Très attendue, la session du madjliss échoura du MSP se tiendra les 29, 30 et 31 décembre prochains à Alger. Au cours de cette réunion organique importante, plusieurs points ayant trait aux futures législatives seront discutés par les membres de cette instance dirigeante. Toutefois, c’est l’avenir du parti islamiste au sein de l’Alliance présidentielle qui focalisera les débats et retiendra l’attention des observateurs politiques.
Largement discutée en juillet dernier, cette question n’avait pas permis de dégager un consensus entre les cadres dirigeants de cette formation. Devant cette absence d’accord, la décision de reporter le débat à la session suivante, c’est-à-dire celle qui se tiendra fin décembre, a été prise pour, dit-on, approfondir les consultations mais aussi observer le cours que prendront les réformes initiées par un chef de l’Etat que le MSP ne cesse d’interpeller sur cette question précisément. Le renvoi de l’éventuelle décision de retrait de la coalition présidentielle est d’ailleurs présenté par les dirigeants de ce parti comme un délai supplémentaire, même s’il ressemble fort à un ultimatum, accordé à ses deux alliés pour rectifier et corriger le cap imprimé aux réformes politiques. Mais cet ajournement cache de moins en moins l’écart entre les positions exprimées au sein du madjliss échoura, ce qui avait poussé les partisans du retrait de l’Alliance présidentielle avec à leur tête Soltani et son très médiatique viceprésident, Abderazak Mokri, à s’accorder un délai supplémentaire dans l’espoir de rallier les autres membres du parti, farouchement opposés à cette décision. Des ministres et certains cadres importants qui occupent des postes de responsabilité au sein des structures de l’Etat s’emploient à convaincre leurs collègues de l’inopportunité et l’inutilité d’une telle décision et des risques qu’elle impliquerait sur l’avenir du parti dans l’échiquier politique. Les uns et les autres se sont accordé une halte de six mois pour se rencontrer une nouvelle fois fin décembre en vue de trancher définitivement la question de rester ou de quitter l’Alliance présidentielle. L’avenir de cette formation politique se jouera au cours de la prochaine session qui promet d’être houleuse. Si aucun accord ne voit le jour lors de cette session, le MSP risque une implosion, similaire à celle vécue lors du dernier congrès et qui avait débouché sur une dissidence conduite par l’ancien ministre de l’industrie, Abdelmadjid Menasra. Ce dernier et son nouveau parti, en attente d’un agrément, observent de près l’évolution du rapport de force au sein du MSP. Un nouvelle crise de cette formation profitera d’abord au Front pour le changement national (FCN), qui se revendique lui aussi de la tendance des Frères musulmans, mais aussi au parti de Djaballah qui se présente comme le leader de l’opposition islamiste au pouvoir en place. Menacés par la participation presque certaine de son «frère ennemi» Djaballah à travers sa nouvelle formation, le Front pour la justice et le développement (FJD), et fragilisés par son ancien compagnon de route Menasra, Aboudjerra et son équipe engagent une course contre la montre, à moins de deux mois du scrutin législatif, pour tenter de se positionner sur la scène politique. A travers l’option du retrait de l’Alliance présidentielle, ils cherchent probablement à se dédouaner du bilan du pouvoir en place, auquel ils ont pourtant activement participé ces dernières années notamment. C’est ce qui explique leur empressement à vouloir quitter coûte que coûte l’Alliance présidentielle pour se présenter, même tardivement, en opposants lors du prochain scrutin. Le MSP veut se désolidariser de ses alliés — le FLN et le RND avec lesquels, il avait «créé» l’Alliance présidentielle en 2004 pour soutenir et porter le programme du candidat Bouteflika — pour leur faire endosser l’échec de toutes les politiques appliquées jusqu’à présent, mais aussi la piètre qualité des réformes politiques initiées récemment. Aboudjerra Soltani accuse ses deux collègues au sein de l’Alliance présidentielle d’avoir dévoyé et dénaturé les réformes politiques initiées en avril dernier. Prétexte sur lequel il s’appuie pour justifier sa menace de quitter cette coalition près de huit ans après sa création. Sans pousser l’audace jusqu’à voter contre les textes soumis à l’adoption des parlementaires notamment au niveau de la Chambre basse, il a quand même décidé de s’abstenir lors de ces séances, une position du «juste milieu» qu’il maîtrise parfaitement depuis des années. Certains observateurs assimilent la démarche de Soltani à un chantage pour tenter d’arracher plus de concessions lors des prochaines législatives. Aux décideurs, il lance un message clair qui dit à peu près ceci : ou c’est moi ou je rejoindrai l’opposition. Galvanisé par les victoires réalisées par les partis islamistes — le courant des Frères musulmans — dans les pays arabes, le parti d’Aboudjerra Soltani s’est soudain mis à rêver de la possibilité de décrocher une majorité parlementaire lors des prochaines législatives qui se tiendront en février. Depuis quelques mois, il multiplie les sorties sur le terrain et les déclarations pour se présenter comme l’alternative à l’actuelle majorité parlementaire. Soltani croit dur comme fer que son tour est arrivé et que les futures législatives seront la première étape de sa conquête du pouvoir en attendant la présidentielle de 2014 qu’il prépare activement. L’ancien ministre d’Etat sans portefeuille ne perd pas son temps. Dans sa quête de soutiens à sa cause, il s’est rendu, il y a quelques jours, au Qatar, principal allié politique des Frères musulmans dans le monde arabe, pour faire sa «campagne électorale». Lors de son séjour à Doha, Aboudjerra Soltani a rencontré le président de l’Union mondiale des oulémas musulmans, cheikh Kardhaoui qui parraine et accompagne les islamistes dans leur prise du pouvoir. Le chef islamiste a saisi l’occasion pour s’offrir le plateau de la très contestée chaîne Al Jazeera qui fait campagne ouvertement pour les Frères musulmans. Le séjour qatari a été tout bénéfice pour Soltani qui accélère la cadence en prévision de la session du madjliss échoura de son parti aux enjeux politiques et organiques décisifs pour lui et sa formation. Certains observateurs avertis estiment que Soltani et son clan jouent leur avenir à la roulette russe à travers la nouvelle démarche et ligne politique imprimée à son parti durant ces derniers mois.
M. A. O.