La hausse continue des dépenses publiques et, inversement, la contraction des revenus pétroliers, à cause de la volatilité du marché, constituent une menace contre le budget de l’État.
Le gouverneur de la Banque d’Algérie, Mohamed Laksaci, attire l’attention de l’Exécutif quant à la tendance haussière que suivent actuellement les dépenses publiques. La récession qui caractérise le secteur des hydrocarbures depuis 2006 et la contraction de ses exportations en volume en 2012, représentent un risque majeur pour les finances publiques. La volatilité des prix du pétrole sur le marché international constitue une menace permanente et sérieuse pour le budget de l’État. Le rapport annuel de la Banque centrale sur l’évolution économique et monétaire de l’exercice 2012, présenté hier par M. Laksaci, indique que le taux de couverture des dépenses courantes par les recettes hors hydrocarbures a continué à reculer pour atteindre 45% contre 55% en 2010.
Cela est essentiellement dû à la poursuite de la forte expansion de ces dépenses et notamment des transferts courants tels que les subventions des prix, les transferts aux collectivités locales… le poids de la dépense publique qui a pris des proportions importantes, passant de près de 45% en 2011 à 50% en 2012. Or, ces ratios sont de l’ordre de près de 27% au Maroc et 26% en Tunisie en 2011. Une telle situation, jugée “défavorable” par M. Laksaci, montre de manière claire la “vulnérabilité significative du budget de l’État”.
Le maintien de la forte croissance des dépenses budgétaires totales en 2012, évaluées à 22,5%, conjugué à l’envolée récente des dépenses courantes “ne sont pas soutenables”, avoue le gouverneur. Cela étant, la balance des paiements extérieurs courants a enregistré, grâce à la relative stabilisation des prix à 111 dollars en 2012, un excédent de 6,02 % du produit intérieur brut (PIB), soit 12,3 milliard de dollars mais en deçà de la performance réalisée en 2011 estimée à 8,9% du PIB. Ce recul s’explique par la “forte progression des importations de biens non alimentaires qui ont avoisiné les 20% contre 15,6% en 2009”. Ce constat reflète ainsi le nouveau modèle de consommation que s’est “offert” l’Algérien depuis quelques années. Les besoins du consommateur ont évolué à tel point que la production nationale ne peut plus faire face à cette demande de plus en plus exigeante.
Le Trésor déficitaire pour la 4e année consécutive !
D’où le recours immédiat à l’importation afin de garantir une disponibilité qui éviterait toute tension sur le marché national et endiguerait un éventuel front social. La hausse de ces importations, selon Mohamed Laksaci, va engendrer une vulnérabilité à court terme pour la balance des paiements de l’Algérie.
Ce qui va influer indubitablement sur le taux d’inflation dans notre pays. Et là, le gouverneur parle d’une inflation importée dont le taux s’est établi à 8,9% en 2012 contre 4,5% en 2011. Jusqu’à juillet dernier, le taux avoisinait les 6,2%. Il s’agit d’un “pic historique” déclenché par la flambée des prix de certains produits frais au 1er semestre de l’année dernière tels que la viande ovine, qui a contribué davantage à l’inflation des prix intérieurs en 2012, soit 49,65%. Vu l’accélération de l’inflation par rapport à 2009 et la persistance des dysfonctionnements des marchés, le risque d’inflation en Algérie “pourrait commencer à contrarier les acquis en matière de stabilité du cadre macroéconomique et constituer un défi sur le moyen terme pour l’économie nationale en plus de celui de nature structurellement inhérent à sa faible diversification”, affirme M. Laksaci pour qui la Banque des banques a pris des mesures qui ont conduit à l’appréciation de 5,8% en moyenne annuelle du taux de change effectif réel du dinar. Ce qui a pu, précise-t-il, limiter l’impact de l’inflation importée sur le niveau général des prix intérieurs étant donné la hausse des prix des biens de consommation non alimentaires introduits sur le marché national.
Toutefois, Mohamed Laksaci avoue que l’exercice 2012 a connu un léger raffermissement de la croissance économique évaluée à 3,3% contre 2,8% en 2011, tirée par la performance des secteurs hors hydrocarbures à savoir l’industrie et le BTP. Cette consolidation de la croissance a évolué, néanmoins, dans un contexte marqué par un déficit du Trésor à hauteur de 4,7% du PIB (contre 1,2% en 2011), pour la 4e année consécutive. “En valeur absolue, le déficit des opérations du Trésor enregistré en 2012 excède même celui de 2009, année de choc externe de grande ampleur”, souligne M. Laksaci. En dépit de cette contrainte, la capacité de financement du Trésor, exprimée par l’encours des épargnes financières auprès de la BA s’est encore consolidée en 2012 et a avoisiné les 5 633 milliards de DA contre 5 381 milliards de DA à fin 2011.
277 opérateurs interdits de domiciliation et de transfert de fonds
L’augmentation des épargnes financières du Trésor, même à faible rythme, relève le gouverneur, contribue à la diminution de l’effet de la monétisation des avoirs extérieurs. À ce propos, l’encours des réserves de changes, sans l’or, ont été évaluées à 190,66 milliards de dollars à fin décembre 2012 contre 182,22 milliards de dollars en 2011. Elles représentent plus de trois années d’importations de biens et services. Si l’on veut situer la position financière extérieure nette de l’Algérie, c’est-à-dire les réserves officielles de changes moins la dette extérieure, relativement au Produit intérieur brut (PIB), elle est estimée à 91,55% en 2012. “Ce ratio excède largement le niveau de la plupart des pays émergents d’Asie, en situation de niveau de dette extérieure et du ratio de service de cette dette historiquement très bas”, tient à préciser M. Laksaci. Cette performance se veut, selon lui, un signe fort de la solidité de la position financière extérieure de l’Algérie. Encore faut-il, cependant, se soucier, de la vulnérabilité de la balance des paiements vis-à vis du trend haussier des importations des biens et services qui rend la situation financière externe du pays moins résiliente à un choc extérieur lié à une éventuelle chute des cours du baril.
Une gestion prudente des réserves de changes demeure de ce fait, estime M. Laksaci, la solution la plus sage pour le moment. Par ailleurs, en matière de contrôle de change, 277 opérateurs économiques ont été interdits par la BA de domiciliation bancaire et de transfert de fonds vers l’étranger entre 2007 et 2012.
Entre 2010 et 2012, 186 procès-verbaux d’infraction de changes ont été également établis par les inspecteurs de la BA dans le cadre des contrôles sur pièces en application des dispositions de la loi 96-22. Si le gouverneur confirme la résilience de l’économie nationale face à la crise mondiale, il n’en demeure pas moins que la diversification de celle-ci, en renforçant davantage les secteurs hors hydrocarbures, pourrait être l’ultime issue face à cette dépendance des hydrocarbures qui risque de compromettre à tout moment l’aisance financière dont jouit actuellement l’Algérie.
B K