée, localement ou universellement». Cette cérémonie de béatification permettra également de mettre en valeur le don de sa vie d’un autre martyr, musulman celui-là, Mohamed Bouchikhi. Ce jeune Algérien a choisi lui aussi de rester auprès de l’évêque d’Oran, au risque de sa vie. Nous le savons grâce à un testament spirituel très émouvant retrouvé après sa mort.
C’est ainsi que cette cérémonie prend tout son sens : «Le sens de ces béatifications, c’est la valeur du témoignage de chrétiens tués avec des musulmans, dans une épreuve qu’ils ont fait leur», a-t-il affirmé. Et de préciser : «Le point capital est que ce témoignage réussisse à mettre en lumière celui de tous ces milliers d’Algériens musulmans, dont une centaine d’imams, qui ont payé de leur vie leur combat contre la terreur en mode religieux». Il ne s’agit pas de braquer les projecteurs sur «les chrétiens victimes de ces violences», mais bien de les mettre «en communion avec tous les Algériens» qui en ont lourdement souffert (la guerre civile a fait au moins 200.000 morts en Algérie durant les années 1990 – ndlr). «Nos frères et sœurs martyrs étaient -et doivent rester- un signe de fidélité». «Ils ne sauraient servir de prétexte au réveil d’une prétendue adversité qui les aurait opposés aux Algériens». C’était tout le contraire! «Ils sont restés par solidarité». Et c’est, d’une certaine manière, «parce qu’ils étaient proches de ceux avec lesquels ils travaillaient que ces «bienheureux» ont été attaqués», dans leurs quartiers ou leurs villages, a-t-il expliqué.
Il est à noter que c’est le 27 janvier dernier que le Saint-Siège a publié le décret reconnaissant le martyre de «Monseigneur Pierre Claverie et ses compagnons» (dont les moines de Tibhirine), et a donc donné le feu vert à leur béatification. C’est le diocèse d’Alger qui a engagé ce processus de béatification englobant ces 19 martyrs de la même cause. La décision d’engager cette procédure a été prise en mai 2000 à Rome. Le pape Jean-Paul II avait alors invité à célébrer au Colisée les martyrs du XXe siècle.
Dans son discours, il avait prononcé les noms de Christian de Chergé et de ses compagnons du monastère de Tibhirine, sept moines enlevés puis tués au printemps 1996. C’est là qu’a commencé une longue concertation avec notamment les membres de familles des victimes, avant d’entamer officiellement la procédure en 2007.
«C’est une reconnaissance très profonde de la part de l’Église catholique, suite à une enquête qui a duré cinq années. Il y a eu démonstration que ces moines ont préféré servir en Algérie par dévouement et dévotion», a indiqué, mi-septembre dernier, le ministre des Affaires religieuses, M. Mohamed Aïssa. «La reconnaissance de ces moines n’exclut en rien la reconnaissance de l’Algérie de leurs efforts. C’est pourquoi la reconnaissance sera aussi politique», a ajouté Mohamed Aïssa.