La nouvelle stratégie américaine en Afghanistan envisagée par le président Barack Obama pourrait être dévoilée plus finement cette semaine à l’occasion de la rencontre tripartite à Washington, qui réunira également les chefs d’Etat pakistanais et afghan.
On sait d’ores et déjà que ce sera au moins une approche régionale susceptible d’impliquer l’Iran, qui n’a pas opposé de refus, mais sans plus, si ce n’est plus de soldats américains et peut-être d’autres pays encore. « Du côté des militaires, on a commencé à reconnaître ces derniers jours que l’obsession à l’égard de l’Inde en tant que menace mortelle pour le Pakistan est erronée et que sa plus grosse menace est aujourd’hui interne », a récemment noté M. Obama. Ce qui est significatif des changements stratégiques qui sont en train de s’opérer dans la région. En effet, le président Obama recevra, mercredi, ses homologues afghan et pakistanais Hamid Karzaï et Asif Ali Zardari, à un moment où la détérioration de la situation dans les deux pays est un sujet de vive inquiétude pour le gouvernement américain. M. Obama réunira les deux hommes en un mini-sommet et aura aussi des entretiens séparés avec chacun d’eux, a annoncé son porte-parole, Robert Gibbs. Les discussions porteront sur « la manière dont nous pouvons travailler ensemble pour renforcer notre coopération dans cette importante partie du monde, au moment où les États-Unis mettent en œuvre une nouvelle stratégie » pour les deux pays, a-t-il déclaré.
Le président américain a fait de l’Afghanistan une de ses grandes priorités internationales et y a annoncé l’envoi de 21 000 soldats supplémentaires. La nouvelle stratégie divulguée en mars intègre complètement le Pakistan, sans lequel la question afghane ne peut être résolue, selon Washington. Or les violences, qui ont redoublé depuis deux ans en Afghanistan, menacent de devenir pour l’administration Obama un motif de préoccupation aussi vif au Pakistan. La récente progression des talibans vers la capitale Islamabad a provoqué l’inquiétude à Washington, tandis que la secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, a accusé le gouvernement pakistanais, rallié à la lutte antiterroriste après le 11 septembre 2001, de capituler devant les extrémistes, malgré bien entendu ses dénégations. Avant même l’avancée des talibans vers Islamabad, le président pakistanais avait conforté les angoisses américaines en promulguant l’instauration de tribunaux islamiques dans la vallée de Swat, en échange d’un cessez-le-feu que les talibans ont mis à profit pour gagner du terrain. Au cours des derniers jours et sous l’apparente pression américaine, l’armée pakistanaise est passée à la contre-attaque.
L’administration américaine affirme la nécessité d’aider financièrement le gouvernement pakistanais pour qu’il s’assure le soutien de la population. Le président américain a souligné la nécessité d’aider financièrement le gouvernement civil pakistanais qu’il a qualifié de « très fragile » pour renforcer sa légitimité. Le gouvernement du président Asif Ali Zardari « ne semble pas avoir la capacité de fournir à la majorité des gens les services publics de base : les écoles, la santé, le respect de la loi, un système judiciaire qui fonctionne », a-t-il indiqué. « Il a donc par conséquent beaucoup de mal à obtenir le soutien et la loyauté de son peuple », a-t-il ajouté. « Nous devons donc aider les Pakistanais à aider les Pakistanais. » Les États-Unis étudient la possibilité d’envoyer une aide d’urgence comprise entre 200 et 400 millions de dollars au Pakistan. Selon le sénateur républicain, Jon Kyl, les sommes envisagées pourraient constituer une avance sur une aide de 1,4 milliard de dollars au Pakistan prévue dans un projet plus vaste (83,4 milliards) de dépenses d’urgence soumis par M. Obama au Congrès, qui devrait l’étudier à partir du mois de juillet.
Les États-Unis ont aussi besoin du Pakistan pour combattre les insurgés qui se servent de son sol pour combattre les forces internationales en Afghanistan. Pour l’administration Obama, l’incertitude s’est accrue en Afghanistan avec une intensification des combats à l’arrivée du printemps et la perspective de l’élection présidentielle du 20 août. Avant l’annonce de sa nouvelle stratégie conjuguant efforts militaires et civils, M. Obama avait paru prendre certaines distances avec le gouvernement afghan. Le 9 février, il avait noté que le système politique fonctionnait à présent en Irak : « Vous ne voyez pas encore ça en Afghanistan.
Ils vont avoir des élections, mais dans les faits le gouvernement national semble très détaché de ce qui se passe autour de lui. » Cela sonne comme une sentence et elle l’est d’autant plus que les critiques pleuvent sur le gouvernement afghan. La nouvelle stratégie se fera-t-elle sans lui ? C’est ce que certainement il appréhende fortement. Mais qu’en est-il de son voisin ? Beaucoup diront de lui qu’il gère une situation de fait et que son cercle le plus proche a eu à en souffrir, puisque son épouse, Benazir Bhutto, a été assassinée par ceux-là mêmes qu’il déclare combattre.