Sur les principales artères de la capitale, au niveau des places publiques, un nouveau «mobilier urbain» a fait son apparition qui altère le paysage pour les uns et constitue un espace d’expression pour les autres.
Destinés pour l’affichage à l’occasion de la campagne électorale pour les élections législatives, ces centaines de panneaux qui ont dû coûter une fortune au contribuable n’ont pas encore, au troisième jour de campagne, «rempli leur mission».
Alger-centre, Ferhat-Boussad, Bab El Oued, Belouizdad, Hussein Dey ou encore Ruisseau (les Annassers), le constat demeure le même : des rangées de panneaux qui n’intéressent pas pour l’heure ceux auxquels ils sont destinés, les partis politiques censés les « investir » dès les premières heures de campagne, mais qui constituent dans plusieurs endroits, de véritables défouloirs,
pour les citoyens qui préfèrent compter leurs sous en termes de prix de la pomme de terre qu’en salaires faramineux des députés « qui oublieront d’où ils sont issus », ironisera ce jeune du quartier de Belouizdad. Il pense plutôt au match de Coupe d’Algérie, entre le CR Belouizdad et le CS Constantine qu’à un isoloir au fond d’un bureau de vote.
« Le vote ne m’intéresse pas. En tout cas, tous ceux que vous voyez ici sont des rapaces », dit-il, faisant signe de la tête pour montrer les rares affiches collées sur les panneaux. Pas plus de 5 affiches sur un total de 38 listes. Celle du FLN partout « bombardée » de peinture noire, « œuvre des frondeurs », dit-on dans les parages, au-dessous de laquelle l’inscription « FLN voleurs » résume à elle seule ce désarroi, le poster de Amara Benyounes du MPA, déchiré qui prône « un printemps algérien « , celui de Louiza
Hanoune « défigurée » pour appeler à « la rupture », le portrait de Abdallah Djaballah qui remplace celui de son épouse pourtant tête de liste à Alger et pour clore cette « campagne publicitaire » pour reprendre une remarque d’un passant, la case n°4 réservée à l’Alliance verte est estampillée Amar Ghoul qui représente « l’espoir ». Comme arrière-plan, l’Alliance verte a choisi l’autoroute est-ouest, projet étatique d’envergure utilisé à des fins électorales. La loi n’interdit-elle pas, comme la souligné le chef de l’Etat, ce genre de pratique ?
Absence d’affichage : «Une question de stratégie»
Peut importe. L’engouement partisan est en deçà des attentes. « C’est une question de stratégie », lance un responsable du FNA croisé non loin du siège du parti, ex-rue Tanger. « Nous préférons attendre encore quelques jours pour entamer l’opération d’affichage », fait-il savoir, craignant « l’incivisme citoyen qui arrache affiches et panneaux ».
« En général, la campagne commence à s’échauffer à partir de la 2e semaine », a tenté d’expliquer Mohamed Saïd du PLJ qui a pourtant entamé son « show » à Alger.
« Certaines formations n’ont pas encore imprimé le moindre poster », avance un militant du FLN qui se targue de l’avance prise par son parti « malgré ce qu’on dit ».
A Belouizdad, l’on affirme que les panneaux ont été arrachés « mais remplacés dans les heures qui ont suivi les actes de sabotage », soutient un habitant. « Ceci pour que tout paraisse normal », commente-t-il. Un agent de l’ordre en « faction » dans les environs affirme pour sa part que « la situation est des plus calmes ». « Pourvu que ça dure », ajoute-t-il l’air un peu gêné lorsqu’on évoque « des incidents » vécus l’avant-veille dans le quartier où, selon plusieurs témoins, des jeunes supporters belouizdadis, mal informés de la délocalisation du match de coupe, s’en sont pris « à tout ce qui symbolise l’Etat, y compris les panneaux d’affichage ».
La pomme de terre côtoie les posters
Plus loin, au Ruisseau, les affiches manquent de place à côté des « mercuriales » et autres doléances citoyennes, taguées sur les panneaux. « Patate : 100 DA, tomate 120 DA… « .
Des inscriptions qui côtoient des affiches mal inspirées. « Je voterai malgré tout « , répond un citoyen. « Pour l’Algérie », précise-t-il sans plus. Un autre passant ayant déjà fait ses emplettes ironise
« Il ressemble à Sarkozy. J’aurais pu voter pour lui si tel était le cas », lâche-t-il montrant le portrait de Benyounes, avant de poursuivre son chemin. Les panneaux d’affichage à Bab El Oued enregistrent l’entrée en lice du FFS. Renseignement pris, les militants de ce parti sont passés le matin.
« Ils étaient en campagne de proximité », apprend-on du jeune Mohamed qui rappelle le dernier meeting tenu par le FFS à la salle Atlas « alors que le monde s’embrasait à Tunis et au Caire ». Les affiches du RND y sont aussi, mais partout déchirées. « Quel changement veulent ces têtes ? « ,
s’interroge Omar, du quartier du Meissonnier, qui fait remarquer que la salle de cinéma Sierra Maestra n’a jamais été aussi sollicitée ces derniers temps.
« Depuis la projection de Harraga, de Marzak Allouache, on n’a pas vu autant de monde », dit-il. « Les élections, c’est un jeu d’intérêts », soupire-t-il. Entre la « stratégie » rampante des partis et la célérité du citoyen qui ne manque pas de dérision, tout un faussé. Comment les partis comptent-ils convaincre les citoyens en procédant par valse hésitation et prudence ?
Comment la confiance perdue peut-elle être rétablie si l’engagement et les serments prêtés demeurent à la case « slogan » ? La campagne se poursuit péniblement. « Nous avons encore le temps », justifient les politiques.
S. M.