Banque d’Algérie : une approche « prudente et pragmatique » de la gestion du taux de change

Banque d’Algérie : une approche « prudente et pragmatique » de la gestion du taux de change

ALGER – La Banque d’Algérie, « dans son approche prudente et pragmatique de gestion du taux de change, a maintenu sa trajectoire en matière de politique de change inaugurée à compter de juin 2016 », ont indiqué à l’APS des responsables de cette institution financière.

« L’ajustement du cours du dinar n’ayant obéi, essentiellement, qu’à des fluctuations, sur les marchés financiers internationaux des changes, des monnaies de référence » que sont l’euro et le dollar », avancent-ils Faisant une rétrospective de la politique de change du pays, ils rappellent que le régime de change adopté par la Banque d’Algérie, au début des années 90, est celui de « flottement dirigé ». Ce régime se situe entre les deux régimes extrêmes : le régime de « parité fixe » et celui de « taux de change flottant ».

Selon les mêmes responsables, ce régime de flottement dirigé « s’écarte ainsi de la fixation purement administrative du taux de change sans, pour autant, abandonner totalement la détermination du taux de change aux seules forces des marchés internationaux ». Cette relative flexibilité « permet à la Banque d’Algérie d’ajuster le taux de change en fonction des déterminants structurels et macroéconomiques, internes et externes, tout en tenant compte des évolutions des taux de change des principales monnaies sur les marchés internationaux », poursuivent-ils.

Dans ce cadre, la politique de change de la Banque d’Algérie se fixe, pour variable cible, « le maintien du Taux de change effectif réel (TCER) à un niveau proche de son niveau d’équilibre ». Le TCER est défini comme étant le taux de change effectif nominal, rapporté aux prix relatifs de l’économie nationale et des principaux pays partenaires, qui permet de favoriser, simultanément, une croissance non inflationniste (équilibre interne) et un compte courant de la balance des paiements soutenable à long terme (équilibre externe).

A ce propos, ils soulignent que la détermination du TCER s’appuie sur les fondamentaux de l’économie nationale, identifiés comme étant le différentiel de productivité et le différentiel d’inflation entre l’économie nationale et les pays partenaires, le degré d’ouverture de l’économie, le prix de pétrole et les dépenses publiques. C’est ainsi qu’en pratique, la Banque d’Algérie détermine chaque année le niveau cible du taux de change effectif réel d’équilibre en fonction de l’évolution de ces fondamentaux, font-ils savoir.

Au cours de l’année, la Banque d’Algérie intervient sur le marché interbancaire des changes pour « veiller à ce que l’évolution du taux de change effectif nominal (et donc des taux nominaux bilatéraux), sous l’effet des fluctuations des monnaies des pays partenaires sur les marchés internationaux de change, n’induise pas d’écarts significatifs entre le niveau mesuré du TCER et son niveau d’équilibre de moyen terme », détaillent les mêmes responsables.

Questionnés sur l’évolution du taux de change du dinar entre 2000 et mi-2018, ils soutiennent que durant les années 2000, « la bonne tenue des fondamentaux de l’économie nationale, notamment le niveau des prix du pétrole, celui des dépenses publiques et le différentiel du niveau d’inflation avec ceux des principaux pays partenaires, a permis de stabiliser le taux de change effectif réel à son niveau d’équilibre fondamental de l’année 2003 ». Ce qui s’est traduit, dès 2003, par une appréciation progressive du dinar contre le dollar (le cours passant de 79,7 DA pour 1 dollar en moyenne en 2002 à 64,6 DA pour 1 dollar en moyenne en 2008, soit une appréciation de 23,4 % sur la période).

En revanche, le dinar s’est déprécié de 26,8 % vis-à-vis de l’euro sur la même période, en raison de la forte appréciation de l’euro contre le dollar américain (le taux de change de l’euro par rapport à la monnaie américaine étant passé de 0,9236 en moyenne en 2000 à 1,4708 en 2008). Mais au cours de l’année 2009, les fondamentaux de l’économie nationale ont connu une forte détérioration dans le sillage de la crise économique et financière internationale (chute des prix du pétrole, forte baisse des recettes d’exportation d’hydrocarbures, hausse du ratio dépenses budgétaires/PIB ), relèvent-ils.

Ces évolutions ont induit une dépréciation du dinar par rapport au dollar de 11,1%, en moyenne en 2009 et de 2,1% par an sur la période 2010-2013. Sur ce point, ils notent que cette dépréciation en nominal a permis de limiter la déviation du TCER mesuré, par rapport à son niveau d’équilibre, à 2,17 % sur la période. Quant à l’effondrement du prix du pétrole à partir du deuxième semestre de 2014, cela s’est traduit, en 2015, par un déficit du compte courant extérieur de 16,4 % du PIB et un déficit budgétaire de 15,3 % du PIB.

« Cette forte détérioration de l’un des principaux fondamentaux de l’économie nationale, en contexte de différentiels d’inflation et de productivité défavorables et de nécessaire maintien de la dépense publique à un niveau élevé pour soutenir la croissance et l’emploi, a entraîné une dépréciation du dinar, en moyenne annuelle, de 19,8 % vis-à-vis du dollar et de 4,07 % contre l’euro entre 2014 et 2015, tenant compte de l’évolution des cours de change entre ces deux devises sur les marchés internationaux »

Selon eux, « face au choc externe de grande ampleur et durable, le taux de change du dinar a joué, dans une large mesure, son rôle d’amortisseur, en l’absence de consolidation budgétaire ». Cela a permis de contenir la forte déviation du TCER par rapport à son niveau d’équilibre, induite par la dégradation substantielle des fondamentaux et de contribuer à limiter l’impact du choc externe sur la stabilité macroéconomique, à moyen terme, commentent-ils.

Mais à partir de juin 2016, dans un contexte de quasi stabilité des cours de change euro/dollar sur les marchés internationaux de change entre juin 2016 et juin 2017, « le second semestre de 2016 et le premier semestre de 2017 ont connu une relative stabilisation du cours de change du dinar vis-à-vis des deux principales monnaies de règlement de l’Algérie ». Cependant, sur l’ensemble de l’année 2017, l’euro a enregistré une appréciation sensible de 12,4 % par rapport au dollar. En conséquence, le dinar s’est déprécié de 3,3% vis-à-vis de la monnaie européenne, et de 1,3% vis-à-vis de la monnaie américaine. En cours de fin de période, le dinar s’est déprécié de 15,4 % par rapport à l’euro et de 3,8 % vis-à-vis du dollar, entre fin décembre 2016 et fin décembre 2017.

Ces dépréciations sont intervenues essentiellement au second semestre de l’année 2017, soit des dépréciations de 10,5 % et 6,2 % vis-à-vis de l’euro et du dollar, respectivement. Pour les responsables de la Banque d’Algérie, « le glissement du dinar, en cours de fin de période, notamment par rapport à l’euro, reflète donc et dans une très large mesure l’évolution des cours de change des deux principales monnaies de règlement de l’Algérie (de l’euro par rapport à la quasi-totalité des monnaies, et du dollar par rapport à certaines monnaies de pays partenaires) dans un contexte de persistance des déséquilibres des comptes extérieurs et publics et d’évolution défavorable de certains fondamentaux de l’économie nationale, notamment le différentiel d’inflation avec nos principaux partenaires commerciaux ».